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"Obama a tout ce qu’il faut pour être de manière classique un vrai chef, mais il ne semble pas aux yeux des Américains avoir une personnalité américaine".
"Obama a tout ce qu’il faut pour être de manière classique un vrai chef, mais il ne semble pas aux yeux des Américains avoir une personnalité américaine".
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Yes, he could

Barack Obama présente ce lundi ses propositions pour réduire le déficit budgétaire américain. A un an de l'élection présidentielle américaine, sa popularité est bien moins élevée qu'en début de mandat. Explications...

Nicholas Dungan

Nicholas Dungan

Nicholas Dungan est chercheur émérite à l'IRIS et conseiller spécial l'Atlantic Council à Washington DC.

Il est aussi écrivain.

Il est l’auteur d'une biographie d’Albert Gallatin : America’s Swiss Founding Father (Presses universitaires de New York University, septembre 2010).

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Atlantico : Barack Obama présente ce lundi ses propositions pour réduire le déficit budgétaire américain. Quels sont les enjeux de son plan ?

Nicholas Dungan : Obama sait qu'il sera jugé lors de la présidentielle américaine de 2012 sur la performance de l'économie et notamment sur la création d'emplois. En réalité, il dispose de très peu de pouvoir économique direct. Le Président américain cherche donc à reprendre l'initiative avec le peu d'outils à sa disposition ; le plus puissant étant probablement son talent d'orateur.

Si le Président américain éprouve quelques difficultés à faire passer actuellement ses mesures économiques, peut-on imaginer que son action soit jugée plus favorablement dans le futur, à l'instar du New Deal de Roosevelt ?

D’abord, il ne faut pas confondre le système constitutionnel et politique américain avec les systèmes que l’on connait en Europe. Aux États-Unis, l’élaboration de la politique interne revient au Congrès, alors qu’en France la Constitution de 1958 précise que le gouvernement élabore et conduit la politique de la nation. Il n’y a pas, en Amérique, de gouvernement tel qu’on l’entend en France. Par conséquent, la constitution américaine donne au Congrès le pouvoir d’élaborer la politique interne dans une certaine mesure.

La politique économique n’est ainsi pas du seul ressort de Barack Obama. A contrario, la politique étrangère, de sécurité ou de défense, selon la constitution, reviennent au Président et à l’exécutif et ne doivent être validée par le Sénat que dans certains cas, notamment la dépense. Il n’y a donc pas de politique économique de Barack Obama à proprement parler : il n’a qu’un pouvoir de proposition et un pouvoir de direction. A partir du moment où sa capacité de leadership, et son autorité morale, sont remises en question, il a de moins en moins de prise sur le Congrès.

Franklin Roosevelt connaissait quelques soucis avec le Congrès, mais il a fait passer les différentes grandes lois qui ont pris la forme par la suite du New deal. Barack Obama est arrivé en janvier 2009 dans des circonstances qui étaient assez voisines de celles de Roosevelt en mars 1933. Mais la grande différence entre lui et Roosevelt est que ce dernier avait une longue carrière politique derrière lui. De son côté, Obama ne disposait que de deux années passées au Sénat et ne possédait pas l'intuition ni la familiarité de la politique américaine.

Selon lui, il existe d’une part la crise qui est sévère, et d’autre part des problèmes structurels (un manque d’investissement dans l’éducation, l’énergie, l’écologie, les infrastructures et les transports). Mais il a essayé de tout faire d’un coup : il a fait passer le plan de relance (l’American Recovery and Reinvestment Act) et a essayé de faire adopter dans la foulée toute une série de mesures qui ont rencontré une forte opposition au Congrès.

Comment expliquer que Barack Obama peine autant à faire accepter ses mesures par le Congrès ?

Hillary Clinton a passé 8 ans comme Sénatrice de l’État de New York. Elle a noué des relations parce qu’elle a rendu des services à tel ou tel sénateur, elle a connu les représentants de l’autre côté du capitole, etc. Barack Obama ne jouit pas d’un tel réseau. Lors de la première année de son mandat, il a dû se replier sur son charisme afin de faire avancer ses positions économiques. En effet, il ne possède ni le pouvoir constitutionnel direct qui pourrait lui permettre de mener sa politique économique,  ni le réseau de relations qu’il aurait eu s'il avait eu une carrière aussi longue que celle de Franklin Roosevelt, voire d'Hillary Clinton. Or, son charisme s’affaisse. Il a deux priorités conflictuelles : d’une part, mettre en place des politiques progressistes en tant que Président des États-Unis, d’autre part se faire réélire d’ici 14 mois. Pour arriver à cette seconde priorité, il va de plus en plus vers le centre, il abandonne ainsi quelques partisans, comme les écologistes qui n’approuvent pas ses décisions sur le viaduc du Canada. Il essaye de plaire au centre pour séduire des Républicains du centre. Mais les Républicains élus, surtout à la Chambre des Représentants, détestent Obama, et feront tout pour l’empêcher d’avoir un second mandat.

Sa seule personnalité lui permettra-t-il d'être réélu en 2012 ?

Je pense que c’est une victoire que l’on gagne qu’une seule fois. Sa couleur de peau, par exemple, n'aura cette fois-ci plus d'importance du tout. Il est devenu Président des États-Unis, il a un héritage africain et une couleur de peau non blanche, mais il est moitié blanc etn’hérite absolument pas de la tradition du Civil Right, de la tradition de la communauté noire aux usa.

D’autre part, sa personnalité passe difficilement auprès d'une partie de l'électorat : il est vrai qu'il ne se comporte pas comme un homme politique américain classique. Il est trop calme, trop au-dessus de la mêlée, trop intellectuel, trop serein, avec trop d’emprise sur lui-même. Il a tout ce qu’il faut pour être de manière classique un vrai chef, mais il ne semble pas aux yeux des Américains avoir une personnalité américaine. Il réagit de façon plus posée et établir une relation de "copain" avec un député ou un électeur lambda apparaît beaucoup moins facile que s’il était un homme politique américain classique, non sorti de Harvard, mais des milieux de politiques locaux envoyés à Washington représenter le peuple américain.

La postérité lui sera-t-elle davantage favorable ?

C'est possible. Son discours du Caire montre qu'il se démarque de l'attitude arrogante qu'a pu avoir l'Amérique auparavant.  On retiendra sans doute de lui qu'il aurait pu, si les Américains l’avaient voulu, normaliser l’Amérique et réconcilier l’Amérique avec les exigences du XXIe siècle. Mais tout cela est au conditionnel car pour l’instant ça ne semble pas marcher. Le comparer à un autre président, je ferais une comparaison inverse. Je ne vois pas de comparaison directe. A mon avis c’est quelqu’un qui aurait pu aider les américains par un grand pas en avant mais un grand pas que le pays et le peuple n’ont pas voulu.

On peut établir une comparaison inverse avec Andrew Jackson. Aux premières années de la République sous l’administration Washington, jusqu’aux années 1815-20, les États-Unis étaient assujettis à tous les évènements de l’arène internationale, et ils étaient constamment pris entre les grands empires, notamment la Grande-Bretagne et la France. A partir des années 1820 -1830, le pays a pu avoir un repli sur soi, un isolationnisme, une sorte d'exceptionalisme américain, l'idée que les États-Unis ne sont pas un pays comme les autres.

Cette agressivité, la recherche du conflit, toutes ces valeurs, correspondent à l'opposé de la philosophie qu’incarne aujourd’hui Obama. Obama pourrait faire tourner la page de cet instinct jacksonien à son pays. Mais il se trouve que cet instinct est plus fort qu’Obama, et c’est pourquoi il existe un rejet ou une réticence de la plupart des Américains envers lui. 

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