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Luc Ferry : 
"Ma situation est parfaitement 
légale, morale et banale"
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Polémique

Dans une tribune pour Atlantico, l'ancien ministre et président du CAS (Conseil d’analyse de la société) contre-attaque suite à la campagne médiatique qui l'accusait de toucher un salaire de professeur à l'université Paris-VII (Diderot) sans jamais n'y avoir mis les pieds.

Luc Ferry

Luc Ferry

Luc Ferry, philosophe et homme politique français, a été ministre de la Jeunesse, de l’Éducation et de la Recherche en 2002, dans le gouvernement Raffarin. Il est président délégué du conseil d'analyse de la société depuis 2004.

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Je lis ici ou là sur Internet des commentaires si délirants sur ma situation professionnelle qu’il me faut mettre les choses au point. Trois thèmes, tous trois d’une rare absurdité, reviennent en boucle, alimentant les mêmes commentaires fielleux :

  • J’aurais été payé pour des cours que je n’ai pas faits – je serais donc un « absentéiste » rétribué pour ses absences ! 
  • Le président de mon université m’aurait sommé de venir faire mes cours et Matignon aurait remboursé les sommes que j’ai touchées indûment ;
  • Enfin, je présiderais un organisme fantôme, occupant ainsi une espèce « d’emploi fictif ».

La  vérité est tout autre et simple à vérifier  : après plus de vingt ans de bons et loyaux services comme professeur du secondaire, chercheur au CNRS, puis professeur d’université, j’ai choisi de changer d’air : en l995,  François Bayrou m’a proposé de présider le Conseil national des programmes, ce que j’ai fait jusqu’en 2002, date à laquelle je suis devenu ministre de l’Éducation. Au sortir du ministère, en 2004, Jean-Pierre Raffarin m’a demandé de présider un des conseils (le CAS = Conseil d’analyse de la société)  qui entourent Matignon et qui sont rattachés à ce qu’on appelait alors le Commissariat au Plan.

Dans ces trois fonctions (Président du CNP, ministre, Président du CAS), bien évidemment, j’étais en situation de « mise à disposition » ou de « détachement », comme des dizaines de milliers d’autres professeurs qui occupent des postes autres que ceux de l’enseignement. Dans ces conditions, bien évidemment aussi, un professeur n’est pas « absentéiste » : il n’est en rien  « payé pour des heures qu’il ne fait pas » (quelle absurdité !), mais pour le nouveau métier qui est désormais le sien. Lorsqu’un agrégé d’histoire, par exemple, est mis à disposition d’un grand musée comme le Louvre, il n’est pas payé pour les cours qu’il n’assure plus dans son lycée, mais pour son nouveau travail d’archiviste ou de conservateur.  

"Dire que j’ai été payé pour des heures que je n’ai pas assurées est un mensonge pur et simple"

Ce fut exactement la même chose pour moi lorsque j’étais président du CNP, ministre, ou président du CAS.  Dire que j’ai été payé pour des heures que je n’ai pas assurées est donc un mensonge pur et simple. En 2010, la nouvelle loi sur l’autonomie des universités a décidé que les mises à disposition dépendraient désormais, non plus du ministère, mais des universités elles-mêmes, de sorte que, sauf convention particulière, ce sont les organismes auprès desquels les professeurs seraient mis à disposition qui devraient payer leur traitement. Les services administratifs ont mis quelques mois à tenir compte de ces dispositions nouvelles de sorte que ce que Matignon a remboursé n’était donc en aucun cas, ni de près ni de loin, des « heures non faites par un professeur absent », mais tout simplement mon traitement de président du CAS que l’université avait continué de verser mécaniquement, comme les années précédentes, alors que, selon la toute nouvelle loi sur l’autonomie des universités, cette somme devait désormais être prise en charge par Matignon. Cela n’a rien changé pour le contribuable : il s’agissait toujours du même argent, celui de l’État, et que je fusse payé par mon université comme avant, ou par Matignon ne changeait rien à rien pour personne !  

Enfin, s’agissant du Conseil que je préside, voici ce qu’ un journaliste de Marianne, Jack Dion, en disait dans un article d’autant moins suspect de complaisance que ce journal n’a jamais mesuré ses critiques à mon endroit (Marianne du 18  juin 2011, page 10)  : « Comme de nombreux autres enseignants, le philosophe a été détaché de son poste de professeur à l’université Diderot (Paris VII) en  juillet 2004, époque à laquelle il a été nommé président du Conseil d’analyse de la société (CAS) , organisme rattaché à Matignon. Depuis cette date, il continue de percevoir son salaire de 4 300 euros, complété par une prime de l 800 euros pour sa fonction de président. Cette pratique habituelle a juste été troublée par la loi sur l’autonomie des universités, venue compliquer les relations internes  à l’administration. C’est ce qui a conduit Matignon à annoncer que ses services allaient rembourser à Paris VII les salaires qu’elle a versés à Luc Ferry pour l’année scolaire 2010-2011. Dont acte. On ne voit pas ce qu’il y a d’inique dans cette histoire.  Quoi qu’on pense du pedigree de ses participants (très sélectif), le CAS effectue un travail réel, même si l’on peut contester ses choix. Le salaire de Ferry n’a rien de mirobolant. Son statut n’a rien d’offensant. Il est donc étonnant de le traiter en escroc de la république. Il est encore plus surprenant de voir deux éminences du PS, Ségolène Royal et Manuel Valls, emboucher la trompette du profiteur pris la main dans le sac. »

"Mon but dans l’existence n’est pas de profiter des largesses de la République"

Depuis, j’ai pris ma retraite, quitte à perdre quelque revenu, pour en finir avec ces polémiques stupides et avoir un peu la paix. Durant ces trois dernières années, j’ai refusé, malgré l’aimable insistance du Président de la république, d’être député européen,  puis d’être renouvelé au Conseil économique et social, et enfin d’être nommé ambassadeur à l’Unesco. C’est dire combien mon but dans l’existence n’est pas de profiter des largesses de la République. Certains trouvent encore le moyen de juger scandaleux que je puisse supporter une perte de revenus, parce que je touche des rémunérations par ailleurs. Les bras, comme on dit, m’en tombent des mains ! Oui, c’est vrai,  j’écris des livres qui ont l’outrecuidance d’être lus. Je touche donc des droits d’auteurs qui complètent ma retraite mais contribuent aussi à faire vivre ma maison d’édition. Je ne suis pas un héritier, je paye mes impôts, je n’exploite personne, je suis un homme seul,  totalement libre de ses pensées et de ses  opinions : je vous demande bien où est le scandale ? Parvenu à ce niveau d’imbécillité et de jalousie haineuse, je dois avouer que  je reste sans voix et sans réponse…

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