"T'as pas une clope ?" Une question qui tue<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme a été jeté sous un tramway à Nice pour avoir refusé de donner une cigarette.
Un homme a été jeté sous un tramway à Nice pour avoir refusé de donner une cigarette.
©Reuters

Pour quelques bouffées

A Nice, une altercation pour une histoire de cigarette a tourné au drame.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Le tabac tue. Nul ne peut l'ignorer: c'est marqué sur les paquets de cigarettes. D'incessantes campagnes anti-tabac nous le rappellent. Et chaque année des milliers et des milliers de morts viennent allonger la liste des victimes de la nicotine. Le tabac peut aussi tuer autrement qu'en l'inhalant. Mais ça ne figure pas parmi les avertissements qui strient violemment les paquets de cigarettes. Ou alors il faudrait qu'ils affichent la mention : "refuser une clope peut entraîner la mort".

Qui n'a pas été interpellé dans la rue par un : "t'as pas une clope?"? Qui, ayant poliment décliné cette proposition, n'a pas reçu un coup de pied ou un coup de poing? Qui, dans les mêmes circonstances, ne s'est pas fait traiter de "bâtard" ou d''"enculé"? Et dans certains cas, rares il est vrai, les coups peuvent aller jusqu'à la mort "sans intention de la donner" selon la formule juridique consacrée.

Refuser une clope est en effet vécu par le demandeur comme une agression d'une extrême violence. Comment ne réagirait-il pas à ce qu'il ressent comme une provocation? Souvent le refus est assimilé par lui au "racisme".  Et là, l'offense est aussi grave qu'un regard jugé méprisant ou hautain. On en meurt aussi. "Oui, Monsieur le juge, c'est lui qui a commencé car il m'a mal regardé!".

Tenant à la vie et à l'intégrité physique de mon fils, je lui ai dit de ne jamais refuser une clope (pour son portable, je ne sais pas encore). Moi-même, je donne toujours une clope à celui qui la sollicite. Mais comme je fume des Gitanes, ce qui est très démodé, je me fais quand même insulter.

Un soir, je me trouvais avenue de Clichy, mon portable collé à l'oreille. Je fus interpellé par un grand gaillard : "t'as pas une clope?". De la tête, je lui fis signe de patienter en indiquant par un sourire que j'allais accéder à sa demande. A juste titre énervé, il haussa la voix et me fit savoir qu'il "n'avait pas que ça à faire" et que j'étais un "connard". Il s'approcha de moi pour m'arracher mon portable à cause duquel il lui fallait attendre la cigarette désirée.

Il aperçut que je portais autour du cou un médaillon ancien avec une inscription en lettres hébraïques. Sa colère en fut décuplée. Et il porta à ma connaissance que j'étais un "enculé de ta race". Il était manifestement d'origine africaine. Grand. Bâti comme une armoire à glace. Toutes les qualités requises pour obtenir une cigarette sur le champ. Je m'énervais à  mon tour : "appelles-moi bwana ("patron", c'est ainsi que les Blancs se faisaient appeler du temps des colonies).". Je fus châtié par un coup de poing au visage. Les flics s'en mêlèrent. Au commissariat, l'individu que j'avais agressé (une cigarette qui se faisait attendre plus un très malheureux "bwana", c'était pas rien) porta plainte contre moi pour "racisme". J'attends le procès avec résignation n'ayant aucun doute sur le fait que "enculé de ta race" ne pèsera pas lourd face à "bwana". Mais finalement je m'en tire plutôt bien. J'ai mis ma vie en péril. Et je ne suis pas mort.

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