Les propositions "choc" du Medef qui permettaient surtout à Valls de prouver qu'il est toujours de gauche et à Gattaz qu'il est le meilleur défenseur des entreprises<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz et Manuel Valls.
Pierre Gattaz et Manuel Valls.
©REUTERS/Benoit Tessier

Pas de deux

Les Echos ont révélé dimanche 14 septembre les propositions du Medef pour créer 1 million d'emplois parmi lesquelles figurent la suppression de certains jours fériés, la possibilité de déroger à la durée légale du travail et au niveau du salaire minimum pour certaines catégories de chômeurs.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le quotidien Les Echos a révélé dimanche 14 septembre un rapport du Medef de plus d'une cinquantaine de pages contenant des propositions pour relancer l'emploi en France. Parmi ces suggestions figurent, entre autres, la suppression de jours fériés ou encore la possibilité de déroger au salaire minimum pour certaines catégories de demandeurs d'emplois. Si ces propositions ne devaient être publiées que le mercredi 18 septembre, que dire du timing de cette fuite ? Dans quelle mesure ces propositions du Medef dévoilée à la veille du discours de politique générale de Manuel Valls offrent-elles au Premier ministre l'occasion de se positionner ?  

Philippe Crevel : D'une part, les propositions de Pierre Gattaz sont evidemment à même de faire plaisir à la base du Medef, à savoir les dirigents d'entreprise et les fédérations. Mais ce rapport permet également à Manuel Valls d'apparaître comme un homme de synthèse. Le Medef a fait "un bon geste" vis-à-vis du Premier ministre. Nous sommes dans un jeu politique assez habituel. Le Medef joue au gros méchant, et cela permet au Premier ministre de rassembler sa majorité.

Nous sommes face à un timing bien calculé qui permet d'obtenir un maximum de couverture de la part de la presse. Par ailleurs, tous ensemble, les partenaires sociaux peuvent réagir sur le côté excessif du Medef. Voilà au moins un sujet qui fait l'unanimité à gauche. Manuel Valls va pouvoir sortir par le haut de cette séquance et rassurer la majorité sur sa position. Il en est de même pour Le Medef, qui s'oppose au numéro 1 du gouverenement et apparait comme étant toujours le défensseur des entreprises. Finalement, cela rassure tout le monde. 

Le syndicat des patrons a déjà accepté la logique du Pacte de responsabilité qui voudrait qu'en l'échange d'une baisse des charges patronales, les entreprises acceptent de créer des emplois. Dans quelle mesure à travers ces propositions le Medef s'enferre-t-il dans une logique de donnant-donnant ? Quels sont les risques à s'incrire dans cette logique ? 

Le patronat risque d'être perçu comme celui qui réclame toujours de nouveaux avantages, celui qui n'est jamais satisfait. Le Medef risque de passer pour un patronat conservateur et non pas un patronnat progressiste. Beaucoup de propositions ont été faites, certes mais on retient les plus excessives comme celles relatives aux baisses de salaire, à la suppression de cerains jours fériés. Et nous n'avons pas là l'impression d'avoir affaire à un patronat qui souhaiterait investir et qui défendrait les salariés parce qu'ils sont la force des entreprises. Et ce, quand même certaines demandes du Medef peuvent paraitre légitimes. 

Par ailleurs, trop souvent, on enferme l'appareil productif dans l'allègement des coûts salariaux sans se sposer la question du positionnement de l'appareil productif. On ne se demande pas où nous pourrions être plus productif. J'aurais préféré un débat sur la politique d'investissement, de recherche, d'innovation au lieu de focaliser le débat sur les coûts salariaux. Ces coûts sont élevés et le resteront probablement car nous un pays dit "avancé". 

Quelle logique politique peut-il y avoir pour le Medef à jouer le jeu du gouvernement plutôt qu'à aller chercher des soutiens, peut-être plus en phase idéologiquement ou qui auraient potentiellement plus à offrir, mais à l'écart du pouvoir ?

Je crois que ce qui est choquant est le Medef se place par cette action sur le plan politique alors qu'il est un partenaire social. Normalement, le dialogue doit se faire entre le Medef et les syndicats. Il aurait été plus utile que le Medef engage un dialogue avec les autres partenaires sociaux pour voir comment en France on pourrait rendre les entreprises plus productives. Au lieu de cela, le Medef se place sur le terrain politique et prend la place de l'opposition. Cela n'aidera pas les entreprises. En publiant ce rapport, c'est l'idée même de dialogue social qui est mise à mal.  

Propos recueillis par Carole Dieterich

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