Le léger détail (poutinesque) que la coalition oublie quand elle dit vouloir déclencher des frappes aériennes sur la Syrie <!-- --> | Atlantico.fr
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La Russie de Vladimir Poutine est très influente en Syrie.
La Russie de Vladimir Poutine est très influente en Syrie.
©Reuters

Un petit oubli

Alors que les États-Unis laissent de plus en plus présager de possibles frappes aériennes sur la Syrie, la défense anti-aérienne syrienne, encadrée par les Russes, pourrait être en mesure de contre-attaquer. Une attitude qui révèle toute l'importance pour les Occidentaux de s'accorder avec la Russie, implantée en Syrie.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, le Président Obama a annoncé sa volonté d'agir en Irak et en Syrie dans le but de détruire l'Etat islamique. De son côté, la Russie dénonce "une violation grossière du droit", les Etats-Unis agissant sans l'accord de Bachar Al-Assad. Quelle est l'influence réelle de la Russie sur le territoire syrien ?

Alain RodierLa Russie a une base navale permanente à Tartous. D'autre part, elle fournit la quasi-totalité des armements au régime de Bachar el-Assad. Il est probable que de nombreux conseillers militaires russes chargés de former les forces syriennes à ces armements sont présents (comme le sont les Américains en Irak, en Jordanie, en Ukraine, ...). Ces hommes - dont certains sont des contractors (sociétés "privées" payées par le gouvernement) -  ne sont pas engagés en première ligne et, théoriquement, ne participent pas aux combats (toujours, comme les conseillers américains en Irak et en Ukraine). Par contre, si d'aventure les Américains s'engageaient à bombarder des sites gouvernementaux syriens en même temps qu'ils "tapent" l'Etat Islamique, il n'est pas dit que la défense anti-aérienne, encadrée par des Russes, n'entrerait pas en action. Les capacités de cette défense sol-air ne sont certes pas exceptionnelles, mais elles sont loin d'être totalement négligeables à la différence de ce que l'on a connu en Libye. Dans ce pays, Kadhafi avait le matériel mais pas les personnels pour les entretenir et les servir. Ce n'est pas le cas en Syrie.  

Dans quelle mesure cette présence russe peut-elle empêcher la coalition internationale d'agir militairement dans la région ?

Pour le moment, seuls les Américains et leurs alliés britanniques n'excluent pas des frappes en Syrie. Pour information, sur le plan international, c'est totalement illégal mais depuis quand Washington se préoccupe de la "légalité" sauf quand il s'agit des Russes? Les éliminations ciblées (opérations "homo") au Pakistan, au Yémen, en Somalie, et vraisemblablement ailleurs, restent ce qu'elles sont : des "covert operations" (opérations secrètes).

Si les frappes ont lieu dans l'Est du pays, là où l'EI est très présent, je pense que cela ne pose pas de problème particulier, la défense sol-air des forces loyalistes y étant aujourd'hui absente. Par contre, plus on se rapproche de la côte et de Damas, plus le risque de riposte est grand. Il est possible que les Américains n'emploient alors que des drones armés. Un drone abattu, ce n'est pas grave, un pilote américain tué ou présenté aux actualités internationales du 20 h 00, c'est plus gênant.

Quant à l'EI, s'il est vrai qu'il a récupéré des tonnes d'armements sophistiqués auprès de l'armée irakienne brillamment formée durant des années par les Américains, il est incapable de se servir des matériels les plus sophistiqués comme la défense sol-air. Il faut se rappeler qu'un des gros défauts des armements sophistiqués est qu'ils nécessitent une maintenance impliquant pièces de rechange et techniciens compétents. L'EI manque des deux.

La coalition mesure-t-elle l'ampleur de cette présence russe ?

Washington ne semble en avoir cure. Par ailleurs, les Etats-Unis poursuivent avec une obstination remarquable (suivis comme un seul homme par les Européens) leur désir d'humilier le président Poutine. Il ne faut pas oublier que leur objectif est simple : maintenir leur rang de première puissance mondiale aux niveaux politique et économique. Les manoeuvres lancées contre Moscou depuis des années s'inscrivent uniquement dans cette perspective. 

En effet, la Russie a eu l'outrecuidance de faire preuve d'une volonté de  "retour" sur le devant de la scène en activant les organisations internationales non maîtrisées par Washington : les BRICS (Brésil-Russie-Inde-Chine- Afrique du Sud) et l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). La réponse américaine était prévisible. Quant aux Européens, il n'est pas question de réagir contre le "grand frère" d'Outre-Atlantique sinon des sanctions discrètes mais percutantes sont prises (voir l'exemple de la BNP qui, certes, a commis quelques "bavures" sur le plan des transactions financières en dollars avec l'Iran). 

Mise à l'écart des réunions internationales sur ce conflit, comment la Russie peut-elle contre attaquer ?

Les réunions internationales sont toujours utiles pour "communiquer". Quand le seul but est de se faire bien voir de Washington avec une attitude de "premier de la classe" comme Paris sait si bien le faire depuis des années (droite et gauche confondues), on peut que s'interroger sur leur efficacité.

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