Jean-Christophe Fromantin : “L'alliance UMP-UDI est comme un piège qui, au prétexte de lutter contre le Front National, ne fera qu'attiser la défiance des Français" <!-- --> | Atlantico.fr
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Le candidat à la présidence de l'UDI ne veut pas d'une fusion avec l'UMP.
Le candidat à la présidence de l'UDI ne veut pas d'une fusion avec l'UMP.
©Reuters

Fin de non-recevoir

Nicolas Sarkozy veut fusionner l'UDI et l'UMP lors d'un "grand congrès réformateur". Mais Jean-Christophe Fromantin, candidat à la présidence de l'UDI à la suite du départ surprise de Jea-Louis Borloo, estime que cette alliance n'aurait aucun sens et pire, pourrait profiter au Front national.

Jean-Christophe Fromantin

Jean-Christophe Fromantin

Jean-Christophe Fromantin est Maire de Neuilly-sur-Seine depuis 2008 et député des Hauts-de-Seine depuis 2012. Entrepreneur dans le secteur du commerce international, il a créé plusieurs sociétés et il est l’un des rares chef d'entreprise à siéger à l’Assemblée nationale. Il crée le groupe UDI à l’Assemblée nationale avec Jean-Louis Borloo en 2012 puis participe à la création de l’UDI dont il fut candidat à la présidence et vice-président jusqu'en novembre 2014.

Convaincu que la France a besoin d'un grand projet qui confirme sa vocation dans la mondialisation, fixe ses axes de croissance et stimule son attractivité, Jean-Christophe Fromantin est à l'origine du projet d’Exposition Universelle pour la France en 2025.

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Atlantico : Alors que Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir organiser d'ici 2015 un grand congrès au cours duquel, les militants UMP et UDI devraient se prononcer sur la fusion des deux partis, vous avez estimé que cette alliance n'aurait aucun sens. Mais comment l'UDI, qui malgré son succès en termes d'infusion des idées dans la société ne compte qu'environ 30 000 adhérents, peut-il faire le poids face à Nicolas Sarkozy dont on sait qu'il s'adressera directement au peuple ?

Jean-Christophe Fromantin : Devant la déliquescence et la complexité des réformes à enclencher, l'heure n'est pas à la désignation du super-héros de 2017. Ce qui compte aujourd'hui, c'est le fond,  ce sont les réformes que nous entendons mener. C'est pour cela que je considère qu'une fusion de l'UDI et de l'UMP n'a aucun sens : ce n'est pas parce que les deux formations se regrouperont qu'elles dégageront de bonnes idées et créeront une cohérence. Le problème est pris à l'envers.

L'ambition de l'UDI de dégager et porter une vision pour la France n'est-elle pas dépendante d'un ralliement derrière une personnalité ?

L'UDI se trouve face à deux options : soit elle prend acte du fait qu'elle est structurellement plus faible que l'UMP, et considère alors que le leadership d'un ténor de l'UMP est nécessaire pour ne pas se diluer - ce n'est pas mon option -, soit elle considère que ses grandes orientations libérales, européennes et territoriales sont bien plus d'actualité que le jacobinisme structurel incarné par l'UMP et elle deviendra le premier parti de France. Au cours des vingt dernières années, la droite a plutôt renforcé le poids de l'Etat, participé à l'inflation fiscale, et contribué à atteindre ce taux ahurissant de 57 % de dépenses publiques dans le PIB de la France. Nous, nous pensons qu'une grande réforme de l'organisation de notre modèle s'étire des territoires jusqu'à l'Etat, que le soutien de l'entrepreneuriat est prioritaire et qu'une ambition européenne est fondamentale autour d'une doctrine économique partagée avec l'Allemagne.

Avant de parler des hommes et des appareils, je suis convaincu qu'aujourd'hui la convergence entre l'UDI et l'UMP mérite qu'en amont nos deux partis, forts de leur héritage culturel et politique, travaillent chacun sur des propositions nouvelles. Cela n'empêche pas la recherche de convergences le moment venu, mais là n'est pas la question pour le moment. A cet égard, la stratégie du "super-héros-providentiel" est totalement surannée par rapport à la situation de la France aujourd'hui.

Entre la ligne Juppé-Bayrou et la ligne Sarkozy, quel peut être un projet indépendant pour l'UDI ?

Nicolas Sarkozy, pour le moment, s'est contenté de laisser entendre qu'il allait revenir. Avec quelle proposition ? Alain Juppé n'a pas non plus donné sa vision de la France sur les vingt ans à venir. Quelle grande réforme politique et fiscale voudront-ils impulser ? Quelle réforme des territoires et de l'Etat ? Quelle doctrine européenne ? Pour le moment nous ne disposons d'aucun élément sur ces sujets.

J'ai peur que nous soyons trop tentés par une défaite de François Hollande, plutôt que par une victoire sur des idées nouvelles et réformatrices. J'entends souvent des personnalités politiques d'opposition me dire qu'il ne faut pas prendre le risque de faire des propositions trop transgressives, et qu'il faut jouer à fond la carte du "Hollande bashing". Cette logique est dangereuse car nous aurions la quasi assurance de reprendre le pouvoir, mais sans auparavant avoir convaincu les Français de lancer un plan ambitieux de réformes. Une fédération UMP-UDI serait peut-être efficace sur le plan tactique, mais elle nous exonèrerait aussi d'avoir à tenir un discours de vérité sur les efforts que nous devons faire. Méfions-nous du système de balancier que nos institutions ont généré : je veux la victoire par l'adhésion et le courage, pas par le défaut de Hollande. Autrement nous connaîtrons la même dégringolade que ce dernier.

Face à l'UMP ou encore le Modem de Bayrou, qu'est ce qui fait aujourd'hui l'originalité de l'UDI et qui nécessite que le parti demeure indépendant ? Quelles sont les spécificités de votre discours ?

La politique du Modem répond à un centre topographique dont le cœur bascule un coup à droite, un coup à gauche. Je ne me reconnais pas dans ce centre, tout comme je ne me reconnais pas dans la doctrine centralisatrice et souverainiste de l'UMP.

L'UDI, elle, fidèle à son héritage démocrate-chrétien, veut un Etat stratège beaucoup plus décentralisé, concentré sur ses missions régaliennes, une politique entrepreneurial extrêmement audacieuse qui encourage l'investissement et la régénération des perspectives d'innovation, et enfin un ancrage européen nouveau au travers d'une dynamique économique franco-allemande et d'une politique internationale commune. Les idées de l'UDI sont d'actualité car elles sont les meilleures pour redonner à la France une perspective de croissance et d'emploi.

Face à la montée de l'extrême droite, l'UDI n'aurait-elle pas intérêt à rejoindre un mouvement comme l'UMP afin d'éviter une dispersion du peuple de droite ?


Ceux qui votent aujourd'hui pour l'extrême droite dénoncent le "système" UMP-UDI-PS. Dès lors que les appareils partisans feront affaires en vue de contrer le Front national, celui-ci aura beau jeu de dire qu'une fois de plus, le "système" se rapproche pour se protéger et pour faire la même politique. C'est pourquoi nous devons être antisystème : depuis trente ans ce système accumule les sous-réformes, les absences de choix, les déficits et les dettes. La situation actuelle n'est pas seulement due aux deux années de François Hollande au pouvoir, mais aux dernières décennies de politique non visionnaire, sans audace, de guerres fratricides au sein de la droite et d'une incapacité à régler les vrais problèmes des Français. Si l'UMP et l'UDI se rapprochent cela ressemblera à une pièce de théâtre dont on change les décors et les costumes sans changer les hommes  et les textes. Cette alliance d'appareil UMP-UDI est un piège qui, au prétexte de lutter contre le Front National, ne fera qu'attiser la défiance des Français.

Un rapprochement avec le Modem serait-il envisageable ?

Le Modem a fait les yeux doux à Ségolène Royal en 2007, il a fait voter pour François Hollande en 2012, et se rapproche aujourd'hui d'Alain Juppé… Je me demande où est la ligne directrice. Entre un UMP qui a perdu de son crédit et un Modem illisible, dans un monde où 92% des Français disent qu'ils ne font plus confiance aux partis, l'UDI a le devoir de proposer un nouveau cap. Si nous ne sommes pas transgressifs par rapport aux appareils et courageux sur les réformes, il est certain que nous tomberons dans le panneau. Quand seulement 8 % des Français font confiance aux partis politiques, il est urgent d'arrêter les "deals" ou les stratégies d'appareil et de construire une offre nouvelles, éthique et audacieuse.

Quel serait honnêtement le meilleur vecteur des idées que vous défendez ? Les idées du centre pour continuer à exister doivent elle nécessairement être portées au sein d'un parti indépendant et par un candidat indépendant à la présidentielle ?

La raison d'être d'un parti politique national est de gouverner. S'il n'a pas cet objectif, comment peut-il espérer mobiliser les militants, et plus largement les Français ? Si on leur dit que le parti a vocation à être le supplétif de l'UMP, ou à soutenir un candidat UMP aux Primaires, les électeurs se diront que tant qu'à faire, autant aller directement à l'UMP. On s'engage dans un mouvement politique pour donner une vision, une doctrine, un projet, une équipe et une candidature à l'élection présidentielle. Autrement, on passe son chemin. L'UDI doit générer une dynamique d'innovation, avec des profils et des regards nouveaux, et a vocation à aller jusqu'à l'élection présidentielle, sans passer par la case des élections primaires propres à l'UMP. Nos institutions ont prévus deux tours à la présidentielle, nous devons donc présenter un candidat, puis interviendra éventuellement un accord au second tour si cela est nécessaire. Toute autre stratégie signe la fin de l'UDI.

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