Flambée d’antisémitisme en France : ce que le New York Times voit et que nous ne voyons pas (plus ?)<!-- --> | Atlantico.fr
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527 actes antisémites ont été enregistrés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2014, selon le Crif.
527 actes antisémites ont été enregistrés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2014, selon le Crif.
©Reuters

Ouvrons les yeux

Les actes antisémites sont en pleine explosion en France. Selon les données du Crif, ils sont en augmentation de 91% entre 2013 et 2014. En juin dernier, plusieurs journaux américains, dont le New York Times dénonçaient cette montée en puissance due à l'affaire Dieudonné et à la guerre à Gaza.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : D'après un communiqué du CRIF, 527 actes antisémites ont été enregistrés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2014, contre 276 sur la même période en 2013, soit une augmentation de 91 % (voir ici). A quoi cette augmentation peut-elle être rattachée ?

Gil Mihaely : Dans une optique de courte durée, cette hausse des actes antisémites est liée à l'affaire Dieudonné et à la guerre de Gaza de cet été. A plus long terme, la recrudescence est liée à la deuxième intifada d'automne 2000, ainsi que, plus récemment, aux attentats de Merah et Nemmouche. Et dans une perspective encore plus éloignée, cela est lié à la création d'une nouvelle communauté, avec une nouvelle identité en France, composée de Français d'origine maghrébine ayant pour ciment l'islam et un surinvestissement dans le conflit au Moyen-Orient, avec pour dérive pathologique l'islamisme et l'antisémitisme. Se regrouper dans la religion n'est pas un problème, mais dès lors que l'islam devient islamisme, c'en est un. Soutenir les Palestiniens est légitime, mais partir dans une dérive antisémite à peine masquée par l'antisionisme, c'est aussi un problème. Malheureusement le phénomène n'est pas seulement objectif, il est aussi subjectif : en arrière-plan des actes banals du quotidien se développent des phénomènes beaucoup plus graves, dont Merah et Nemmouche sont l'émanation.

La spécialiste en histoire moderne juive américaine Deborah Lipstadt fait part dans le New York Times (voir ici) de ses inquiétudes quant à une progression du phénomène antisémite en Europe, citant de nombreux exemples, notamment en France, comme l'affaire Merah ou les heurts entre manifestants pro palestiniens et jeunes juifs. Au quotidien, par quoi le phénomène se caractérise-t-il ?

On le voit par des tensions banales implicites qui se transforment en tension politiques, identitaires et communautaires. C'est comme cela que sur le terrain les choses se passent. En France, juifs et musulmans partagent de mêmes espaces, ce qui rend les frictions encore plus faciles. Dans certains pays cela ne se ressent pas car les communautés vivent dans des quartiers distincts.

Selon une étude rapportée par Deborah Lipstadt (voir ici), 95 % des actes antisémites seraient commis par des jeunes Français descendants de migrants maghrébins ou subsahariens. Sachant qu'ils sont nés en France, qu'ils n'ont pas d'attaches directes avec les Palestiniens, de quoi est-ce le révélateur ?

Cela permet de déplacer certains sentiments, et de faire des projections : un conflit de type colonial existe, avec d'un côté des gens assimilables à des européens et de l'autre des arabes, du tiers monde, qui souffrent. Cela permet d'une certaine manière de rejouer les guerres de décolonisation. Tout en étant extrêmement conservateur, cela permet aussi de trouver un langage commun avec la gauche et avec des personnes tenant un discours progressiste. Les avantages fournis sont multiples.

La ghettoïsation de certains quartiers empêche-t-elle de voir la montée en puissance du phénomène ? Cherche-t-on à se le cacher ?

De moins en moins. Je me souviens d'un édito du Monde de 2011 ou 2012 qui reconnaissait que pendant bien longtemps le phénomène avait été nié, et qu'on avait préféré l'interprétation socioéconomique liée à l'immigration. On est obligé aujourd'hui de reconnaître qu'il existe une autre dimension, qui échappe à cette logique. Il est selon moi de plus en plus évident que la question de l'antisémitisme en France ne peut pas être réduite à un débat géopolitique ou à des tensions d'origine socioéconomique. Le problème – qui n'a pas seulement trait aux juifs d'ailleurs – est lié à des tensions entre classes, entre émigrés et  personnes installées depuis plus longtemps, entre périphérie et centre, mais pas seulement. Le problème est culturel et identitaire, on ne peut plus le nier.

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