Plan Obama contre l'Etat islamique : les habiletés et les dangers de la stratégie américaine<!-- --> | Atlantico.fr
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Barack Obama a annoncé mercredi 10 septembre au soir sa stratégie contre l'Etat islamique.
Barack Obama a annoncé mercredi 10 septembre au soir sa stratégie contre l'Etat islamique.
©Reuters

Tirer les leçons du passé

Barack Obama a présenté sa stratégie contre l'Etat islamique mercredi 10 septembre au soir, soit à la veille de l'anniversaire du 11 septembre. S'il a estimé que les frappes aériennes pouvaient en cas de besoin être étendues à la Syrie, il a exclu toute intervention des troupes américaines au sol.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : Barack Obama a annoncé mercredi 10 septembre au soir sa stratégie contre l'Etat islamique. Le président américain prévoit notamment une extension des frappes aériennes si nécessaire à la Syrie. Faut-il y voir un changement de cap dans la stratégie américaine ?

François Géré :Un changement de cap, oui, un revirement, non. Le président a pris soin de préciser qu'il n'était pas question d'envoyer des troupes au sol et que le dégagement américain de ces régions était irrévocable. En somme, on ne quitte pas l'Afghanistan pour cela. Mais les Etats-Unis ont été obligés de réagir, l'avancée de l'Etat islamique les a pris de vitesse. Car la stratégie de Barack Obama relativement à celle de son prédécesseur, celle dont il a posé les bases dans son discours de West Point, était justement de ne pas envoyer des troupes, d'utiliser en priorité la voie diplomatique. Mais ces considérations sont étrangères aux groupes djihadistes, ils n'ont rien à négocier et pas de canal diplomatique. 

Face à cette situation humanitaire préoccupante et le risque de voir l'Etat Islamique s'installer sur une partie de la Syrie et de voir les Kurdes débordés par plus puissants qu'eux, ne pas réagir revenait pas seulement à un chaos politique et humanitaire mais à laisser le jeu libre pour l'Iran. L'Iran qui a été le premier Etat sur le terrain pour armer les milices chiites, ce qui a permis d'éviter de justesse la chute de Bagdad. Si les Etats-Unis restent spectateurs, d'autres imposeront leur conception dans la région.

Le président a néanmoins tenu à rassurer l'opinion en précisant qu'aucune force de combat américaine ne serait envoyée au sol. L'Amérique a-t-elle appris de ses erreurs ? Obama parvient-il à éviter de tomber dans l'écueil de l'Irak ?

Oui, les Etats-Unis aujourd'hui sont dans une situation intérieure dans laquelle l'opinion publique ne veut plus d'aventures à l'étranger car elle estime qu'il y a eu suffisamment de morts en Afghanistan pour quasiment rien. Pour l'opinion américaine, le Moyen-Orient n'est pas un endroit fréquentable pour les militaires américains. La stratégie choisie doit donc permettre d'éviter de se retrouver embourbé. Obama colle à cette volonté mais comme il n'est pas possible de ne rien faire, il choisit la voie aérienne. Avec tous les inconvénients de ce type de stratégies, car il faut nécéssairement des hommes sur le terrain. On peut endiguer la progression de l'Etat islamique mais on ne les supprimera pas avec des frappes de drones. Il faut un combat au sol et les débusquer pour les réduire au maximum.

Le fait d'étendre les frappes à la Syrie ne risque-t-il pas de mettre la coaltion dans une position délicate ?

Le danger de la stratégie Obama est effectivement de vouloir étendre les frappes à la Syrie. Cette situation rappelle les problèmes posés avec le gouvernement pakistanais lors des opérations à la frontière afghano-pakistanaise. Car le fait d'étendre les frappes à la Syrie signifierait une alliance momentannée avec celui avec lequel peu de membre de cette coalition veulent avoir des relations, Bachar Al-Assad. Certains pays pourraient vouloir profiter de occasion pour se débarrasser de lui, mais ce n'est pas un bon calcul. Car cela changerait le jeu politique et notamment la relation avec la Russie. Si les frappes doivent être étendues à la Syrie, il faudra le faire sous des conditions strictes afin d'éviter les dérapages politique et militaire. 

La coalition de 40 pays est-elle adaptée au type de menace que représente l'Etat islamique ? Quelle serait la meilleure stratégie à adopter ?

La coalition comporte des éléments qui veulent absoluement éliminer Bachar Al-Assad alors qu'il faudra nécéssairement un minimum de coalition avec lui. L'Iran et les Saoudiens devront également se mettre d'accord afin de travailler ensemble à l'élimination de l'Etat islamique. Sur le plan diplomatique et sécuritaire, la sécurité de l'Arabie Saoudite n'est pas une petite affaire. 

Pour que cela fonctionne, il faudra donc une grande détermination des Etats-Unis. Cette coalition est non seulement militaire mais elle est surtout diplomatique. Mais elle peut fonctionner si cette coalition est élargie à l'Iran et que la position turque sur le conflit syrien évolue, tout comme sur les kurdes du PKK qui sont devenus un élément central de la lutte contre l'Etat islamique. 

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