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Le Jazz : musique de bourgeois ?
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Hé gus, tu connais Charlie Mingus ?

Les grands noms du jazz se donnent rendez-vous ce weekend à La Villette. L'occasion de faire le point sur une musique qui, malgré une apparence élitiste, touche de plus en plus de monde.

James  Stewart

James Stewart

James Stewart est doctorant en Sciences de l’Information et de la Communication à Lyon 3, Jean Moulin.

Il présente un programme musical intitulé Soul Descarga, sur deux radios du sud de la France : Raje (102.5 et 90.3 fm, PACA) et Radio Grenouille (88.8 fm, Marseille).

Il tient également le blog afrosouldescarga.

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Le jazz serait une musique pour vieux bourgeois. Cette antienne revient souvent dans les palabres estivales entre amis, pour savoir quel concert choisir, et tombe souvent comme un couperet.

Max Roach, éminent batteur et leader de différentes formations très engagées dans la lutte que la communauté afro-américaine a menée durant les années soixante, disait du jazz : « Ce que je retiens de la musique que nous avons inventée (…) c’est qu’elle est la seule démocratie réalisée, la seule démocratie fondée sur une communauté de musiciens et un projet collectif, dans un monde où je ne connais pas de vraie démocratie. (…) Le jazz émancipe l’être. Par sa forme même, on y reconnaît moins de chefs, moins de despotes, moins de tyrans qu’ailleurs[1] ». Allez dire ça aux musiciens de Miles Davis…Si Roach n’était pas le genre à faire dans la dentelle, ce qui est certain, c’est que le jazz, dans ses grandes années (1930-1970), avait une réelle fonction de catalyseur, en particulier au cours des jam sessions[2].

La "grande musique noire"

Catalyseur d’idées, de musiciens, de singularités qui se rencontrent régulièrement pour inventer un nouveau langage, un nouvel idiome musical. Et si possible, un langage qui remet en question les normes esthétiques de la critique, car cette émulation esthétique se doublait souvent d’une émulation politique. Durant cette période faste, chaque révolution – swing, be bop, cool, modale, free jazz – s’est construite en opposition avec la « récupération-spoliation » par l’industrie du disque. Ce phénomène a amené des musiciens comme Archie Shepp ou Nina Simone à rejeter même le terme de jazz[3] pour choisir celui de « grande musique noire ». Ça, c’est pour l’histoire.

Un langage universel

Le jazz est depuis devenu un langage universel qui s’est mondialisé bien avant les échanges financiers, et qui a essaimé un peu partout, de l’Éthiopie de Mulatu Astatqé à la Gascogne de Bernard Lubat. Si le jazz, aujourd’hui, a la réputation d’être une musique de bourgeois, c’est parce que la bourgeoisie, le conservatoire, l’université et même Jean-François Copé, l’ont légitimé.

On écrit des thèses sur le sujet, on vend les places de concert à des prix exorbitants et surtout, on invite l’auditoire de certains festivals à rester assis. Malheureusement, les médias de masse n’en diffusent bien souvent que cette version consensuelle. Pour sortir de ces lapalissades, faîtes-vous votre propre idée, faîtes un tour au festival de Lubat ou celui de La Villette, cherchez les petites salles de votre quartier où quelques passionnés, anciens et jeunes réunis, continuent  d’entretenir la flamme. Vous y découvrirez que la langue du jazz n’a pas fini de s’inventer et qu’elle continue d’enrichir son vocabulaire tel un esperanto toujours en construction et qu’elle est tout sauf une musique bourgeoise.


[1] Roach, Max, « Ce que dit Max e(s)t ce que Toni joue », Jazz Magazine (Paris), n°442, novembre 1994, p35.

[2] Sessions d’improvisation ou les solistes font la démonstration de leur potentiel.

[3] Trop connoté sexuellement à leur goût, pour certain le terme jazz viendrait de « to shazz », éjaculer, terme utilisé par les prostituées cajuns de la Nouvelle-orléans au début du XXe siècle.

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