Quand Paul Krugman prend l’exemple de la zone euro pour convaincre les Ecossais de ce qui les menace en cas d’indépendance (et pourquoi nous devrions ouvrir les yeux)<!-- --> | Atlantico.fr
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Un militant pour l'indépendance de l'Ecosse.
Un militant pour l'indépendance de l'Ecosse.
©Reuters

Méfiance

Alors que l'indépendance écossaise devient chaque jour plus probable, les avertissements commencent à se faire plus nombreux, dont celui du prix Nobel d'économie Paul Krugman, qui s'est exprimé le 7 septembre dans le New York Times. Désormais, c'est la situation désastreuse de l'économie européenne, jouant le rôle de repoussoir absolu, qui sert d'argument.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La zone euro est en passe de prendre le rôle de l’épouvantail dans le débat qui secoue actuellement le Royaume-Uni au sujet de la désormais probable indépendance écossaise. C’est le constat qui peut être fait suite à la publication d’un article du Prix Nobel d’économie, Paul Krugman, dans les colonnes du New York Times le 7 septembre dernier.

La base de cette théorie tient en quelques mots. Si les indépendantistes écossais persistent à vouloir conserver une monnaie commune avec la couronne britannique tout en souhaitant une indépendance politique, le résultat est clair.  Le marasme économique à l’œuvre au sein de la zone euro devrait servir de leçon aux écossais ; conjuguer indépendance politique et union monétaire n’est pas une position cohérente. Paul Krugman precise son point de vue:

“Bon, j’ai un message pour les écossais : Ayez peur, très peur. Les risques sont énormes. Vous pouvez penser que l’Ecosse pourrait devenir un nouveau Canada,  mais il est plus probable que cela finisse par devenir l’Espagne, mais sans le soleil". "En résumé, tout ce qui a pu se passer en Europe depuis 2009 nous a démontré que partager une monnaie sans partager un gouvernement est très dangereux."

Mais ce message devrait surtout être entendu par les Européens. Si en quelques années, le montage hybride de la zone euro est devenu un repoussoir pour les autres nations, il est peut-être temps de se poser quelques questions.

Car Paul Krugman n’est pas seul à brandir la menace. Mark Carney, Président de la Banque d’Angleterre indiquait le 9 septembre que pour qu’une union monétaire soit possible, trois conditions sont requises ; une liberté de circulation des biens et des capitaux ; une union bancaire, et une union budgétaire. Pour justifier et appuyer son propos, Carney agite le chiffon européen en guise d’exemple :

"Vous n’avez qu’à regarder ce qui se passe sur le continent pour comprendre ce qui peut arriver si ces conditions ne sont pas réunies". "Une union monétaire est incompatible avec la souveraineté".  Les oreilles de la zone euro peuvent siffler. L’incapacité du "continent" à se résoudre à une certaine réalité n’est pas encore véritablement à l’ordre du jour. Le choix entre une structure fédérale réelle, compatible avec une union monétaire, et des nations souveraines disposant de leur propre monnaie ne semble toujours pas définitivement tranché.

Ce diagnostic n’est évidemment pas nouveau. Un autre prix Nobel d’économie, Milton Friedman, avait pu formuler les mêmes avertissements au sujet de la construction européenne, et plus précisément autour du pacte de stabilité européen :

"Ca ne tiendra pas. Si vous mettez des gouvernements dans un corset, cela va casser. Ils trouveront des excuses ou des moyens de ne pas s’y tenir. Ce genre de choses va s’accumuler dans le temps. L’euro a été adopté pour des raisons politiques et non pour des raisons économiques. Et je pense que ce sont de mauvaises raisons politiques. C’est-à-dire que l’euro va accenteur la controverse politique au sein même des pays, ce qui s’ajoutera aux défis politiques déjà existants. Vous allez avoir toute une série de problèmes politiques qui vont émerger du pacte de stabilité, qui vont émerger du fait que la Grèce a besoin d’une politique monétaire différente de celle de l’Irlande, ou que l’Espagne en a besoin d’une autre que celle de l’Italie etc…

Ces forces qui vont affecter les différents pays de façon asymétrique vont provoquer une controverse au niveau de la Banque centrale européenne à propos de ce que devrait être la politique monétaire, ce qui aura pour conséquence de devenir des controverses politiques. » Ces propos datent du 18 août 2002.

Ces trois économistes permettent de rappeler une réalité. L’euro est un outil mis au service d’un projet politique. Cette ambition politique a précédé la réalité économique et les Européens en payent aujourd’hui les conséquences. Après 15 ans d’asymétrie, les peuples européens doivent choisir, mais il n’est simplement pas possible de continuer à séparer pouvoir budgétaire et monétaire. Que ce pouvoir revienne au niveau fédéral ou au niveau national, mais il est nécessaire que la cohérence existe. L’Ecosse est avertie.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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