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Un cadet pour le prince George : quel est le meilleur écart d’âge entre deux enfants ?
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A quand le prochain

Un an après la naissance de George, le Prince William et Catherine Middleton attendent un nouvel enfant. Cet écart d'âge très court donnera probablement du fil à retordre au jeune couple, mais pourra également accentuer les liens fraternels.

Elisabeth Darchis.

Elisabeth Darchis.

Elisabeth Darchis est psychologue clinicienne et thérapeute familial. Elle est entre autre l'auteur - avec Jean-Patrick Darchis - de Frères et soeurs : entre complicité et rivalité - j'en parle avec mon enfant publié aux Editions Nathan en 2009.

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Atlantico : Les écarts d'âge entre les frères et sœurs peuvent avoir un impact sur la famille. Existe-t-il pour autant un écart d'âge idéal ?

Elisabeth Darchis : En principe, il n’y a pas de règle pour calculer le bon intervalle d’âge entre deux enfants. C’est au couple des parents de décider ce qu’il souhaite pour la famille en fonction de sa propre histoire et en rapport avec ses disponibilités ou ses moyens. Si le petit nid psychique est assez grand dans la tête des parents, chacun trouvera sa place dans la fratrie quelque soit l’écart d’âge. Une étude de l’INED révèle qu’en 1962, 50 à 60% des frères et sœurs avaient moins d’un an de différence et en 1964, 40% de naissances arrivaient moins de 2 ans après la première naissance. Et elles ne sont plus que 23% en 1980. Dans les faits, la moitié des secondes naissances surviennent maintenant 3 ans après la précédente. Les écarts d’âge sont donc de plus en plus grands et les fratries sont de moins en moins nombreuses. On planifie ! Aujourd’hui, huit naissances sur dix sont programmées.

Restent que des bébés tardent à arriver, alors qu’ils sont programmés ou que des "bébés surprises" arrivent vite après la naissance précédente, parfois après le "retour de couche". Pour ces arrivées, cela donne souvent de belles histoires… quand les parents ne sont pas trop angoissés. De même pour deux bébés rapprochés, c’est bien souvent la façon dont les parents vont vivre l’intervalle d’âge entre les deux enfants qui va faire que cela va bien se passer ou non.

Pour autant l’écart idéal serait celui où l’ainé aurait commencé a prendre un peu d’autonomie. Pour le plus grand, l’arrivée d’un petit ne devrait pas l’angoisser quand il a sa place particulière et bien différenciée. Si cet accueil est difficile, c’est signe qu’il était bien temps de faire une fratrie. Plus on grandit, moins on a besoin de la fusion avec les parents et il est normal d’accepter que le bébé bénéficie de cette illusion de ne faire qu’un avec le parent. Le grand doit savoir que l’amour de ses parents ne change pas pour lui, mais que maintenant il a des possibilités de faire de plus en plus de choses de façon autonome. Certains découvrent et prennent conscience des bénéfices de l’âge : être grand permet de ne plus dormir dans le petit lit ou de manger maintenant à table avec les adultes ou encore de faire plein de choses tout seul sans aide.

Pour les parents comme pour les enfants, quels peuvent être les avantages et les inconvénients à avoir des enfants nés à un intervalle trop rapproché entre la naissance de ses enfants ?

De nos jours beaucoup de parents perçoivent que l’intervalle idéal est entre deux et trois ans. Il est vrai que pouvoir accueillir le bébé quand l’aîné à 2 ans ou 3 ans est psychologiquement un bon âge pour le grand. Il commence à comprendre ce qui se passe et il doit faire à cet âge un travail de renoncement que l’arrivée du petit va favoriser. Pour les parents ils ont pu sortir de la périnatalité et souffler un peu avant de reprendre un rythme bébé avec le suivant. Les parents ont récupéré avec les nuits plus complètes de l’ainé et ils ont pu plus facilement le confier. Avec le suivant, il va falloir retourner vers cette période particulière dans la fusion avec un petit et être à l’écoute de ses fonctionnements primaires en se consacrant beaucoup à lui. Cette période à ses belles satisfactions, mais ces quelques mois sont très prenants.

Faire des bébés rapprochés donne parfois l’impression d’être toujours enceinte ou d’être toujours avec les couches et les biberons. La vie du couple peut parfois en pâtir pour quelques uns. Lorsque que le suivant arrive plus tôt, de son coté le petit aîné peut encore avoir besoin de l’illusion qu’il est unique pour ses parents. La fusion qu’il réclame est parfois vitale pour lui, surtout pour les petits pas suffisamment sécurisés dans l’autonomisation progressive de la première année. Et dans ces quelques rares cas, le second qui arrive peut alors provoquer des effrois chez ce premier, qui peut vivre un véritable déchirement lorsque sa mère porte un autre bébé dans ses bras. Autrefois, l’écart rapproché entre deux enfants étant plus fréquent, les aînés acceptaient plus facilement le bébé car les parents n’avaient pas cette angoisse de délaisser le grand pour le second. La sécurité parentale savait que l’on aime chacun de ses enfants à part entière et même un tout petit le ressentait.

De même, les enfants rapprochés procurent aussi une harmonie dans la famille et avec des étapes communes : les besoins des enfants se ressemblent et les exigences du quotidien sont proches. Les réponses sont ainsi plus faciles : couchers tôt, repas peu différents, etc.

Et concernant des enfants nés à intervalle éloigné ?

En principe l’accueil ne devrait plus être trop ambivalent chez les grands ainés lorsque le bébé arrive car le jeune a pris une importante autonomie et il commence à bien se débrouiller seul. Il ne devrait plus développer de la rivalité et il ne va pas souffrir, quand on lui montre que c’est normal de se préoccuper des besoins du bébé. Mais les réactions sont variables. Dans ces situations, ce sont surtout les angoisses et la culpabilité parentale qui feront souffrir les aînés. L’important est qu’il se sente aimé. Mais il faut déjà en être persuadé en tant que parent ! Sinon, le grand peut en douter, même si on le lui répète sans arrêt. Il peut avoir l’impression d’être "laissez tomber" quand le parent n’est pas rassuré. A son âge,  il lui est possible d’exprimer ce qu’il ressent et l’important est d’en parler. Lorsqu’ils sont en sécurité, des aînés peuvent même mobiliser beaucoup de compassion pour un bébé. Une grande sensibilité et beaucoup d’attention peuvent se développer dans la fratrie.

Les grands aînés en principe accueillent facilement ce petit comme une richesse et un élargissement des expériences de la fratrie. Par contre, quand l’ainé sort de l’adolescence et qu’il est en âge de procréer, l’arrivé d’un petit chez les parents peut être parfois mal vécue : "Chacun son tour !" La fratrie est vécue comme ce qui arrime à la famille, alors que le jeune a besoin de grandir et de sortir du nid. Les disputes, les conflits peuvent être des tentatives pour quitter la dépendance fraternelle qui relie encore au groupe ancien.

Si les parents sont parfois réticents à faire des enfants avec un écart d’âge important, c’est qu’ils pressentent la différence de qualité des liens qui s’installeront dans la fratrie. Il y aura moins de complicité sur les mêmes intérêts, moins de jeux du même niveau avec l’autre. Peut être la fratrie perdra les bénéfices de la rivalité, des petits affrontements et des découvertes communes. La groupalité fraternelle rompt la solitude et elle offre des compagnons de jeux pour partager et s’autonomiser face aux parents. Elle permet la confrontation et la construction des altérités. Et quand les âges sont éloignés la fratrie développe souvent moins de connivences. Reste qu’un ainé même en âge avancé, est une richesse pour le bébé qui arrive. C’est aussi une chance d’avoir des grands qui apporteront des connaissances et des apprentissages aux petits.

Quid des écarts d'âge irréguliers au sein d'une fratrie comme deux aînés proches et un benjamin ou deux benjamins proches et un aîné ?

Des aînés qui ont vécu des expériences communes, qui se sont construits dans la complicité ou les conflits, se connaissent bien. Une entité aînée forme un groupe distinct du petit. L'aîné qui pendant un temps était l’enfant unique s’est adapté avec l’arrivée du deuxième et il a appris à partager l'amour de ses parents avec un autre. Il a organisé avec son cadet un groupe fraternel. Et lorsqu’un tout petit arrive, il est parfois difficile de refonder un nouveau groupe et le petit dernier est vécu au début comme une fratrie différente. Ce petit a besoin de maman, il ne sait pas encore bien se débrouiller, il faut encore le gâter et il est difficile de partager des choses avec lui au début. Ce benjamin est souvent surprotégé par sa mère, qui  peut reporter sur le petit dernier son désir de maternité a prolonger : des privilèges lui sont accordés. Si de plus, les parents insistent auprès des deux grands : «  ne le laissez pas seul, occupez vous de lui… » des images du petit enfant délaissé renforcent les vécus négatifs des grands et du petit dernier. Le benjamin, au lieu de trouver ce fonctionnement normal et naturel au départ, ne va plus supporter les moments de petite solitude : "non ! Je ne veux pas aller à la sieste et je veux rester avec eux" "je veux aller dans leur chambre, dormir dans leur lit…" Les aînés vont se rapprocher plus en écartant le petit, car les parents leur imposent sa présence. Le mieux est sans doute de valoriser les aînés qui vont vers le petit, mais sans leur faire jouer le rôle de parents de substitution.

Ce sont parfois les deux petits derniers, qui ayant un écart d’age rapproché, peuvent aussi être très proches. L’aîné se retrouvera alors souvent seul. Ces divisions en sous-groupe dans les fratries se distribuent souvent en fonction des besoins communs et des intérêts les plus proches suivant l'âge ou le sexe. Si les parents ne dramatisent pas ces fonctionnements, les rapprochements sont bien vécus et les exclusions ne sont pas renforcées. Le petit profite de sa place de dernier et les aînés jouent ensemble, ou bien le grand se retrouve bien tranquille pendant que les petits se disputent entre eux.   

Ces écarts d'âge peuvent-ils également avoir des conséquences sur le long terme ?

Les conséquences sur le long terme des écarts d’âge peuvent donner plus tard des vécus particuliers ou apporter des questionnements : si les enfants étaient  trop rapprochés on se demande par exemple si nos parents ont été assez disponibles. De même  une fratrie avec des âges éloignés donneront parfois le sentiment de n’avoir pas eu une réelle fratrie. Cela peut donner l’impression d’avoir été un enfant unique Le choix parental de donner une exclusivité de temps à un enfant pourra lui faire confondre amour et disponibilité. Trop de temps consacré à un enfant qui se sent unique renforcera parfois sa solitude.  Il est vrai que de nos jours les familles recomposés avec de nouveaux enfants qui arrivent donnent des enfants avec des âges éloignés. Mais les beaux enfants de chacun peuvent aussi agrandir leur fratrie et le petit dernier devient un beau cadeau pour le groupe familial. Majoritairement, les liens fraternels imprègnent de façon bénéfique les relations futures quelque soit les écarts d’âges. Les fratries qui ont fonctionné dans le jeu et la complicité, dans les échanges et les découvertes, dans l’expérimentation de la conflictualité gérable, profiteront de savoirs et de grandes expériences fraternelles qui sont la base du lien social. Mais attention, il ne faut pas chercher non plus la fratrie idéale qui n’existe pas.

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