Les appétits contrariés de Martine Aubry dans le climat pesant du PS<!-- --> | Atlantico.fr
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Martine Aubry estime qu'il y a des "inflexions à faire dans la politique économique pour que la croissance revienne".
Martine Aubry estime qu'il y a des "inflexions à faire dans la politique économique pour que la croissance revienne".
©Reuters

Les yeux plus gros que le ventre

Pour faire face à Manuel Valls, la compétition est ouverte en coulisse entre Martine Aubry, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, chacun estimant incarner le mieux l'aile gauche du Parti Socialiste.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Qui de Martine Aubry, Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg incarnera le mieux l'aile gauche du Parti Socialiste, opposée à la ligne incarnée par Manuel Valls et suffisamment puissante pour faire fléchir l'exécutif sur sa politique sociale-libérale ? En coulisse, la compétition est ouverte entre ces protagonistes, depuis que Martine Aubry est venue officiellement grossir les rangs des partisans d'une "inflexion" de la politique économique du gouvernement. Dans son propos, la Maire de Lille se montre plus nuancée qu'Arnaud Montebourg, qui a cassé la baraque ce dimanche 24 août à Frangy-en-Bresse en réclamant une "inflexion majeure" de la politique économique de la France, en compagnie de son collègue de l'Education, qui se veut proche des parlementaires frondeurs. On peut disserter à perte de vue sur ce qui différencie une inflexionsimple d'une inflexion majeure, qui s'apparenterait plutôt à une "autre politique ", terme également très prisé dans le discours des élus. Réclamer une inflexion majeure signifie que l'on conteste la politique de son propre camp dans sa globalité, tandis qu'en réclamant une simple inflexion, on approuve les grandes lignes de la dite politique, - en l'occurrence la réduction des déficits publics, tout en laissant entendre que l'on ferait mieux, notamment en affinant les critères d'attribution d'avantages aux entreprises, grand sujet de disputes à Gauche. L'inflexion majeure a coûté leur place au gouvernement aux deux impétueux ministres, mais leur départ du gouvernement a encore rétréci la base politique du Premier ministre, déjà privé du soutien des Ecologistes. Or Martine Aubry avait négocié un accord avec les Verts en son temps.

Et voici qu'après deux années d'absence du débat national, la Maire de Lille fait un retour fracassant en affirmant à son tour qu'il y avait des "inflexions à faire dans la politique économique pour que la croissance revienne", tout en "réduisant les déficits" mais "sans casser la croissance". Les déclarations de Martine Aubry ont fait d'autant plus mal à ceux qu'elle visait, - François Hollande et Manuel Valls en l'occurrence, qu'elle a pris soin de préciser qu'elle avait gardé le silence depuis deux ans pour lui laisser, ainsi qu'à son gouvernement, toutes ses chances ; à contrario, elle laisse entendre qu'aujourd'hui elle ne peut plus se taire face à l'échec patent de la politique menée. Touché, Manuel Valls a aussitôt répliqué : "C'est quoi un infléchissement ?", lui qui attend "des socialistes qu'ils fassent corps", car "nos divisions, elles minent". Mais peut-être parce qu'elle est rare, ou parce qu'elle vise juste, la parole de l'ancienne patronne du PS est forte et porte loin. Consciente de la gravité du moment, Martine Aubry s'est rapidement résolue à calmer le jeu, se défendant de vouloir engager "une partie de ping pong" avec le Premier ministre qu'elle ne porte pourtant pas dans son coeur : "Je dis à Manuel Valls qu'il ne faut pas se crisper, mais discuter. Je me suis tue pendant deux ans et mon seul objectif est que le président et le gouvernement réussissent. Je ne suis pas là pour gêner mais pour être utile", a-t-elle déclaré. Utile ? Mais où, et comment ? Cette "envie d'être utile" alimente toutes les spéculations dans les rangs socialistes. Martine Aubry joue-t-elle déjà la présidentielle de 2017 ? Se pose-t-elle en recours à Manuel Valls, dans l'hypothèse où le Premier ministre serait mis en minorité ou déciderait de raccrocher faute de consensus dans ses propres rangs ou faute de base politique assez large ? Ne voulant entendre que le propos apaisant de sa meilleure ennemie, Manuel Valls a saisi la balle au bond et mis les points sur les "i" en demandant "aux socialistes de donner l'exemple.... Le devoir impérieux d'une majorité, c'est d'être à la hauteur des responsabilités du moment. Je ne me laisse dévier par aucune polémique. Je suis preneur de toute contribution mais je demande à chacun d'être à la hauteur des responsabilités". Alors que le Premier ministre est en quête de confiance et que le débat budgétaire s'annonce comme celui de tous les dangers, le rappel à l'ordre de Manuel Valls n'est pas inutile. Mais il risque d'être vain car il est concomitant avec les Etats Généraux du Parti lancés par le Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, autrement dit des débats internes pour tenter de revitaliser un Parti exsangue, et qui vont se dérouler tout le long de l'automne 2014. Un appel au bouillonnement des idées incompatible avec le "silence dans les rangs car l'heure est grave" de Manuel Valls. En tous cas, c'est dans le cadre des Etats Généraux que Martine Aubry va de nouveau se faire entendre : elle va faire ses propositions ( d'inflexion à la politique économique ? ), en publiant une "contribution". Au PS, la contribution marque aussi le premier pas vers une motion sur laquelle les militants se comptent au moment d'un congrès. Est-ce la voie choisie par Martine Aubry ? Elle ne dévoile pas ses intentions mais avance prudemment car il n'est facile d'exister en dehors du débat parlementaire sans être accusée de vouloir diviser une majorité qui, en cette rentrée, danse sur un volcan.

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