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L'UMPS existe-t-il ailleurs que dans l'esprit de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ?
L'UMPS existe-t-il ailleurs que dans l'esprit de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ?
©Reuters

Ritournelle

Jean-Luc Mélenchon a repris dimanche 7 septembre sur le plateau de "C politique" la contraction des acronymes UMP et PS tant de fois employée par Jean-Marie Le Pen, puis sa fille Marine.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : “Que propose le PS ? La même chose que l’UMP. Que propose l’UMP ? La même chose que le PS”, c'est ce que déclarait Jean-Luc Mélenchon dimanche 7 septembre sur le plateau de "C politique". Les programmes de l'UMP et du PS sont-ils réellement les mêmes ?  

Christophe Bouillaud : Cela dépend complètement du domaine que l'on choisit d'étudier. Du point de vue de l'économie, la différence peut-être vraiment très faible. Pour la simple raison que ces deux partis de gouvernement s'inspirent de solutions européennes. Que ce soit en matière de stratégie européenne pour l'emploi, sur les grandes orientations de politique économique ou de réorientations structurelles. D'ailleurs il est intéressant de noter que les inspirateurs de ces réformes sont les mêmes, par exemple Nicolas Sarkozy avait demandé en 2007 à Jacques Attali, proche de François Hollande, un rapport de la Commission pour la libération de la croissance.

Le discours de Valls devant le Medef est une illustration caricaturale de ce rapprochement. En cas d'alternance, la politique économique et sociale serait la même. Finalement, l'UMP et PS sont d'accord sur le fait d'encourager les chômeurs à trouver du travail plutôt que de les indemniser simplement. Les différences entre leurs deux approches sur cette thématique pourraient être qualifiées de cosmétiques.

Les programmes sont plus différenciés en matière de sécurité et de conception de la justice. Prenons par exemple la réforme pénale de Christiane Taubira, on peut difficilement imaginer que le concept de contrainte pénale soit mis en place sous un gouvernement de droite. Les deux grands partis n'ont pas la même conception de la lutte contre la criminalité. On peut aussi imaginer que s'il s'agissait de rediscuter les statuts de l'Alsace et de la Lorraine, la droite serait pour conserver le concordat alors que la gauche serait probablement favorable à sa suppression. Certaines divergences persistent bien évidement.

Idéologiquement quelles sont les similitudes et les différences qui traversent les deux grands partis de gouvernement ?

Ils sont en accord sur les politiques économique et dans leur acceptation de l'Europe telle qu'elle est. Bien sûr, chaque camp connait des dissidents, plus ou moins eurosceptiques. L'UMP et le PS acceptent globalement l'ordre international qui s'impose à la France. Ils se soumettent à l'ensemble des traités et des conventions signés depuis 1945 et qui contraignent énormément la politique. Ils sont d'accord sur le fait de respecter la convention de Genève sur les réfugiés, d'accord sur le fait que l'on appartienne à l'Otan et acceptent les obligations qui en découlent.

Ensuite, les thèmes sociétaux sont davantage source de désaccord. La gauche a fait le mariage, la droite ne l'aurait jamais fait. Mais la différence n'est pas si grande car les grandes réformes sociétales ne sont pas remises en cause lors d'une alternance. La peine de mort n'a pas été remise en vigueur, le Pacs n'a pas été aboli non plus. D'une certaine façon, chacun des deux partis estime que l'état de la société ne nécessite pas d'aller au conflit sur ces points. En fait, les deux partis sont d'une grande flexibilité idéologique. Si une réforme est acceptée par les Français, ils ne reviendront pas dessus car ils prennent en compte les rapports de force qui traversent la société. Il s'agit là d'une des  caractéristiques des partis centristes qui sont à l'écoute de la société qu'ils gèrent. Ce qui n'est pas le cas des extrêmes. Si la droite avait été en 2002 très idéologique, elle aurait pu abolir les 35h. Or, elle ne l'a pas fait car elle s'est rendue compte que les entreprises s'étaient organisées et que les cadres étaient satisfaits de cette réforme. Si la droite revient au pouvoir, elle ne se précipitera pas non plus pour abolir les rythmes scolaires, car ce n'est pas un point central, et les partis centristes acceptent que la société s'autogère. Si la société absorbe une réforme, alors ils ne reviennent pas dessus. Les extrêmes en revanche estiment que si le peuple n'est pas de leur côté, il a tort.

Au regard des similitudes et de la flexibilité idéologique de l'UMP et du PS, ceux-ci seraient-ils capables de s’entendre ? Quel est le réel potentiel pour une union nationale ?

En fait, si nous n'avions pas un système majoritaire à deux tours qui favorise la bipolarisation, oui, ils pourraient s'entendre. Cela rend une union nationale quasiment inconcevable. La Ve République a été conçue comme cela.

Mais notre mode de scrutin ne changera pas par magie. Par ailleurs, l'Union nationale donnerait un argument au FN formidable. Le parti frontiste estimerait que tout ce qu'il a dénoncé depuis 25 ans sur l'establishment, était bel et bien vrai. Car si le terme UMPS est relativement nouveau, la critique elle ne l'est pas. Ce serait un cadeau en or pour le FN et la gauche de la gauche qui pourraient s'assumer pleinement. Mais les probabilités pour que les deux partis centraux décident de faire une réforme électorale sont maigres. D'autant plus que depuis les années 2000 toutes les réformes électorales ont eu pour but d'affaiblir la proportionnalité. Les deux grands partis ont ainsi le monopole du pouvoir par l'alternance. Et les scrutins proportionnels posent la questions du FN mais aussi celle de la gauche de la gauche qui pourrait s'organiser de manière plus optimale sans avoir à dépendre du PS. Et si Mélenchon a déprimé, c'est aussi parce qu'il s'est rendu compte que quoiqu'il fasse, il ne pèse pas.  

Les réformes de la proportionnelle n'arrangent pas les grands partis, donc on n'en parle peu. Pourtant cette question est centrale car c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles les Français ne se sentent pas représentés.

Propos recueillis par Carole Dieterich.

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