Pourquoi Poutine pourrait finir par payer au plan intérieur sa gestion de la crise ukrainienne<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine recueillerait 80% d'opinions favorables en plein coeur de la crise ukrainienne.
Vladimir Poutine recueillerait 80% d'opinions favorables en plein coeur de la crise ukrainienne.
©Reuters

Retour de bâton

Même si le président russe Vladimir Poutine s'illustre comme un dirigeant hégémonique dans son propre pays, la popularité dont il jouit en plein cœur de la crise ukrainienne pourrait ne pas durer éternellement.

Clémentine Fauconnier

Clémentine Fauconnier

Clémentine Fauconnier est chercheuse au CERI (Centre d'érudes et de recherches internationales) de Sciences Po. Elle est spécialiste de la vie politique en Russie.

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Atlantico : Les sondages d'opinion en Russie dépeignent un Vladimir Poutine qui recueillerait 80% d'opinions favorables en plein coeur de la crise ukrainienne. Pourquoi cette crise participe-t-elle à nourrir sa popularité ?  

Clémentine Fauconnier : Les conditions du démantèlement de l’URSS ont été très mal vécues par une partie de la population russe qui a retenu de cet évènement la perte du prestige de son pays sur la scène internationale et l’amputation de son territoire. Ce sentiment de puissance perdue durant les années 90 et partiellement retrouvée depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine en 2000 est un des facteurs centraux de la popularité du Président russe et qu’il réactive en mettant en scène l’influence de la Russie sur les anciennes républiques soviétiques et sa capacité à défendre ses intérêts face à l’Union Européenne et les Etats-Unis.

Les sanctions économiques pourraient entraver le développement futur de la Russie. Or, les Russes qui plébiscitent Poutine le font car il a su redresser le pays après des années 90 désastreuses. La crise ukrainienne pourrait-elle finir par se retourner contre Vladimir Poutine ?

Il est vrai qu’un autre facteur important de la popularité de Vladimir Poutine vient du fait qu’on l’associe à la stabilisation et la croissance économique qu’à connu la Russie des années 2000. Le développement économique de la Russie a déjà connu un sérieux ralentissement depuis la crise et pourrait, en effet, fortement ébranler la popularité de Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine est le président de la Fédération russe, mais il est issu d'un parti, le pays est vaste et complexe, et traversé par de nombreuses tensions politiques. Qui, dans le paysage politique russe aujourd'hui permet à Poutine de s'afficher avec une telle hégémonie apparente ? Quel "système" le soutient ?

C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre car le pouvoir russe est effectivement complexe, il est avant tout d’une très grande opacité. Ce qui est certain c’est que les principaux leviers de pouvoir sont détenus par un petit groupe d’hommes qui gravitent avant tout autour de l’administration présidentielle à Moscou. Ce petit groupe est sans doute traversé par des tensions et des conflits d’intérêts, mais qui ne se traduisent pas dans l’offre politique et restent donc peu lisibles pour les observateurs et la population en restant derrière la façade unitaire d’un Président fort et d’un parti majoritaire.

En revanche, le parti Russie Unie, majoritaire à l’assemblée mais aussi dans les régions depuis plus de 10 ans n’a pratiquement aucun pouvoir à ce niveau-là. Ce n’est pas au niveau de Russie Unie que les principales décisions sont  prises y compris sur la définition du prochain candidat à la présidentielle. C’est parce qu’il soutient Poutine que Russie Unie est majoritaire à tous les niveaux du pouvoir, mais à l’inverse le parti n’a aucun poids indépendamment du Président.

Quels pourraient être les éléments amenant ses soutiens politiques à le "lâcher"  Où se trouve aujourd'hui la faiblesse politique de Vladimir Poutine ?

Les mouvements de protestation qui ont eu lieu suite aux élections législatives et présidentielles de l’hiver 2011-2012 ont montré une certaine force du mécontentement populaire. Dès 2005 on avait vu également la population russe se mobiliser de façon importante et, du point de vue des dirigeants, assez inattendue justement sur des questions sociales, liées au niveau de vie et à la répartition des richesses. Ces évènements ont témoigné que, loin de l’image qu’on peut parfois en avoir, la population russe n’est ni passive, ni dupe du fonctionnement du pouvoir russe. Pour l’instant Poutine se maintient aussi faute d’une alternative politique qui soit crédible aux yeux d’une majorité de la population et d’une personne qui soit capable de cristalliser ces attentes. On peut cependant noter que les élections municipales de septembre 2013 ont vu la mise en avant et parfois la victoire de figures de l’opposition comme Evguéni Roizman qui a gagné la mairie de la troisième ville de Russie, Ekaterinbourg, ou encore Alexeï Navalny, connu pour ses actions dans la lutte contre la corruption, qui a obtenu 30% des voix à Moscou.

La volonté de d'un "expansionnisme" tel que l'on a pu le voir dans le cas de l'Ukraine (voir dans celui de la Géorgie) vous semble-t-il finalement le fait de Vladimir Poutine seul, ou celui-ci n'a-t-il été que l'émanation du système qui le soutient ?

En dépit de l’apparence très personnalisée que peut avoir le système russe (et peut-être plus encore l’image qu’on en donne dans les médias occidentaux), il est évident que la plupart des décisions importantes sont le fruit des rapports de force entre le groupe de personnes qui détiennent les principaux leviers de pouvoir. Pour les raisons d’opacité évoquées plus haut, il est très difficile d’évaluer le poids de Vladimir Poutine parmi les représentants de ce groupe. La réalité est quelque part entre vos deux propositions : elle n’est pas complètement et uniquement le fait de Vladimir Poutine ni uniquement une émanation du système qui le soutient.

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