Dépenses de communication du gouvernement Fillon : la Cour de Justice de la République pourrait être saisie de l'enquête<!-- --> | Atlantico.fr
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François Fillon se trouve visé implicitement par une information judiciaire pour ses dépenses de communication lorsqu’il était à Matignon.
François Fillon se trouve visé implicitement par une information judiciaire pour ses dépenses de communication lorsqu’il était à Matignon.
©Reuters

Exclusif

François Fillon se trouve visé implicitement par une information judiciaire pour ses dépenses de communication lorsqu’il était à Matignon. D’autres anciens ministres de son gouvernement, pourraient, le cas échéant, devoir s’expliquer. Mais là, ce ne pourrait être que devant la Cour de Justice de la République. Tout comme François Fillon.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Après Sarkozy, Fillon désormais concerné par une affaire de sondages
  • Patrick Buisson probablement convoqué par un juge d’instruction
  • Toujours pas de trace des enregistrements sauvages de l’ancien gourou de Sarkozy

Après l’affaire des sondages de l’Elysée, en voici une autre qui surgit à l’horizon : celle des dépenses de communications de Matignon, à l’époque où François Fillon était Premier ministre. Estimant les dites dépenses effectuées – plus de 650 000 euros dans des conditions peu orthodoxes, le Parquet financier national dirigé par Eliane Houlette, qui avait déjà diligenté une enquête préliminaire il y a un an et demi, a ouvert, le 29 juillet dernier, comme Le Monde l’a révélé, une information judiciaire contre X pour favoritisme et détournement de fonds publics. Il y a quelques mois déjà, une information judiciaire avait été ouverte sur le volet élyséen des sondages dont le grand manitou n’était autre que Patrick Buisson, le patron de Publifact qui avait bénéficié de conventions passées sans appel d’offres, à hauteur de 1,5 million d’euros. Le juge en charge de ce dossier, Serge Tournaire – qui devrait enquêter sur le volet Matignon, a bien avancé dans ses investigations. A l’inverse, il n’a toujours pas mis la main sur les fameux enregistrements sauvages effectués par Buisson à l’insu de Nicolas Sarkozy… Et révélés par Atlantico.fr. Il n’empêche. Sur l’affaire des sondages, il est probable que le magistrat convoque, dans les prochaines semaines, l’ancien patron de Publifact pour une éventuelle mise en examen.

Historique. Ce sont deux rapports de la Cour des comptes qui ont mis au jour les contrats passés d’une part, avec Patrick Buisson d’autre part, avec le cabinet Giacometti-Peron et associés, animé par Pierre Giacometti, ex-directeur général d’Ipsos, qui fut lui aussi conseiller de Nicolas Sarkozy.

Les sondages de l’Elysée. En juillet 2009, les magistrats de la rue Cambon qui examinent le budget de la présidence de la République, tombent sur un drôle de contrat. Passé entre cette dernière et la société Publifact, il n’a pas fait appel à la concurrence, mais surtout, ne comporte qu’une seule page, écrite sur papier libre. De quoi être ahuri. D’autant que la page en question porte la signature d’un haut fonctionnaire, rompu aux règles du droit public qui n’est autre que la conseillère d’Etat Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy. C’est ainsi qu’en 2008, Publifact se verra gratifier de 392 278 euros tandis que son patron aura droit à 10 000 euros par mois. Remises à la commission des finances de l’Assemblée nationale, les conclusions de la Cour des comptes sont vite rendues publiques. L’association Anticor, dont l’un des fondateurs n’est autre que l’ancien juge Eric Halphen, celui qui enquêta sur les affaires de la mairie de Paris au temps de Jacques Chirac, ne fait ni une ni deux, et porte plainte contre X pour favoritisme. Refus du Parquet de Paris. Anticor, par l’intermédiaire de son pugnace avocat, Me Jérôme Karsenti, se constitue partie civile pour provoquer une information judiciaire. Ce qui a lieu fin 2011. Le juge Tournaire, qui vient d’être promu à Paris après avoir été en poste à Marseille, se met au travail. Pas pour longtemps. Le Parquet estime en effet que l’Elysée étant visé par l’enquête, tous les collaborateurs du président bénéficient - comme ce dernier- d’une immunité. La Cour d’appel lui donne raison. Exit Tournaire. Jusqu’à ce que la Cour de Cassation contredise la Cour d’appel. Estimant hasardeuse l’interprétation de cette dernière sur l’immunité de l’ensemble du personnel de l’Elysée, - seul y a droit le chef de l’ Etat en vertu de l’article 67 de la Constitution - elle autorise le magistrat à instruire. Des perquisitions ont lieu notamment au domicile de Buisson. Des documents sont saisis. Des protagonistes de l’affaire sont entendus par la PJ.

Depuis plusieurs mois, un homme suit cette affaire de près. C’est Raymond Avrillier. Ancien élu écologiste de Grenoble, aujourd’hui retraité, il s’est rendu célèbre au début des années 1990  en devenant le tombeur d’Alain Carignon. Le rapport de la Cour des Comptes de 2009 lui a mis la puce  à l’oreille. Il veut en savoir plus sur les sondages. Que recouvraient-ils ? Quels étaient leurs intitulés ? Combien ont-ils réellement coûté ? Alors, Avrillier s’agite.  Multiplie les procédures administratives. Au bout de 3 ans, il gagne. Fin mars 2012, quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle, il reçoit toutes les réponses souhaitée. Et les intitulés de sondages qui laissent rêveur. Comme, par exemple, celui où l’on demande à des sondés "ce qu’ils pensent du mariage de Nicolas Sarkozy avec Carla Bruni"… Mais surtout, les documents révèlent le montant des sommes dépensées par l’Elysée en matière de sondages :  6 351 238 euros entre 2007 et 2009. Trois millions l’ont été en faveur de Buisson. Le reste a bénéficié à huit autres entreprises dont celle de Pierre Giacometti. C’est dire que grâce à l’écolo Avrillier ce dossier s’est épaissi. Sacrément. Avec à la clé de spectaculaires rebondissements dans les prochaines semaines…

Les dépenses de communication de Matignon, plus généralement du gouvernement de François Fillon.

Deux ans après avoir accroché l’Elysée, la Cour de Comptes rédige en 2011 un rapport sévère sur les dépenses de communication de Matignon. Selon les magistrats de la  rue Cambon, Matignon, comme la présidence de la République, aurait conclu des marchés sans respecter les règles de marchés publics et de mise en concurrence avec la société Giacometti-Peron et associés. Cela à hauteur de  694 959 euros entre mai 2008 et juillet 2011. Anticor, toujours via Me Jérôme Karsenti, se manifeste et porte plainte contre X, une fois encore, pour favoritisme et détournements de fonds publics. Une enquête préliminaire est ouverte en 2013. Elle laisse de marbre l’ancien Premier ministre qui déclare : "J’attends cette enquête avec tranquillité." Et de préciser : "Tous les sondages ont toujours été commandés par le service d’information du gouvernement, par appel d’offres, par appel à la concurrence et sans aucune intervention des membres de mon cabinet." Reste que cette tranquillité de 2013 vient d’être troublée, que Fillon le veuille ou non, par l’ouverture de cette information judiciaire décidée par le Parquet financier national au début de l’été. Dans une déclaration à l’AFP, Me Karsenti s’est déclaré "satisfait, même s’il a fallu beaucoup bataillé et relancer le Parquet national pour parvenir à ce résultat". Et l’avocat de faire remarquer que ce dossier est "compliqué, car il touche de nombreux ministres." Lesquels ont payé des prestations à la société Giacometti-Peron et associés. Or, à propos de certains d’entre eux, la Cour écrit : "Le paiement sur deniers publics de sondages relatifs à l’image personnelle de ministres ou à des sujets éloignés de l’action du gouvernement prête à confusion." Cette confusion aurait-elle atteint Rachida Dati, qui lorsqu’elle était Garde des Sceaux auraient réglé des sondages sur sa popularité ? Aurait-elle atteint aussi Herve Morin ou Gérard Longuet, qui lorsqu’ils étaient ministre de la Défense s’enquerraient de savoir comment avaient été perçues leurs interventions télévisées ? Une certitude : si comme nous le confirme Me Karsenti, l’instruction devait s’orienter vers Fillon et d’anciens ministres, le juge devrait se déclarer incompétent au profit de la Cour de Justice de la République.

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