Pourquoi le monde se dirige droit vers une pénurie de sable<!-- --> | Atlantico.fr
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Entre 75% et 90% des plages reculent dans le monde.
Entre 75% et 90% des plages reculent dans le monde.
©Pixabay

Sur la plage abandonnée

Aux USA, la consommation des dix plus grands utilisateurs de sable a doublé. Cette surexploitation peut mener à des effets néfastes : entre 75% et 90% des plages reculent dans le monde.

Eric Chaumillon

Eric Chaumillon

Eric Chaumillon est chercheur en géologie marine du littoral au LIENSs, le Laboratoire Littoral Environnement et Sociétés (Université de La Rochelle/CNRS). Il est coauteur avec Emmanuel Garnier et Thierry Sauzeau de l'ouvrahe Les Littoraux à l'heure du changement climatique (éditions Indes savantes, avril 2014).

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Une note rédigée par plusieurs entreprises américaines (Morgan Stanley's Ole Slorer, Benjamin Swomley, and Connor Lynagh) indique que l'utilisation du sable dans leur processus d'extraction augmente l'afflux d'hydrocarbures. Il en a résulté une croissance parallèle de demande en sable : 96% en 2016 pour la Morgan Stanley's Ole Slorer.

La note a eu pour effet d'accélérer la demande de sable en vue d'extraction par fraction. Aux USA, la consommation des dix plus grands utilisateurs de sable a doublé. Il faut dire qu'utiliser 86% de sable en plus permettrait d'accroitre de 40% les gains.

Cette surexploitation peut mener à des effets néfastes : entre 75% et 90% des plages reculent dans le monde. D'ici 2100 elles pourraient être de l'Histoire ancienne.

Conscients du phénomène, certains s'opposent à l'exemple du collectif "le peuple des dunes en Trégor". En France, en baie de Lanion, celui-ci lutte contre un projet d'extraire du sable d'une dune hydraulique (constituée par les courants marins).

Aux Etats-Unis aussi l'opposition des populations à ouvrir de nouvelles mines mais aussi le peu de lignes d'acheminements risquent cependant de restreindre l'offre. Le prix du sable pourrait ainsi augmenter ce qui impacterait directement les prix du pétrole et du gaz.

Atlantico : Dans quelle proportion le sable est-il utilisé aujourd'hui dans le monde ? Quelles sont les principales utilisations qui en sont faites ?

Eric Chaumillon : On dit qu'il y a autant de grains de sable sur terre que d'étoiles dans l'univers. En réalité on estime sa quantité à 120 millions de milliard de tonnes. C'est la deuxième ressource minérale la plus exploitée de la planète. Sa surexploitation est clairement liée au développement de l'Humanité. On peut citer la construction de routes, de bâtiments, la poldérisation, la place qu'on a cherchée à gagner sur la mer.

L'essentiel en terme quantitatif est pour la construction. En parallèle il existe tout un tas d'autres utilisations très variées. On utilise les sables calcaires pour amender les terres agricoles et faire baisser le ph de la terre. Pour le verre, ce sont des sables siliceux très purs qu'on fait fondre. On peut faire de la céramique, des électrodes, avec les rutiles et sillimanites. Le sable contient des substances rares. Des minéraux lourds, des éléments comme le titane et l'uranium peuvent être exploités.

Qu'est-ce qui pourrait amener à une pénurie?

On ne peut pas parler de pénurie à l'échelle globale de la planète mais localement, à certains endroits du monde. Il n'y a pas de réponse simple, si vous allez au Maroc les plages ont déjà disparu. Aux Emirats Arabes, on fait venir le sable d'Australie pour combler la demande.

Des études à court terme existent mais on a besoin d'études sur le long terme pour faire des bilans du beau temps et du mauvais temps et des mesures in situ. On connait mal l'impact des évènements exceptionnels (pourtant ceux qui transportent le plus de sédiments). Ce type d'étude serait pourtant bien utile. Au Colorado, il existe un énorme barrage hors service car il se retrouve ensablé. Si on laisse faire et qu'il n'y a pas d'étude, on peut s'attendre à un désastre mais on ne peut pas dire que dans 200 ans, il n'y aura plus de sable.

Quelles sont les conséquences de cette surexploitation sur l'écosystème et les réserves de la planète?

A prélever du sédiment, on perturbe l'équilibre de la planète et ça aboutit à des problèmes environnementaux majeures. On a des exemples de crues, de piles de ponts déstabilisées. Prélevé dans le lit majeur des rivières, cela pose d'autres problèmes. Ce sont des lieux privilégiés d'installations de population et l'exploitation entraîne souvent des conflits d'usage. Les places sont de plus en plus chères. Les Hommes se sont aussi naturellement tournés vers la mer, où l'on trouve beaucoup de sable. Ils se sont limités à la zone côtière pour que les transits soient réduits. Puis il y a eu législation car la côte était globalement en érosion.

S'il y a surconcentration à certains endroits, cela pose des problèmes. On a un exemple en Corée où ils ont appauvris des secteurs littoraux ce qui a entraîné ponctuellement des érosions de plages. En France, il y en a eu dans le passé mais il n'y en a plus. On a connu l'exemple de la ville d'Aytré, le cordon littoral a été réduit dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Plus récemment, la ville avait particulièrement souffert du passage de la tempête Xynthia. Si on laisse faire et qu'il n'y a pas d'étude on peut s'attendre à un désastre mais on ne peut pas dire que dans 200 ans il n'y aura plus de sable.

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