Troisième âge... professionnel
Les mamys baby-sitter : quand les seniors se retrouvent à faire des jobs d’étudiants
De plus en plus de seniors se tournent vers des petits emplois auparavant réservés aux étudiants. Si certains le font par nécessité, la plupart sont motivés par le fait de se sentir utile et par l'envie de maintenir un lien social.
Laure Leter
Laure Leter, journaliste à Elle, est spécialisée dans les questions psychologie et parentalité.
Elle vit à Paris.
Serge Guérin
Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).
Atlantico : De plus en plus de sites proposent aux parents de faire garder leurs enfants par des personnes âgées comme par exemple seniorsavotreservice.com. Qu'est ce qui motivent ces personnes âgées à proposer leurs services ? Cela témoigne-il d'une précarisation de nos seniors ?
Serge Guérin :C'est symptomatique d'un double mouvement, jamais les seniors n'ont été aussi jeunes dans leurs corps et leurs têtes, et la précarité fait qu'ils sont à la recherche de petits boulots. Parfois en concurrence avec les jeunes. On peut considérer que les personnes d'un certain âge ont plus l'expérience des enfants relativement aux étudiants et cela rassure les parents.
Les séniors peuvent également être amenés a effectué des petits boulots de présence plus classiques. Ils peuvent, contre une petite rémunération se rendre de temps en temps dans la résidence secondaire d'un voisin. Certains vont réaliser des petits ménages. D'autres encore font du dog sitting. Les personnes âgées vont collecter une quinzaine de chiens dans le quartier. Ils ont du temps, ils ne demandent pas des rémunérations exorbitantes et inspirent la confiance. Un monsieur de 70 ans, peut parfaitement effectuer des petits travaux de plomberie. Certains vont même adopter le statut d'auto-entreprise, moins cher et pus rapide qu'un plombier. Confiance. Certains adoptent le statut d'auto-entrepreneurs. Si ce statut présente des désavantages en termes de droits sociaux et ne permet pas vraiment de préparer les beaux jours mais pour les retraités, ce statut est assez idéal. D'autres retraités continuent d'officier en tant que consultant. Il s'agit là bien évidemment d'une activité beaucoup mieux rétribuée de personnes possédant des réseaux totalement différents. Un peu comme dans le reste de la population des personnes, il y a des personnes qui vendent du temps de présence (baby sitting, jardinage, dog sitting) et ceux qui ont d'autres très fortes qualifications.
Une des motivations pour l'ensemble des retraités, c'est qu'ils s'ennuient. L'activité professionnelle était pour eux un statut. Ils ont besoin d'estime de soi, ils estiment que même s'ils sont à la retraite, ils ne sont pas dépassés. Cela soulève la question du lien social. Les deux motivations principales sont d'une part de se sentir utile, et d'autre part de voir des gens. D'autres cherchent plus spécifiquement une source de revenu supplémentaire.
Les séniors concernés sont-ils nombreux ?
Serge Guérin :Je pense que la fourchette basse est de 500 000 personnes. Sur les 15 millions de retraités, ce n'est pas énorme mais la part de petits boulots non déclarés doit être assez importante.
Qu'est-ce que la nature de ces activités dit de l'évolution du profil des personnes âgées ?
Serge Guérin : D'une part l'activité professionnelle comporte une part d'identitaire car une grande majorité de personnes se définit par leur statut professionnel, c'est une façon de ne pas le perdre. Car lorsque l'on prend sa retraite, du jour au lendemain, tout s'arrête. Il y aurait certainement à gagner à faire une retraite à la carte. Une partie croissante des retraités va vivre dans des difficultés grandissantes et une des réponses ce sera des petits boulots. Cela se manifestera également par le monsieur ou la dame qui s'occupe de son jardin pour le plaisir mais aussi pour avoir des légumes gratuits. Lorsque l'on part à la retraite aujourd'hui, on a encore 20 à 25 ans de vie à la retraite devant soi, peut-être par nécessité ou par goût, cela peut représenter une troisième ou une quatrième étape professionnelle. Une façon d'améliorer son quotidien. Certains ont toujours rêvé de monter leur boite, et du coup comme le risque est moindre, profitent de cette période pour devenir leur propre patron.
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