Doublement du travail de nuit : ceux pour qui il s’agit juste de continuer après 18h30… ceux pour qui il est réellement pénible<!-- --> | Atlantico.fr
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Les établissements de santé font partie des endroits où le travail ne peut pas s'arrêter la nuit.
Les établissements de santé font partie des endroits où le travail ne peut pas s'arrêter la nuit.
©Reuters

Marge nocturne

Un salarié sur sept travaille la nuit, un chiffre qui a doublé en vingt ans. Si ces travailleurs nocturnes sont attirés par une rémunération plus élevée, le retour de la médaille se fait ressentir sur le long-terme, car c'est bien le capital santé qui se verra, au fil des années, diminué.

Guy  Minguet

Guy Minguet

Guy Minguet est professeur de sociologie à l’Ecole des Mines de Nantes, chercheur permanent au LEMNA de Nantes, et associé au CGS Paris Tech. Il travaille sur les effets des changements d’organisation, d’action managériale sur la santé des salariés ; sur les régimes de conception exploratoire et d’innovation intensive ; sur la biomédecine, la production collective autour des nouvelles technologies et des pratiques médicales

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Atlantico : Selon une étude du ministère du travail sur la condition des salariés en 2012, 15% d'entre-eux travailleraient la nuit, c'est-à-dire entre minuit et cinq heures du matin. En 1991 pourtant, ils n'étaient que 7,4 %, soit deux fois moins. Qui sont les travailleurs de nuit aujourd'hui, quels métiers ou secteurs d'activités sont concernés ?

Guy Minguet : Selon les enquêtes de l’INSEE, il s’agit de cinq familles professionnelles. Les métiers les plus exposés au travail de nuit sont souvent atypique. On y trouve les conducteurs de véhicule (poids lourds, autobus, etc.), les policiers et les militaires dont les gendarmes, les infirmières et les aides-soignantes (établissements de santé), sans oublier les ouvriers qualifiés dans les industries de process, c'est-à-dire les industries qui ne s’arrêtent jamais (hauts fourneaux, sidérurgie, industrie pétrolière, etc.).

Quelle est la réalité du travail de nuit ? Le droit du travail consacre-t-il des règles spécifiques ?

D’un point de vue juridique, le privé et le public sont deux mondes différents. Dans les trois fonctions publiques d’Etat, territoriales, et collectivités locales, le travail est régi par le statut de la fonction publique avec un contrat de travail initial, c'est-à-dire que lorsque vous vous engagez dans l’armée, vous vous engagez jour et nuit, tout comme la police. Vous êtes contractuellement tenus de vous incorporer dans le règlement intérieur de la fonction publique et donc les conditions de travail qui vont avec. Dans le privé, c’est différent dans la mesure où les conventions collectives de votre profession régissent les règles. En termes d’horaires, c’est l’activité qui commande. Autrement dit les professionnels employeurs d’un côté, comme les salariés de l’autre, via leurs syndicats, négocient entre eux les conditions de travail dites atypiques au regard de l’évolution des activités et la nécessité de travailler avec certains horaires. C'est d'ailleurs le cas dans le privé comme dans le public.

S’il s’agit des salariés de grands établissements avec de nombreux effectifs ou de petites entreprises, comme les restaurants, la façon de respecter les horaires n’est pas la même. Si la loi oblige à les respecter, dans le cas des grandes structures, les horaires sont plutôt tenus parce que des effectifs viennent derrière de manière à éviter les erreurs plus ou moins graves et irrémédiables. Mais la réalité fait que parfois les salariés travaillent plus longtemps tout simplement à cause d’aléas. Ce qui est souvent le cas dans les hôpitaux par exemple. Un temps supplémentaire qui n’est ni payé ni rattrapé par du repos. 

Les chiffres montrent de nombreuses inégalités de salaires, mais aussi de genre (70% des travailleurs de nuit sont des hommes), quelle est la face cachée de cette forme de travail ? Est-il confronté aux mêmes inégalités que le travail de jour ?

Même si historiquement, il y a plus d’hommes qui travaillent la nuit, la tendance fait que les femmes sont de plus en plus touchées. Mais l’accès à l’emploi et les rémunérations complémentaires ne suivent pas forcément. Les salariés de nuit ont en général une rémunération plus élevée pour l’exposition aux risques de leur métier, car les conditions de travail sont beaucoup plus difficiles. Cette pénibilité pèse sur leur capital santé, d'autant qu'il existe pour certains de ces métiers une exposition inhérente à la violence, comme dans les hopitaux ou pour les policiers.

Inégalité également à l’âge de la retraite, le salarié est exposé à une moindre légitimité lié à l’épuisement de son capital santé. Par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles, non seulement l’arrêt du travail est plus difficile, mais il est plus compliqué d’en jouir, souvent à cause d’une santé se dégradant vite.

Sur le fond effectivement on peut parler des mêmes inégalités, la différence est dans les corps de métiers. Pour la police ou les ouvriers, il s’agit de professions masculines, à l’inverse du domaine du tertiaire donc la santé avec les infirmières et les aides-soignantes. Mais selon les statistiques, les femmes travaillent de plus en plus la nuit reflétant l’évolution sociologique.

Le principal intérêt de ces horaires est que la rémunération est plus élevée. Est-ce toujours rentable d'un point de vue financier de travailler de nuit ? Et d'un point de vue humain ?

Non, ça n’est pas rentable parce que c’est un calcul à court terme. Même si c’est un choix, ça ne compense pas le fait que votre capital santé s’amenuise.  Les travailleurs de nuit sont exposés à des pénibilités et des contraintes de vigilance qui les exposent à des accidents. Pour ce qui est de la rémunération tout dépend du secteur, dans le cas d’une clinique, la fonction rémunère mieux ses salariés que dans d'autres secteurs.

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