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A la source de l'innovation (partie 3) : le goût du risque et l'appât du gain
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Le nettoyeur

Petite série de l'été sur l'innovation. De quoi s'agit-il et surtout comment la créer ? Explications.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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A lire également : A la source de l'innovation (partie 2) : l'innovation, un processus décentralisé

A la source de l'innovation (partie 1) : comment la définir

Comme nous l'avons vu aux épisodes précédents, l'innovation est un processus assez mystérieux. Et précisément parce que ce processus est mystérieux, le seul moyen que nous connaissions pour l'obtenir, c'est d'essayer autant de choses que possible pour voir ce qui marche, ce qui veut dire, en pratique, décentraliser la décision le plus possible.

Une conséquence logique de ce qui précède est que toute innovation comporte un risque. L'innovation, c'est nouveau, donc ça fait peur. Ou, pour être moins négatif, si une idée innovante était évidente, on l'aurait déjà fait, et donc ça ne serait pas innovant. 

Un autre sujet que nous avons abordé au sujet de l'innovation est le fait que l'innovation est fondamentalement un processus de marché. Une innovation, au sens auquel l'entendent les spécialistes des sciences de gestion, ce n'est pas seulement un progrès technologique, mais la combinaison d'un progrès technologique et d'une validation de celui-ci par le marché. Une merveille technologique dont personne ne veut, ce n'est pas, dans le sens en question, à proprement parler, une innovation.

Bref, pour faire simple, si on veut obtenir de l'innovation, il faut susciter l'envie de deux choses : du risque, et de l'argent.

“Le secret de la Silicon Valley, c'est les rendements obscènes. Pas bons. Obscènes,” a écrit Steve Blank, ancien entrepreneur et professeur à Stanford et reconnu comme un des principaux experts en innovation de la Silicon Valley. 

Un des truismes de la finance, c'est le lien entre risque et rendement. A risque très élevé, rendement très élevé. (Et inversement...) Andy Bechtolsheim a investi 100 000 dollars dans Google, et s'est retrouvé milliardaire. On ne parle pas du Livret A. Mais le risque est là : pour un Google, des dizaines, voire des centaines d'échecs, et là c'est toute la mise qui est perdue. Vous ne risquez pas non plus de vous retrouver demain avec le contenu de votre Livret A volatilisé.

Si on garde ça à l'esprit, on se rend très vite compte que l'innovation est également un phénomène culturel. C'est lié à un état d'esprit: une attirance au risque, et aussi un certain rapport à l'argent. 

En France, beaucoup considèrent que les rendements financiers ne doivent jamais être élevés. Derrière chaque grosse fortune se cache un crime, et chaque rendement élevé est une obscénité. Une des révélations de la transparence des patrimoines des députés est que presqu'aucun de nos élus n'a investi dans une entreprise privée : ils mettent tous leur pactole dans un Livret A et dans la pierre. Et si quelqu'un devient milliardaire en investissant dans une startup, est-ce qu'on jalousera son succès, ou est-ce qu'on l'admirera ?

Ça ne sert à rien de prendre un risque élevé si la perspective du rendement élevé qui s'y attache est interdite. Le taux marginal d'imposition joue un rôle : si je prends plus de risque pour gagner plus d'argent, mais que presque tout ce gain supplémentaire sera confisqué, autant ne pas m'embêter et rester avec des stratégies d'investissement à la Papa. 

On rentre ainsi vite dans un cercle vicieux : puisque l'investissement risqué est interdit, il n'y a pas d'innovation, et puisqu'il n'y a pas d'innovation, personne ne voit l'intérêt d'encourager l'investissement risqué. 

A Silicon Valley, il y a un dicton : “Missionnaire, pas mercenaire.” L'idée est que les entrepreneurs qui réussissent le mieux ne sont pas ceux qui sont principalement motivés par l'argent, mais ceux qui sont principalement motivés par la vision de l'entreprise. Et c'est vrai. 

Mais il ne faut pas mettre des lunettes roses non plus : pour tout entrepreneur, l'argent reste une motivation. Une société orientée uniquement vers l'appât du gain serait inhumaine. Mais une société qui se rend compte que l'appât du gain, dans le contexte de l'appât du risque et de la création, peut être sain, sera une société plus innovatrice. 

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