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Le « salaire maximum »,
une riche idée ?
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Zone franche

Non seulement le « salaire maximum » est un concept immoral, mais en plus il est inefficace. Et c’est un « pauvre » qui le dit.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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La popularité (relative ?) de la proposition mélenchonienne de « salaire maximum » est philosophiquement si déplaisante qu’elle interroge sur le modèle de société dont rêvent vraiment les Français.

Qu’un pays moderne, démocratique et prospère se donne pour objectif d’éradiquer la pauvreté, c’est bien le moins. Mais qu’il envisage d’éliminer la richesse, même « insolente », c’est  une autre paire de manches…

On entend parfois dire que l’Américain moyen, lorsqu’il voit passer une voiture de luxe, se réjouit pour le type au volant et rêve du moment où il franchira à son tour la porte du showroom Maserati. Ça n’est pas complètement vrai, mais ça n’est pas totalement faux non plus : de l’autre côté de l’eau, c’est la « recherche du bonheur » plutôt que le principe de précaution qu’on a choisi d’inscrire dans les textes fondateurs.

Le Français moyen voyant passer la même auto n’aurait, lui, qu’une idée en tête : y foutre le feu et remplacer de force la carte grise par un abonnement RATP dans le portefeuille du conducteur. Là encore, ça n’est pas complètement vrai, mais Mélenchon ne serait pas invité aussi régulièrement sur RMC si c’était totalement faux.

La Tour d'argent contre l'Hippopotamus

Mais comment passe-t-on d’un désir légitime d’égalité devant la justice, l’éducation ou l’accès aux soins médicaux à cette volonté de ne voir qu’une seule tête et de transformer l’ambition individuelle, même démesurée, même grotesque, en péché capital ? Comment en vient-on à penser que les déjeuners d’une star du foot à la Tour d’argent entrent en concurrence avec ses propres gueuletons à l’Hippopotamus ?

Comment, en fait, glisse-t-on d’un idéal tocquevillien de mobilité sociale et d’élimination des privilèges et de la rente à un cauchemar égalitariste faisant du désir de l’autre une sorte de péché contre soi-même et d’entorse à la « morale » ?

La richesse insolente découle souvent ― pas toujours mais le plus souvent tout de même ― d’un talent ou d’une compétence littéralement hors-du-commun. Écrire un bestseller, vendre des millions de disques, remplir les salles de cinéma, inventer un produit ou un service qui révolutionne les modes de vie, marquer des buts en coupe du monde, ce n’est pas à la portée du premier venu.

Créer une entreprise, la développer au point d’en faire un champion mondial et d'embaucher tout un tas de gens non plus.

Le pognon comme moteur ? Et pourquoi pas ?

On souhaiterait pourtant ― enfin, d’aucuns souhaiteraient pourtant puisque ce n’est pas mon cas ―, que la motivation de l’auteur du bestseller ou chanteur à succès reste aussi virginale que la laine sur le dos de l’agneau pascal. Que ses intentions soient pures. Que l’accouchement proprement-dit du roman goncourisé ou de la chanson emmyawardisée demeure la priorité absolue du créateur.

Mais quid du sportif, de l’artiste, de l’inventeur ou du capitaine d’industrie dont le moteur véritable est le pognon ? Le luxe obscène et vide de sens ? Le nombre de Ferrari Testarossa dans le garage ? Faut-il, au nom d’une espèce de bon goût en carton-pâte, décider, en même temps que d’un revenu suffisant au-dessus duquel on le taxerait à 100% (360 000 euros par an pour Mélenchon), établir une longueur de yacht ultime, une hauteur sous-plafond raisonnable pour une penthouse à Neuilly-sur-Seine, un quota maximal de sacs Vuitton et d’escarpins Louboutin ?

Privés de leurs moteurs, ces riches-là ne nous serviraient de toute manière plus à rien (La Fontaine a déjà averti le Front de gauche du risque que l’on prend à ouvrir l’abdomen de la poule aux œufs d’or pour voir ce qu’il y a dedans) quand les taxer juste assez pour qu’ils aient envie de continuer à pondre et que nous continuions à manger de l’omelette semble plus pertinent. Et moins médiocre.

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