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Où et comment 
doit-on juger Kadhafi ?
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Accusé, levez-vous !

Nicolas Sarkozy, accompagné du Premier ministre britannique David Cameron et du philosophe Bernard-Henri Lévy, est attendu ce jeudi en Libye. Le dictateur reste introuvable, mais l'après Kadhafi a déjà commencé.

Francisco Rubio

Francisco Rubio

Francisco Rubio est écrivain et professeur.

Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire d'un DES de droit public interne et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Depuis 1996, il est directeur juridique de l'ONG Médecins du Monde.

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Maintenant que les rebelles libyens sont les nouveaux maîtres de Tripoli, la question du jugement de Mouammar Kadhafi devrait faire l'œuvre d'un débat mouvementé entre les partisans d'une intervention de la justice internationale et les défenseurs d'un règlement intérieur, par la justice libyenne.

Posons tout d'abord le problème juridique avant de nous placer sur le plan politique. Si nous nous situons sur le plan strictement juridique, deux possibilités sont ouvertes : soit un procès devant des juridictions pénales libyennes, soit un procès devant la Cour pénale internationale. En effet, depuis la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies du 27 février 2011 la Cour pénale internationale a la possibilité de se saisir du dossier. Ce qu’elle a fait d’ailleurs puisque à la demande du  procureur, Luis Moreno Ocampo, la Cour a délivré des mandats d’arrêts  contre divers dirigeants libyens et dont Mouammar Kadhafi.

Rappelons ici pour la bonne compréhension des choses que la Cour pénale internationale peut être compétente pour quatre raisons :

  • Si le crime a été commis sur le territoire d’un État partie,
  • Si le crime a été commis par un citoyen d’un État qui a adhéré au statut de la Cour,
  • Si  l’État accepte la compétence de la Cour par une déclaration faîte au greffe de la Cour
  • Si la Cour est saisie par une Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ce qui est le cas d’espèce.

Ce point est très important puisqu’il signifie que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont été d’accord pour demander à la Cour d’enquêter sur les crimes commis à l’occasion de troubles internes graves et qu’il, s’est prononcé à une majorité de ses Membres.

Mais la conséquence de cette résolution est aussi de ne pas laisser le choix aux dirigeants nationaux. En effet, même si la Cour n’est compétente qu’à titre subsidiaire il n’en demeure pas moins qu’elle contraint les dirigeants nationaux à engager des poursuites ou en cas de carence de leur part, la Cour se substitue à la justice nationale défaillante. Bref, soit la justice nationale engage des procédures, soit la Cour évoque le dossier.

Au stade où nous en sommes il n’y a plus d’alternative et le dirigeant libyen doit être jugé. Les interrogations de certains sur le thème de « Paix pour tous ou justice pour un », autrement dit, vaut-il mieux accorder l’asile ici ou là à Kadhafi en échange de l’impunité et de son départ immédiat n’est même plus de mise car apparemment Kadhafi n’a plus rien à négocier. Apparemment ?  Donc la question est simple : par qui doit être jugé Kadhafi ?

La crainte d'une vengeance expéditive

A regarder les images diffusées par les télévisions ou encore à lire les commentaires de la presse, il paraît difficile de faire confiance à une justice nationale qui au surplus à cette heure n’existe pas ! A supposer qu’elle existe encore faudrait-il qu’elle soit respectueuse de la forme et du fond de ce que l’on appelle les garanties juridictionnelles. Aujourd’hui de nombreux témoins font état de crimes graves commis par les insurgés, de représailles et  d’exécutions sommaires. Bref comme on pouvait le craindre la vengeance prend le pas sur la justice. Difficile dès lors d’attendre de ce CNT (Conseil National de Transition) hétéroclite et d’une société civile inconsistante la mise en place rapide de tribunaux répondant aux normes des conventions internationales. On voit bien en regardant l’exemple égyptien que la voie est étroite lorsqu’il s’agit de juger les anciens dirigeants et ce alors que dans ce dernier cas les institutions continuaient à fonctionner avec une société civile active et organisée.

Outre les garanties pour les justiciables le second avantage d’un procès international est peut-être la possibilité de faire éclater plus facilement au grand jour l’ensemble des « complicités » internationales de toute nature dont les dirigeants libyens ont pu bénéficier et ce moyennant prébendes et finances de leur part. Ceci ne devrait pas plaire à tout le monde mais c’est une opportunité qu’il faut saisir.

A la lumière de cette analyse il paraît évident que seule à ce jour une juridiction internationale est en mesure de juger dans le respect des garanties juridictionnelles universellement admises les dirigeants libyens et donc Mouammar Kadhafi. Le risque car il y en a un, est qu’une fois encore les principaux responsables des pires crimes soient mieux traités que les obscurs exécutants qui feront les frais d’une justice populaire  expéditive. Il faut donc par tous les moyens, humains, financiers, matériels, aider à la (re)mise en place d’un système judiciaire impartiale.

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