L’été de toutes les commémorations : ce que les choix d’événements célébrés et surtout les graves oublis disent de la France d’aujourd’hui<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande célébrait le 15 août les 70 ans du Débarquement de Provence
François Hollande célébrait le 15 août les 70 ans du Débarquement de Provence
©REUTERS/Philippe Wojazer

Vous en reprendrez encore ?

Après les célébrations autour des débarquements de Normandie et de Provence, la commémoration de la libération de Paris commence ce mardi 19 août, pour s'achever le 25 par un grand bal populaire devant l'Hôtel de Ville. Beaucoup d'événements en un seul été, donc, qui malheureusement ont totalement occulté une date fondatrice de la France telle que nous la connaissons.

Dimitri  Casali

Dimitri Casali

Dimitri Casali est Historien, spécialiste du 1er Empire et ancien professeur d’Histoire en ZEP, il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio et la télévision. Il est auteur d’une quarantaine d’ouvrages notamment : La France Napoléonienne (Albin Michel 2021), le Grand Procès de l’Histoire de France, lauréat du prix des écrivains combattants 2020 (Robert Laffont 2019), du Nouveau Manuel d’Histoire préface de J-P Chevènement (La Martinière 2016), de l'Altermanuel d'Histoire de France (Perrin), lauréat du prix du Guesclin 2011 ; l'Histoire de France Interdite (Lattès 2012). Par ailleurs, il est le compositeur du « Napoléon l’Opéra rock » et de l’« l’Histoire de France l’Opéra rock », spectacles musicaux historiques et éducatifs.

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Atlantico : Après le débarquement de Normandie le 6 juin et celui de Provence le 15 août, c'est au tour de la libération de Paris d'être commémorée, du mardi 19 au lundi 25 août. A ces événements s'ajoutent ceux qui marquent tout au long de l'année 2014 le centenaire du début de la Première Guerre mondiale. L'ensemble vous paraît-il cohérent, et assiste-t-on à une surabondance de célébrations aux dépens de la signification ?

Dimitri Casali : Cet ensemble n'a pas vraiment été pensé, et il laisse sur le carreau les principales commémorations, qui elles, n'ont pas été célébrées. Je pense notamment aux 800 ans de la bataille de Bouvines qui tombaient le 27 juillet 2014, et qui marquent la naissance du sentiment national français (cette bataille opposa les troupes française de Philippe Auguste aux soldats anglais de Jean sans Terre, ndlr). En effet 1214 marque vraiment la naissance de la France souveraine, catholique et royale. Cette date essentielle a été totalement négligée, puisque François Hollande a refusé d'assister aux célébrations, et Manuel Valls a préféré assister au dernier moment à une étape du Tour de France dans la ville d'Evry. Alors que dans n'importe quel pays une date aussi essentielle aurait été célébrée, une occultation de l'histoire catholique et royale perdure, et ce à cause des socialistes, qui considèrent que l'histoire de France commence à la Révolution française, comme l'avait écrit l'ancien Ministre de l'Education nationale Vincent Peillon dans l'un de ses ouvrages. De plus, François Hollande ne se contente pas d'occulter les dates essentielles, il verse dans la repentance en insistant sur la composante indigène de l'armée coloniale d'Afrique, tout en oubliant la majorité de citoyens français engagés.

Les commémorations actuelles seraient donc parasitées par les idéologies et les messages politiques d'aujourd'hui ?

Elles sont parasitées, en particulier par la surenchère compassionnelle, dont le drapeau mis en berne à la suite de l'accident malheureux d'un avion dans le désert malien est un parfait exemple de dérive. François Hollande cherche à masquer les difficultés du pays, mais cela ne marche pas car il ne le fait pas toujours de manière habile : à vouloir célébrer avant tout la diversité de la France actuelle, il commet des erreurs historiques, comme en témoignent les célébrations du 15 août.

En traîtant de la sorte les commémorations historiques, et également en invitant 80 délégations étrangères à défiler le 14 juillet, l'Etat français aurait donc mis de côté le sentiment national, au point de ne même plus le célébrer ?

Absolument. Je n'ai d'ailleurs pas été le seul historien à être choqué par la présence de soldats du FLN, qui ont descendu les Champs Elysées à cette occasion. Cela revient à oublier les plus de 28 000 soldats français tombés sous les balles du FLN pendant la guerre d'Algérie. Sans compter le coût de l'organisation d'un tel rassemblement, qui était totalement déplacé…

Le gouvernement impose sa vision sectaire et dogmatique de l'histoire de France en mettant systématiquement en avant le passé colonialiste et esclavagiste de la France. Pour résumer, il considère que la société est divisée entre oppresseurs et oppressés, alors qu'il faudrait réconcilier la nation d'une manière beaucoup plus large et générale au travers, entre autres, de la bataille de Bouvines. Ils oublient que la France est jalousée par beaucoup d'autres pays pour ses 2000 ans d'histoire : les Etats-Unis, à côté, n'en ont presque pas !

La population française elle-même a-t-elle, dans son ensemble, une vision trop immédiate de l'histoire de France, n'allant pas au-delà de la Première Guerre mondiale ?

C'est ce que je mets en avant dans mon prochain livre, "Ombres et lumières de l'histoire de France" : depuis 30 ans nous avons capitulé sur les vraies valeurs de l'histoire de France, qui doivent avant tout réconcilier et unir un peuple, et donner l'amour de son pays. Or ce qui dérange le plus dans les commémorations actuelles, c'est le mot "France".

Comment aurait-il fallu mettre en scène la commémoration des différents événements de cet été pour que ceux-ci soient regroupés derrière un message compréhensible et fédérateur ?

Il aurait fallu organiser une seule et unique célébration, mieux organisée et avec davantage de moyens. A la rentrée, la multitude de célébrations autour de la guerre de 1914 va ôter l'envie aux Français de s'intéresser à ce conflit. Il aurait donc fallu, comme le font les Américains ou les Britanniques, célébrer une seule fois, et de manière grandiose, les événements que le gouvernement a préféré évoquer au travers d'un saupoudrage de célébrations éparses, dont les Français se désintéressent malheureusement. C'est notre grand malheur en France, en dépit de notre longue et éclatante histoire, nous préférons la fuite en avant, et par conséquent nous ne savons plus célébrer les fêtes nationales et les grands événements.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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