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Drogue, drague, alcool, femmes, homosexualité... Téhéran, la débauchée
©Reuters

Bonnes feuilles

"Avant d'avoir 16 ans, j'ai vécu avec des agents du MI5 britannique, je suis devenu un familier des RG français, j'ai été interrogé par les inspecteurs de la Crim' dans les bureaux du mythique Quai des Orfèvres. À 40 ans, je deviendrai un espion de la CIA, à 46, un agent du Mossad. Entre ces deux missions, j'ai tué un homme. À la publication de ce livre, les fous de Dieu qui gouvernent la terre de mes ancêtres, le pays que mon grand-père a dirigé pendant trente-sept jours, me condamneront probablement à mort" voilà ce que raconte Djahanshah Bakhtiar dans "Moi, Iranien, espion de la CIA et du Mossad" (Editions du Moment). (1/2)

Je suis le deuxième à descendre de l’avion, ce lundi 18 octobre 2004. Je pénètre dans l’aéroport de Mehrabad. J’arrive à l’Immigration. Une femme voilée examine mon passeport. Il est complètement vierge, pas une trace. Elle me dévisage, tape mon nom dans son ordinateur, tamponne le passeport et me le rend. « Bienvenue au pays ! » Ça, je ne m’y attendais pas.

Je récupère ma valise, mon ordinateur portable s’y trouve encore. Avant de partir, j’avais tout effacé, il n’y a pas un dossier, pas une photo. Je ne sais pas encore que ces démarches sont inutiles, on ne peut jamais rien effacer d’un disque dur. Les vitres s’ouvrent. S’engouffre alors cette odeur, indescriptible et si unique, celle de l’Iran. Cela fait trente ans que je ne l’ai pas sentie. Alors, je la renifle à plein nez. Mon enfance resurgit. Des membres éloignés de ma famille m’attendent. Je m’incline pour embrasser une grande tante. Elle se détourne. « Ne m’embrasse pas ! » Ce serait mal vu.

Je découvre les nouvelles coutumes de mon pays. Par exemple, il est interdit à un homme d’être seul en voiture avec une femme qui ne soit pas sa mère, sa soeur ou sa femme. Sur le chemin de l’aéroport, j’aperçois la tour Azadi, notre tour Eiffel. Quand j’avais huit ans, elle me semblait gigantesque. Je la trouve petite. Les piétons traversent l’autoroute, les voitures conduisent sur les trottoirs. Et personne ne dit rien, aucune plainte. C’est le bordel et tout le monde se résigne. Le lendemain de mon arrivée : un taxi m’emmène en pèlerinage à la maison de Grand-père. Mais il n’y a plus de maison. Elle a été remplacée par un immeuble de douze étages. Je fais le tour du quartier. Je ne reconnais plus les rues. Les noms sur les interphones ne me disent rien. Je suis un étranger chez moi. Je pleure.

« Pourquoi vous pleurez, monsieur ? m’interroge le chauffeur de taxi.

– C’est une longue histoire…

– Vous voulez voir autre chose ?

– Pour aujourd’hui, ça va. Peut-on rentrer à l’hôtel, s’il vous plaît ? »

Si, durant les premiers mois, mes journées sont oisives, mes soirées sont très occupées. Je reçois deux invitations par jour. Je deviens l’attraction de la bonne société de Téhéran. Pensez donc ! Le petit-fils de Chapour Bakhtiar. Chaque convive auquel on me présente me pose la même première question : « Comment a-t-on pu te laisser, toi, entrer dans le pays ? » Puis, on m’interroge sur le train de vie de Grand-père, comment s’occupait-il dans cette grande maison de Suresnes, etc. Au-delà du seul souvenir de ma famille, les gens les plus aisés vivent dans le passé. Ces rescapés de la révolution islamique portent le costume cravate dans les cocktails, font semblant de croire que le Shah nous gouverne toujours, ils ressassent. Leurs fêtes sont tristes. Pour ma part, les soirées sont l’occasion de me familiariser avec cet Iran que je ne connais plus. Ceux qui ne sont pas perdus dans le passé sont obnubilés par les problèmes du présent. Les conversations tournent autour de l’inflation, de l’immobilier, des lenteurs bureaucratiques, etc. J’enregistre les métiers de mes interlocuteurs dans l’espoir de découvrir quelqu’un d’intéressant.

Hélas, ce sont surtout des professions libérales, je désespère de rencontrer un proche du pouvoir. Il me faut un religieux. Il n’y en a pas dans ces soirées. En revanche, les dévergondées, affluent. Lorsqu’une femme passe la porte de la maison où se tient la réception, elle se métamorphose, tombe le hidjab, accentue le décolleté, raccourcit sa jupe. Surtout, elle n’hésite pas à draguer les mecs. On m’avait prévenu que ceux venant de l’étranger constituaient des cibles privilégiées. Étant « fils de », banquier à Monaco et à Londres, célibataire, je m’attendais à être sollicité. Mais pas à ce point. J’ai l’impression d’être Brad Pitt entrant chez Régine. On me harcèle de questions : « Combien de temps vas-tu rester ? » « Est-ce que tu as une copine ? » « Est-ce que ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? » « Est-ce qu’elle est importante dans ta vie ? » La première fois, je suis un peu gêné. La discussion prend rapidement un tour intime, les relations évoluent très vite. Car à minuit, les invités quittent leurs hôtes. À partir d’une heure du matin, la police accentue ses contrôles routiers. Une femme seule est systématiquement arrêtée. Les agents vérifient en premier lieu si elle ne cache pas de préservatifs dans son sac. Du coup, les soirées démarrent dès 19 heures, et les femmes ne traînent pas pour « attaquer ».

L’essentiel consiste à échanger les numéros de téléphone. Lors de ma première fête, une trentenaire en talons aiguilles m’aborde. On parle de mes études, des universités anglaises. Elle : « Mon petit frère voudrait y aller. Ça vous dérange si je vous donne mon numéro de téléphone? Vous pourriez m’appeler et je vous le passerais pour que vous lui racontiez votre expérience anglaise ? » Quand je la rappelle comme convenu, il n’est plus question du petit frère. Nous allons nouer une relation, mais d’abord, il faut attendre que je trouve un appartement. Il est, bien sûr, hors de question de se voir à l’hôtel et une femme n’a pas le droit de vivre seule. Donc, les rendez-vous galants se déroulent chez l’homme, l’après-midi.

Comme ça, la femme peut justifier son absence auprès de sa famille en prétendant avoir été retardée par des embouteillages ou du shopping. Il faut être vigilant sur tout. Ainsi, lorsque j’accompagne un ami à des soirées homosexuelles – les meilleures de Téhéran, entre nous soit dit –, le DJ passe de la musique techno ou du hip-hop iranien très critique vis-à-vis du pouvoir, mais uniquement dans les sous-sols des maisons particulières pour étouffer le bruit. Et pour s’éviter les soucis, les homosexuels payent des bakchichs au chef de la police locale qui, du coup, envoie des patrouilles s’assurer que des agents d’autres services ne passent pas dans le quartier où a lieu la sauterie. Y compris dans les soirées beaucoup plus guindées que celles organisées par mes amis homos, je suis étonné par la consommation de drogues. Bien sûr, dans mon enfance, j’ai vu les adultes prendre de l’opium mais là, c’est différent. Les joints circulent en permanence. En fait, tous les invités, ou presque, apportent leurs propres drogues et les femmes, là encore, ne sont pas les dernières. Lors d’une fête, j’ai vu quelqu’un passer sa nuit à préparer des lignes de cocaïne dans la cuisine. C’est surtout l’ecstasy qui foisonne. Quelles que soient les classes sociales, les gens prennent des pilules au vu et au su de tous. Et croyez-moi, ce n’est pas de l’aspirine !

Bien sûr, l’alcool coule à flot. La tequila, pour commencer. C’est la dernière mode là-bas. Avant même que vous n’ayez enlevé votre manteau, on vous oblige à mettre du sel et du citron sur la main et boire un « shot » pour vous mettre dans l’ambiance. Ensuite, on passe à l’aragh sagi, littéralement « alcool de chien » qui désigne une potion faite maison. Imbuvable… Officiellement, l’alcool est interdit, les femmes n’ont pas le droit de côtoyer des hommes sans être voilées. Mais la nuit, à l’abri des censeurs, tous les chats sont gris.

Extraits de "Moi, Iranien, espion de la CIA et du Mossad", de Djahanshah Bakhtiar publié aux Editions du Moment (2014). Pour achter ce livre, cliquez ici

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