Détention record de cash par les entreprises françaises : un symptôme supplémentaire d'une crise de la demande<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, les entreprises n’ont jamais détenu autant de liquidités
En France, les entreprises n’ont jamais détenu autant de liquidités
©Reuters

Symptômes

Malgré la crise les entreprises françaises disposent d'une trésorerie enviable qu'elles n'investissent pourtant pas. Et préférer s'asseoir sur ses liquidités témoigne d'une crise des carnets de commande.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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C’est le grand paradoxe "apparent" de la crise ; les entreprises n’ont jamais détenu autant de liquidités. Ainsi, selon Moody’s, les entreprises américaines détenaient 1.64 trillion de dollars américains à la fin de l’année 2013, en cash. Soit une hausse de 12% par rapport à l’année antérieure. 

La première surprise concernant ce montant est son extrême concentration. Si les entreprises sont riches, cette richesse globale est distribuée de façon très inégale. Le secteur des technologies détient 638 milliards à lui seul, soit près de 40% du total. A l’intérieur de ce secteur, seule une poignée d’entreprises rafle la mise. Les sociétés Apple, Microsoft, Google, Verizon et Pfizer disposent de 404 milliards, soit environ 25% de l’enveloppe globale.

Pour la première d’entre elle, Apple, ce sont 159 milliards c’est-à-dire 10% des liquidités totales des entreprises non financières qui sont à sa disposition. Le plus incroyable étant qu’au cours de l’année 2013, l’accumulation de cash par Apple a contribué à 64% de la hausse globale. 22 milliards de plus au cours d’une seule année. 

Mais cette situation doit être pondérée. En effet, si les entreprises non financières américaines détiennent de tels niveaux de liquidités, cela ne les empêche pas d’investir. Car si les montants investis par ces entreprises avaient chuté de plus de 20% entre  2008 et 2009, passant de 1300 milliards à 1000 milliards de dollars, ils ont progressé de 60% depuis lors. Affichant un niveau de 1600 milliards à la fin 2013. Soit une progression de plus de 20% entre avant et après la crise. Une situation qui tranche nettement avec la France.

En effet, le niveau des investissements des entreprises non financières a été parfaitement stable entre 2008 et 2013. Si l’année 2008 fut un record avec 250 milliards investis, la progression n’a pas suivi le même chemin que pour les entreprises américaines. Par contre, concernant le cash, la situation n’est pas très différente.

Entre 2008 et le premier trimestre 2014, les dépôts des entreprises non financières françaises ont progressé de 200 à 380 milliards d’euros, passant de 10% à 18% de la valeur du PIB du pays, selon les données fournies par la Banque de France. 

Une situation qui fut analysée par Euler-Hermes à la fin 2013 :

"Les entreprises françaises disposent toutefois de bons fondamentaux. En particulier, elles sont dotées d’une structure financière solide, comptabilisant en moyenne 40% de fonds propres contre par exemple 37% pour les entreprises allemandes". 

[...]

"Dans trois cas sur quatre, les entreprises déclarent avoir amélioré ou stabilisé leur trésorerie en 2013, témoignant ainsi d’une meilleure gestion financière." 

De la même façon, le 15 juillet 2014, Coe-Rexecode publiait son baromètre de la trésorerie des entreprises en indiquant :

"Une large majorité des trésoriers de grandes entreprises et d’ETI juge aisée la situation de leur trésorerie d’exploitation. L’enquête de juillet poursuit l’amélioration tendancielle observée depuis l’été 2013. (…) La tendance est comparable en ce qui concerne l’appréciation de l’évolution de la trésorerie globale. Celle-ci serait sensiblement améliorée courant juillet."

Une crise, une situation de trésorerie enviable, et pas d’investissements. Ce triptyque est une bonne base pour se permettre d’accuser les banques : "Les banques ne prêtent pas à l’économie réelle !". Mais selon les données fournies par la Banque de France, cette situation n’est tout simplement pas vraie. 89% des nouveaux crédits à l’investissement demandés par les petites et moyennes entreprises sont octroyés par les banques. Le problème est ailleurs. Ce sont les entreprises qui ne demandent pas de nouveaux crédits. Et celles qui font encore du profit empilent le cash, faute de débouchés. 

S’il est facile de crier au scandale en pensant que les entreprises n’investissent pas simplement par plaisir de compter les billets, la réalité est un peu différente. Car détenir du cash aujourd’hui équivaut à s’assoir sur une quelconque rentabilité. Les dépôts ou autres obligations ne permettent pas de générer quelques profit que ce soit, une promesse de 0%. La gravité de la situation économique, des perspectives de croissance, est suffisante pour inciter les preneurs de risques naturels de l’économie à n’en prendre aucun. Mieux vaut ne rien gagner, ne prendre aucun risque, que d’investir dans ce futur.

Une situation résumée par Euler-Hermès :

"80% des entreprises citent l’anticipation de l’activité future comme principal déterminant de leurs décisions d’investissement, loin devant les conditions de financement (10%) ou les aides publiques (10%). De plus, près d’une entreprise sur deux déclare une visibilité inférieure à six mois sur son carnet de commandes, et pour une entreprise sur trois, cette visibilité est inférieure à trois mois."

Les piles de cash des entreprises ne sont pas un scandale. Elles ne sont que le symptôme d’une crise de la demande, c’est-à-dire des carnets de commande. 

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