“Lettre ouverte à ceux qui nous gouvernent et nous prennent pour des c…” : le livre qui s’attaque aux troubles affaires de la République<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans un livre incisif, Marc-Pierre Stehlin, avocat au barreau de Paris dénonce la caste des énarques et polytechniciens incapables de réformer la France
Dans un livre incisif,  Marc-Pierre Stehlin, avocat au barreau de Paris dénonce la  caste des énarques et polytechniciens incapables de réformer la France
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Portrait au vitriol

Dans un livre incisif, Marc-Pierre Stehlin, avocat au barreau de Paris dénonce la caste des énarques et polytechniciens incapables de réformer la France. Il revient aussi sur la mort, en 1975, de son père, le général Stehlin, des suites d’un accident de la circulation à Paris. Une thèse officielle à laquelle l’avocat ne croit absolument plus. Il en fournit les raisons.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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C’est un ouvrage, plutôt un pamphlet de 124 pages, que nos politiques devraient absolument lire, eux qui goûtent, sans faire de poujadisme, à de longues vacances. Il a pour auteur un avocat de renom qui a déjà fait une (petite) incursion dans le monde politique. Il est le fils d’un général d’armée aérienne, mort des suites d’un accident de la circulation survenu le 6 juin 1975, avenue de l’Opéra à  Paris… S’agissait-il d’un accident ? Officiellement, oui. Nous en reparlerons. Cet avocat, également vice-président de la Fondation Concorde – think tank qui réunit experts, chefs d’entreprise et universitaires – s’appelle Marc-Pierre Stehlin. Dans son livre au titre provocateur paru récemment, "Lettre ouverte à ceux qui nous gouvernent et nous prennent pour des c…", (Le Passeur-Editeur, 15,90 euros) l’auteur, authentique libéral, critique pêle-mêle, une société de plus en  plus individualiste, des classes sociales de plus en plus étrangères l’une à l’autre, l’appât du gain comme unique motivation, une centralisation des pouvoirs, un risque de désintégration sociale et un manque de projet collectif…

Qui ne  souscrirait à un tel constat ? Pas un seul élu de la République. Pas un seul grand patron. Pas un seul professeur d’université. Pas davantage un haut fonctionnaire qui graviterait du côté de Bercy… Bref, à en croire Stehlin, notre société serait sclérosée, incapable de se réformer parce qu’en butte aux corporatismes de toutes sortes. Il n’a pas tort. Ce qui lui fait écrire que nous serions en 1788. Ainsi donc, surprise, notre avocat rejoindrait dans son analyse Jean-Luc Mélenchon le leader du Front de gauche ! C’est vrai. Mais c’est le seul point commun entre les deux hommes. Car l’avocat Stehlin n’a rien d’un égaré, on l’a compris, qui lorgnerait du côté du marxisme ou du collectivisme. Au contraire. Non, ce qu’il dénonce avant tout, ce sont nos élites… qui se délitent, incapables de choisir le modèle économique dans lequel  nous devrions vivre. Drôle de pays que la France. Alors que pratiquement tous les Etats européens ont opté pour un système libéral, y compris l’Allemagne, la France reste dans l’incertitude. Paralysée qu’elle est par l’opposition récurrente entre la droite et la gauche… Aussi est-ce sans surprise, que depuis des lustres, les majorités parlementaires ne parviennent jamais à appliquer la politique pour laquelle elles ont été élues. Dans l’Hexagone, pragmatisme, connaît pas. A l’inverse de notre voisin d’outre-Rhin, qui parvient à  mener une politique pour le bien commun grâce à un consensus entre le SPD (sociaux –démocrates) et la  CDU (chrétiens-démocrates).

Seulement voilà : n’est pas Angela Merkel qui veut. A ce blocage institutionnel très français, s’en ajoute un autre, ontologique à la Vème République, surtout depuis mai 1974, avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République : l’exercice monarchique du pouvoir par une caste (dans tous les domaines, Etat, grandes entreprises)  issue tantôt de l’ ENA , de l’Ecole polytechnique – ou les deux à la fois. Sûre d’elle, souvent déconnectée des réalités, on a cru qu’avec Nicolas Sarkozy, elle serait mise sinon sur la touche, tout du moins verrait son aura diminuer. Il n’en a rien été. Elle est même, selon Stehlin, grand admirateur de Tocqueville, revenue en force. Et de citer la promotion Voltaire de l’ENA, à laquelle appartient François Hollande, qui détient un pouvoir considérable dans le pays. Parmi ses membres, figurent Ségolène Royal, Michel Sapin, l’un des plus  vieux amis du président, Henri de Castries (AXA), Jean-Pierre Jouyet, lui aussi complice du président, qui vient de le propulser secrétaire général de l’Elysée, Stanislas de Laboulaye (ex-ambassadeur à Moscou), Pierre-René Lemas, ancien secrétaire général de l’Elysée qui a succédé à Jouyet à la tête de la Caisse des dépôts et consignations… Cette "élitocratie", selon les termes de Stehlin, est unique au monde. Ses membres sont tous du même moule. Tête bien faite. Esprit rapide, souvent brillant. Culture de bon aloi. Et alors ? Souvenons que sous la Vème République, sur les 7 présidents, 3 étaient énarques, (Giscard d’Estaing, Chirac, Hollande) deux étaient avocats (Mitterrand, Sarkozy), un était normalien (Pompidou) et un autre général (de Gaulle)…

Au détour d’un ouvrage incisif, complété par des formules choc  adressées à nos élites conservatrices du genre "vous prétendez préparer l’avenir, mais vous nous ramenez à 1788", Stehlin en profite  pour rendre hommage à son père, le général Paul Stehlin mort tragiquement en  juin 1975, renversé par un autobus avenue de l’Opéra… Jamais la moindre enquête ne sera ouverte. Député (centriste) du 16ème arrondissement de Paris, seul à ne pas être élu UDR de la capitale, le général s’était illustré en adressant en 1974 une note au président Giscard d’Estaing dans laquelle il exprimait sa préférence pour les avions militaires américains General Dynamics et  Northrop – dont Stehlin, fait connu et public, avait été consultant de 1963 à 1966 – au lieu des Mirage F1 de Dassault. Ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, le général avait rédigé cette note parce qu’à ses yeux, les avions américains étaient techniquement supérieurs aux F1 tout comme leur rapport coût-efficacité. Un point c’est tout. Cette franchise aura  des conséquences terribles. Paul Stehlin sera  considéré comme un traître et un salaud travaillant contre les intérêts de la France. Campagne indigne. Quelques temps après, rapporte son fils, son père sera averti par le SDECE – l’ancêtre de la DGSE – que l’on préparait  quelque chose "d’envergure" contre lui. La haine gagne jusqu’à l’Assemblée nationale. Le député est contraint de démissionner de son groupe pour siéger chez les non-inscrits. Jusqu’à ce fatidique 6 juin 1975… Neuf mois plus tôt, le 6 septembre 1974, en pleine tempête contre le général Stehlin, son fils avait essuyé un coup de feu tiré sur sa voiture alors qu’il circulait sur l’autoroute de l’Ouest  pour se rendre à Poissy. Voulait-on donner un avertissement au fils, qui sera gravement blessé à l’œil gauche, avant de se débarrasser du père ?  L’hypothèse n’a rien d’absurde... Comment croire, quarante ans après ce drame, que le général a réellement été victime d’un banal accident de la circulation ?

“Lettre ouverte à ceux qui nous gouvernent et nous prennent pour des c…”, de Marc Pierre Stehlin, éditions Le Passeur (mars 2014)

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