Plan Royal de lutte contre le gaspillage et d’amélioration de la qualité de l'eau : tour d'horizon des pistes les plus innovantes en la matière<!-- --> | Atlantico.fr
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L'eau est trop gaspillée en France.
L'eau est trop gaspillée en France.
©DR

L'or bleu souterrain

La ministre de l’Écologie Ségolène Royal a présenté mercredi 23 juillet des mesures pour renforcer l'efficacité de la politique de l'eau, critiquée notamment pour son manque de résultats dans la lutte contre les nitrates et les pesticides.

Max Falque

Max Falque

Max Falque est consultant, spécialiste des problèmes d'environnement, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Il a notamment publié un ouvrage sur la régulation de la consommation d'eau par l'échange de droits, L'eau entre réglementation et marché aux éditions Johanet

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Atlantico : Ségolène Royal s'est exprimée mercredi 23 juillet sur la nécessité d'améliorer la gestion de l'eau en France, et de "renforcer la prévention en matière de qualité de l'eau". Si le constat est effectivement alarmant, avec près d'un milliard de mètres cube gaspillé par an, de quelles mesures parmi les plus innovantes pourrions-nous nous inspirer pour en améliorer la gestion ?

Max Falque : Aujourd'hui, les ressources aquifères sont exploitées collectivement et encadrées par des réglementations plus ou moins efficaces. En fait, l'eau a souvent le statut de "res nullius", c'est-à-dire qu'elle est à la disposition de ceux qui la prélèvent souvent sans aucune restriction en raison des difficultés de mise en œuvre de réglementations parfois inadaptées. Je pense qu’il convient donc d’en réglementer strictement l’usage (voire souvent le non-usage) par les ayants droits et, le cas échéant, en transférer la propriété aux pouvoirs publics.

Les recherches engagées au niveau mondial depuis les années 1980 mettent en évidence que la plupart des ressources environnementales peuvent sous certaines conditions faire l’objet d’échanges ce qui présuppose l’existence ou l’attribution de droits de propriété ou d’usage.

Une des mesures innovantes consisterait alors à faire de l’eau un bien dont on peut jouir sous forme de quota. Les professionnels qui ponctionnent de grosses quantités d’eau comme les industriels ou les agriculteurs pourraient se servir en fonction de leurs besoins préalablement identifiés. On a pu voir qu’aux Etats-Unis ou en Australie, cette pratique permettait d’optimiser la gestion de l’eau. D’une part parce que la ressource n’était plus infiniment abondante, mais aussi parce que ceux qui, par une très bonne utilisation de l’eau, n’atteignaient pas leurs quotas, pouvaient revendre le surplus aux autres. C’est donc un cercle vertueux

Qu'est-ce que cela impliquerait, a-t-on vraiment les moyens de les mettre en place ?

La question centrale est de savoir si les institutions actuelles, essentiellement fondées sur une réglementation centralisée, sont susceptibles de régler tous les problèmes de quantité et de qualité de l’eau. La réponse est donnée par la Cour des Comptes qui, dans son rapport de 2010, considère que la politique de gestion de l’eau n’était pas assez efficace. Dès lors trois voies sont possibles : soit renforcer une réglementation déjà considérable et parfois contreproductive, soit imaginer des solutions fondées sur l’échange et le marché, soit évoluer en combinant les deux approches. Bien entendu cette troisième solution est souhaitable car elle tient compte de la réalité institutionnelle de notre pays. Par ailleurs à la lecture des textes il est clair que les marchés de l’eau ne peuvent se mettre en place qu’encadrées par une réglementation efficace. Ceci est attesté par le fait que les pays les plus avancés sur cette voie, à savoir l’Australie et les États-Unis, disposent d’un encadrement institutionnel solide et contraignant.

Notre pays, connu pour être le champion de la réglementation en matière environnementale aurait-il fait l'impasse sur ce thème ?

La législation est dotée d’outils suffisants, et même au-delà du nécessaire. Mais elle mobilise des moyens considérables pour être mise en place, et montrent de plus en plus leur efficacité dans les déchets.

On a pu voir dans l'actualité récente de nombreux problèmes liés à la pollution de l'eau. Où se situe vraiment le problème ? Pourquoi est-il aujourd'hui si difficile d'appliquer la règlementation ?

Les algues vertes sont le sous-produit de l’élevage de porcs intensif qui voit ses déchets déversés sans assainissement et sans épuration suffisante. Mais l’administration a déjà du mal à contrôler la pose effective des compteurs sur les forages, et elle ferme les yeux sur le non-respect de sa propre règlementation. Il faut donc recourir à l’autre solution, à savoir l’appropriation de la ressource et le recours au marché, dont les prix traduisent la rareté. Il est clair que si les prix de l’eau avaient été multipliés par trois en deux ans, comme pour le pétrole, il n’y aurait pas de crise. Plus précisément, l’eau aurait été économisée et affectée aux usages les plus utiles. On sait depuis le fameux article de Garrett Hardin, "The Tragedy of the Commons" (1968), que toute ressource en libre accès est vouée à la destruction. Or c’est le cas des aquifères dont l’exploitation ressemble à celle de trois enfants armés de trois pailles qui se disputent le contenu d’une bouteille de soda ! Le gros mot est lâché : "droits de propriété". Est-ce possible pour l’eau ? Pas si simple, car on connaît mal le fonctionnement des gisements aquifères. Pourtant, c’est possible pour le pétrole car celui-ci a une valeur de marché alors que l’on continue à considérer l’eau comme gratuite et "bien commun de l’humanité". C’est le plus sûr moyen détruire une ressource !

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