Le congé paternité, faux-ami des mères

Atlantico : Les Suédois sont les pères les plus habitués à prendre des congés parentaux lors de la naissance de leur enfant, une idée qui a germé il y a 50 ans. Aujourd'hui 90% des pères suédois prennent des congés à cette période. Quels bienfaits cela apporte t-il à l'enfant ? Est-ce un moyen de responsabiliser le père dans l'éducation de son enfant ?

Isabelle Germain : Il y a évidemment des bienfaits pour l’enfant, il est toujours mieux pour l’équilibre de celui-ci d’avoir deux parents à ses côtés plutôt qu’un. C’est aussi un moyen de responsabiliser le père, il se sent plus impliqué, cela lui permet de s’habituer. Aujourd’hui en France, les pères n’ont que 12 jours de congés, c’est trop peu pour apprendre à s’occuper d’un enfant. L’arrivée d’un enfant, c’est beaucoup de nouveautés, les premiers temps, l’enfant change sans cesse. Les pères qui prennent des congés et des longs congés sont plus compétents pour s’occuper de leur progéniture.

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Ces congés favorisent-ils le partage des tâches ménagères, et plus généralement la progression de l’égalité hommes-femmes?

Oui, c’est le but. Si c’est l’homme qui reste à la maison pour s’occuper de l’enfant, théoriquement il devrait aussi prendre en charge les tâches ménagères, ce qui n’est pas toujours évident car il y a une pression sociale, le poids des traditions… Cela peut bien évidemment contribuer à rendre effective l’égalité entre les hommes et les femmes. La Suéde est au plus au niveau concernant l'égalité hommes-femmes.

Les pères qui ont eu plusieurs enfants sont-ils discriminés sur le marché du travail ? Un congé paternité peut-il ralentir une carrière professionnelle ?

En suède, ils ne le sont pas, cela fait partie de la vie, les entreprises le savent et s’adaptent. Qu’elles embauchent un homme ou une femme, elles seront confrontées à ce congé et s’organisent en conséquence.

En France, où la culture de l’entreprise est encore tres masculine et patriarcale, on considère que c’est un handicap, nous sommes encore à l’époque ou les femmes restent à la maison pour s’occuper du bébé et où le mari travaille pendant ce temps. Les femmes sont ainsi pénalisées si elles prennent des congés parentaux, sauf dans la fonction publique. Les mentalités sont en retard. Mais pas la loi. Une loi votée en 2006 dispose que les femmes qui reviennent de congés maternité doivent bénéficier d’une augmentation individuelle proportionnelle à la moyenne des augmentations individuelles des services. donc normalement elles ne devraient pas être pénalisées. Or le plus souvent elles ne connaissent pas cette loi et les entreprises font mine de ne pas la connaître non plus. La loi qui vient d’être votée en France est une avancée. Elle prévoit pour le premier enfant 6 mois de cp,gés pour chacun des parents. Si l’un d'eux décide de ne pas prendre ce congé, alors il est perdu. Cette loi va inciter les deux parents à prendre des congés, les entreprises devront donc s’organiser ; l’idée est mettre sur un terrain d’égalité les hommes et les femmes face à la question du congé parental.

Quels autres changements un congé paternité peut-il entraîner ?

Les changements sont surtout vis-à-vis des employés. Aujourd’hui ce qui pénalise les femmes, c’est que les employeurs se disent qu’elles vont prendre des congés parentaux, qu’ils devront s’organiser, etc. Si demain l’employeur sait que les hommes peuvent prendre ces congés comme les femmes, les femmes seront moins discriminées.

Pour inciter les pères à prendre des congés, la Suède a développé des avantages financiers. Pourquoi les pères sont-ils plus réticents à prendre des congés ? Le besoin d'argent est-il la seule raison ? 

Le côté financier joue également mais le plus important facteur est la pression sociale, l’image et les stéréotypes. Il est vrai que l’identité d’un homme auprès des autres se joue majoritairement par sa réussite professionnelle. Pour une femme c’est par la capacité à jongler entre sa vie de mère et sa vie professionnelle. Les réticences sont d’ordre culturel. Qui plus est, l’homme a le beau rôle : il peut profiter de ses enfants le soir sans en avoir les inconvénients, même si bien sûr, il passe à coté de beaucoup de choses, et peut regretter de n’avoir pas passé assez de temps avec ses enfants sur le long terme.