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L’affaire DSK s’est achevée sur le plan judiciaire mais devrait continuer sur le plan civil.
L’affaire DSK s’est achevée sur le plan judiciaire mais devrait continuer sur le plan civil.
©Reuters

L'histoire sans fin

La justice américaine a tranché : les poursuites pour crimes sexuels contre Dominique Strauss-Kahn sont abandonnées. Reste le volet civil qui pourrait durer de nombreux mois...

Arnaud Péricard

Arnaud Péricard

Arnaud Pericard est Avocat aux barreaux de Paris et de New York (USA).

Il est associés fondateur du cabinet Chevalier pericard Connesson & Associés de puis 2005.  

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Atlantico : Peut-on désormais affirmer que l’affaire DSK est finie, suite à l'abandon des poursuites à son encontre pour crimes sexuels ?

Arnaud Péricard : L’affaire DSK s’est achevée sur le plan judiciaire mais devrait continuer sur le plan civil. La plainte au civil a été déposée dans une juridiction du Bronx, très encombrée par beaucoup de dossiers. Malgré le fait que la justice américaine soit bien plus rapide que la justice française, cela pourrait tout de même durer de six mois à un an.

Comment expliquer cette contradiction entre le fait d’être jugé irresponsable pénalement et de continuer à être inquiéter au niveau civil ?

Il y a effectivement une distinction entre les deux procédures qui n’existe pas en France. La plupart du temps, les plaintes au pénal sont suivies de constitution de partie civile et donc de réparations. Aux États-Unis, on estime que l’on peut être pénalement irresponsable mais responsable au civil, encore faut-il qu’il y ait un préjudice qui puisse être avérer.

Il faut avoir en mémoire une précédente affaire, celle d’OJ Simpson. Ce footballeur américain accusé du meurtre de sa femme avait été innocenté dans le cadre de son procès pénal, mais avait eu à faire face à une condamnation très lourde au civil.

Dominique Strauss-Kahn peut-il se retourner contre la plaignante et contre le bureau du procureur ?

A partir du moment où il a été mis sous contrôle judiciaire, et que ce contrôle judiciaire a été assorti de contraintes onéreuses très lourdes sur le plan financière et logistique, il pourrait engager un « claim » contre le bureau du procureur de New-York pour demander réparation. Je ne pense pas qu’il le fera, une demande de dommages et intérêts pourrait tarder et il n'a pas intérêt à rester coincé dans ce bourbier.

Si Dominique Strauss-Kahn estime que la plainte initiale n’était pas fondée et qu’elle a engendré un certains nombres de préjudices, il peut se retourner à l’encontre de la plaignante. Mais je vois mal, dans les faits, ce genre de plainte aboutir. C’est inimaginable.


L’abandon des poursuites aux États-Unis peut-il avoir une influence sur les affaires en cours en France ?

Je crois que tout cela est en train de faire « pschitt ». On voit bien que la plainte pour viol de Tristane Banon est sur le point d’être classée sans suite. Cela n’est pas surprenant. Le système judiciaire français ce n’est pas la roulette russe. Il faut des éléments concrets. Aller porter de telles accusations des années après, alors qu’il est quasi impossible de prouver la réalité de ces faits, me parait complètement surréaliste et opportuniste.

A partir du moment où le volet pénal américain se referme, les juridictions pénales françaises seraient mal enclin de lancer un certains nombres d’enquêtes préliminaires ou de poursuites pour des faits qui ne seraient pas avérés.

En quoi l’affaire DSK illustre-t-elle les différences entre les systèmes judiciaires français et américains ?

Le droit américain est un droit efficace, rapide, où la victime tient une place prépondérante. Ce n’est pas véritablement le cas en France : il a fallu attendre les lois Badinter au début des années 1980 pour que la victime soit placée au cœur du système judiciaire. En France, on a beaucoup opposé la méthodologie utilisée aux États-Unis à celle qui domine en France. Beaucoup de gens se sont posé la question : si les faits s’étaient déroulés en France, que ce serait-il passé si la plaignante s’était retrouvée dans un vulgaire commissariat, ou une gendarmerie de quartier ? Évidemment la machine aurait mis bien plus de temps à se mettre en marche.

Cependant, on a vu dans l’affaire Georges Tron une mise en en examen et un début de garde à vue très rapide après que les plaintes aient été déposées. On est en droit de se demander si il n’y a pas eu, du fait de cette affaire Strauss-Kahn, une tentative de la part de la juridiction répressive de recoller les morceaux. Il y a eu clairement un phénomène de rattrapage car ils avaient peur de souffrir la comparaison.

Nafissatou Diallo pourrait déposer plainte, en France, contre un des adjoints de François Pupponi, maire de Sarcelles, pour tentative de subornation de témoin. Comment expliquer ce geste ? 

Tout cela ressemble fort a de la gesticulation pour ne pas perdre la face en raison de l’abandon des poursuites. On peut toujours porter plainte mais encore fait-il étayer cette plainte avec des éléments ? Or, en l’état de nos connaissances, aucun élément tangible n’a été avancé.

On peut aussi se poser la question de l’intérêt à agir pour Me Thomson : au mieux peut-il porter à la connaissance du ministère public des faits de nature à constituer une infraction pénale mais je ne vois pas sur quel fondement il pourrait porter plainte. En l’espèce, je ne pense pas qu’il y ait de la porosité entre les systèmes judiciaires français et américains : l’histoire montre que ceux-ci ont toujours eu du mal à collaborer dans le passé et sont méfiants l’un de l’autre.

Et est-ce possible pour Nafissatou Diallo d’attaquer pénalement en France Dominique Strauss-Kahn ?

Oui – on trouvera toujours une disposition théorique du code pénal pouvant s’appliquer – mais on voit mal le ministère public diligenter une enquête : comment la réaliser ? Avec quels moyens ?  Comment avoir accès aux pièces du dossier ? Aux témoins ? En plus cela exposerait Mme Diallo, si elle était plaignante et que cette procédure ne donne rien, a une plainte en dénonciation calomnieuse.

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