Jours tranquilles à Barbès : quand le quartier n’est pas en feu, marché aux voleurs, drogue et vols à la portière animent le 18ème arrondissement<!-- --> | Atlantico.fr
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Barbès, nouveau lieu où la violence s'installe ?
Barbès, nouveau lieu où la violence s'installe ?
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Terreau de feu

Samedi 19 juillet dans le quartier de Barbès une manifestation pro-palestinienne - pourtant interdite par le ministère de l’Intérieur - a dégénéré. Des scènes de guerre opposant police et manifestants ont eu lieu. Pour la seule compagnie CRS n°31, 34 de ses membres, soit la moitié de l’effectif, ont été fortement contusionnés. Déjà le 2 juillet, 2 à 300 personnes avaient caillassé les forces de l’ordre, dans une indifférence quasi générale. Ce qui témoigne de la violence de l’affrontement ce 19 juillet entre 15h40 et 18h25. La violence s’installerait-elle à Barbès ? Premier volet.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Pour la seule journée du 1er juillet, une vingtaine de "vols à la portière" a été recensée à Barbès dans le 18e arrondissement de la capitale.
  • On trouve tout au "Marché aux voleurs" : des survêtements Lacoste à 20 euros et vélos Décathlon à 50 euros
  • A la station de métro Château Rouge, on trouve du crack…  A 10 ou 20 euros le pochon. Payable en… ticket restaurant !

Sur le boulevard de La Chapelle, pour la seule journée du 1 er juillet, une vingtaine de "vols à la portière" a été recensée. Le principe est simple : un premier individu se poste à un feu rouge. Guette une voiture conduite par une seule personne et hop ! un complice ouvre la porte avant droite pour saisir un sac imprudemment posé sur le siège. Parfois, c’est le conducteur – plutôt la conductrice – d’un scooter qui se voit délester d’un objet… Cette mésaventure, une jeune femme en a fait les frais. Arrêtée à un feu rouge avec son scooter, un sac à main sur ses genoux laissant apparaître des écouteurs blancs d’un Iphone, elle ne pouvait que susciter des convoitises… Ce qui est arrivé, quand selon le rapport de police, "un individu, vêtu d’un jean bleu, d’un sweat à capuche et d’une sacoche noire", a alerté un complice sur l’aubaine. Ce dernier a fait ni une ni deux : il s’est emparé de l'Iphone. Hélas, pour eux, la police veillait. Ils ont été pris en flagrant délit. Ils sont SDF. Tous deux disent être nés à Tunis et déclarent ne pas avoir de pièce d’identité. Pas moyen de vérifier. Celle qu’il donne atteste qu’ils sont, comme on dit, inconnus des services de police. Ils ne risquent rien. Jusqu’à une prochaine interpellation. A peu près au même moment, non loin de là, près de la Place Caplat, la conductrice d’un véhicule utilitaire rouge, est bloquée dans la circulation.

Un jeune homme, T Shirt et Short noir le surveille depuis quelques minutes. Quand, subitement, il ouvre la portière avant droite, et s’empare violemment d’un objet qui se trouve sur la conductrice…Puis, il prend la fuite. Direction : la rue de la Goutte d’Or. Les policiers, qui étaient en planque, courent après l’auteur du forfait. Non sans mal, ils le rattrapent. Le saisissent par le bras. L’homme met la main dans son short, en sort une chaîne en métal jaune et la lance dans la foule. Il se débat. Tente de prendre la fuite. Les policiers ne le lâchent pas. La foule grossit. Très énervée. Le délinquant demande qu’elle l’aide. Et le libère. Une centaine d’individus commence à charger la dizaine de policiers présents. Qui ont droit à des projectiles. Un individu lance une bouteille contre un brigadier. Un miracle si elle rase son visage avant d’éclater. L’individu en question, parvient à prendre la fuite, sans être interpellé. Mais il est identifié par un policier. Sans doute, est-il familier du lancer de bouteilles contre la maréchaussée. Des renforts arrivent. Le calme revient. Quant à l’agresseur à la voiture rouge, un SDF de 17 ans, sans papier d’identité, il fera un petit tour au commissariat avant d’être relâcher et de retrouver la rue et des victimes potentielles

Il est environ 19 heures ce 1 er juillet. Comme chaque jour, l’animation s’intensifie à quelques mètres de la Place Caplat. C’est là que s’est installé le "Marché aux Voleurs". Comme son nom l’indique, on n’y trouve que de la marchandise obtenue dans des conditions louches. Soustraites à autrui frauduleusement. Ici, on trouve des "marchands" originaires du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et depuis peu de Tchétchénie ou de Géorgie. Ce petit monde cohabite en bonne intelligence. En tout, on compte deux ou trois centaines de "marchands" qui proposent des produits à des prix défiant toute concurrence. C’est ainsi que pour 20 euros, on peut s’offrir un survêtement Lacoste, qui dans le commerce coûte dix fois plus ! Pour 50 euros ce sera un vélo Décathlon. Pour 5 ou 6 euros, une mère de famille pourra acheter un paquet de 100 couche-bébés… déjà offertes gracieusement par le Secours populaire français !

En effet, bon nombre de mères généralement de Guinée s’adressent à cette association qui les dépannent ici de couches, là de lait. Quoi d’autre encore ? Des téléphones portables. Des brosses à dents électriques. Des bijoux. Et bien sûr, on trouve les inévitables sacs Louis Vuitton contrefaits. C’est dire qu’on s’affaire beaucoup au marché aux voleurs… Et que l’on n’y rencontre des gens qui ne sont pas nécessairement dans le besoin. On a déjà vu le propriétaire d’une rutilante Jaguar charger pas mal de camelote…D’où viennent-ils tous ces marchands ? Très souvent de la banlieue parisienne, principalement, de la Seine-Saint-Denis, du Val d’Oise et de l’Essonne… Etrange marché en vérité que celui de la Place Caplat. Et dangereux aussi. D’abord parce que règne ici une zone de non droit inacceptable où prospèrent tous les trafics. Ensuite parce que ce marché contamine tout un quartier au bord de l’explosion à chaque fois que les forces de l’ordre interviennent. Enfin parce que ce marché a pris un essor inquiétant avec l’arrivée du printemps arabe en Tunisie, Libye et Syrie et qu’il n’est pas rare d’entendre quelques slogans – comme ces "Vive ben Laden", très éloignés de la conception républicaine qui doit prévaloir en France. Si le "Marché aux voleurs" devrait constituer une des préoccupations majeures des pouvoirs publics, il en est une autre tout aussi inquiétante : le trafic de crack à la station de métro Château Rouge… Chaque jour, des dealers généralement originaires de Guinée et parfois du Sénégal livrent leur dose à des clients qui vivent dans le métro. C’est ainsi que ces vendeurs d’un genre particulier, ayant toujours 7 ou 8 pochons de crack dans la bouche enveloppés dans des restes de sac poubelle, vendent leur marchandise. A un prix raisonnable : 10 à 20 euros, le pochon à des individus totalement out ! Ici, ce sont les gendarmes –2 équipes de 3 à 4 – qui surveillent la ligne. Toujours prêts à surprendre un dealer en flagrant délit de transaction.

Seulement voilà : comme du côté de Barbès-La Chapelle, les interpellations suscitent souvent réprobation et colère des voyageurs du métro. Mais quand un gendarme en explique les raisons, là les usagers se taisent. Comme un signe d’approbation ! Cette activité souterraine, dont le coup de feu se situe entre 18 et 20 heures, entraîne souvent des coupures de courant sur la ligne, certains consommateurs voire dealers ayant tendance à se réfugier le long des rails. Ce trafic est si important qu’il n’est pas rare de sentir le crack à la sortie de la station de métro Château-Rouge, ce qui n’est pas forcément conseillé pour les bébés qui se promènent en poussette avec leurs mamans ! Toujours non loin du métro, un autre va et vient troubler, surtout en fin d’après- midi, la voie publique : c’est celui des prostituées nigérianes – on en dénombrerait environ 80- qui se livrent au racolage. Après un rituel petit tour au commissariat, elles sont relâchées et reprennent leur travail… Ainsi se passe la vie quotidienne dans ce quartier de Paris. Avec ses codes. Ses coutumes. Pas vraiment conformes à la loi. Les patrons des magasins de sports aux alentours ne le démentiront pas. Eux qui souvent, assistent, impuissants, aux vols de survêtements de marque ou de chaussures de sport. Pas davantage de démentis du côté des quelques pharmacies dévalisées de produits de toutes sortes –laits pour bébés, couches- par des femmes Tchéchènes qui camouflent leurs larcins sous des robes très amples…Aujourd’hui, le 18ème arrondissement semble chaque jour au bord de l’embrasement. Le climat y est tendu. Cet après-midi du 20 juillet doit être un avertissement pour les pouvoirs publics. Grâce au sang- froid et à l’excellent travail des policiers de terrain et des gradés de la police, le pire a pu être évité. Hélas ! Chaque jour, alors que leur mission est difficile à accomplir sur l’ensemble du territoire, ils sont trop souvent montrés du doigt. L’opinion comprend mal que des individus interpellés se retrouvent dans la nature. A l’antenne de la Goutte d’Or, on a vu un délinquant revenir 17 fois en un laps de temps très court ! La Justice se doit impérativement de réagir et de sanctionner toute infraction. C’est ce qu’attendent les policiers et les citoyens.

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