Les animaux ont-ils une conscience (et si oui lesquels) ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les éléphants ont un gros cerveau, de l’ordre de quatre kilos, avec un cortex cérébral qui est le plus volumineux connu.
Les éléphants ont un gros cerveau, de l’ordre de quatre kilos, avec un cortex cérébral qui est le plus volumineux connu.
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Bonnes feuilles

La subconscience est une faculté mentale qui permet de faire, de ressentir et de penser de manière automatique, sans s'en rendre compte. Yves Agid en livre une analyse approfondie. Extrait de "L’homme subconscient", publié aux éditions Robert Laffont (2/2).

Yves   Agid

Yves Agid

Né à Nice, Yves Agid est professeur de neurologie et de biologie cellulaire, membre fondateur de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, membre de l'Académie des sciences et du Comité consultatif national d'éthique.

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Les grands singes, des petits hommes ?

Les grands singes (gorilles, orangs- outans, chimpanzés, bonobos) ont- ils vraiment de la conscience au sens où nous l’entendons (je pense que je pense) ? À moins qu’il s’agisse d’une conscience élémentaire comme celle d’un bébé qui, à l’âge de deux ans, se reconnaît dans une glace, sans qu’on puisse dire s’il a vraiment conscience de penser, de faire, ou d’exister ?

Certains comportements des grands singes sont élémentaires, stéréotypés même : mimiques, vocalises et gestes pour signifier l’épouillage, l’accouplement, l’agression, la soumission, le jeu, l’instruction des petits, etc. D’autres témoignent d’une flexibilité mentale pour s’adapter à une situation nouvelle, au point même de tenir compte de l’état d’esprit de l’interlocuteur, tels des comportements de séduction, de réclamation, etc. produits indépendamment du contexte habituel. Autant de comportements moteurs, sans paroles, qui témoignent de l’existence de capacités élaborées de communication, autrement dit d’un langage performant, mais sans paroles. Ce langage est différent de celui des humains, comme l’ont montré les nombreuses expériences faites pour apprendre le vocabulaire utilisé par les hommes à des singes. Ainsi, les bonobos peuvent apprendre des dizaines, voire des centaines de mots ; ils peuvent même faire une phrase élémentaire. Est- ce à dire que les bonobos disposent d’une représentation mentale du langage parlé, comme s’ils disposaient des aires cérébrales qui donnent un sens aux mots (sémantique) ? Et s’ils effectuaient seulement une opération servile de transposition de signes ? À l’appui de cette idée, le fait que le singe n’a pas de curiosité vis- à- vis des mots qu’il apprend. Différente est la situation du bébé homme qui apprend spontanément puis utilise les mots pour raconter des histoires. Au fond, non seulement le singe n’est pas doué pour la parole mais, de plus, cela ne l’intéresse pas. Il n’a pas d’intérêt particulier pour le mode d’expression des hommes. Ce qui n’empêche pas qu’il peut apprendre un langage, en associant sélectivement des objets ou des concepts à un mode d’expression, comme l’homme. L’homme est doué pour apprendre un langage, mais son langage s’exprime d’une manière différente de celle des singes qui ne parlent pas. N’y a- t-il pas là une certaine logique ? Imaginons la situation inverse d’un singe qui voudrait apprendre à l’homme à sauter de branche en branche…

Les singes ont d’autres qualités. Ils sont ingénieux. Ils utilisent des outils, ce qui paraît une prérogative des différents types d’Homo sapiens. Par exemple, ils peuvent casser des coquillages ou des noix entre deux pierres, attraper des fourmis à l’aide d’une baguette délicatement introduite dans une fourmilière. Ce n’est pas grand- chose, certes. Peut- être simplement parce que, à l’ordinaire, ils n’ont pas besoin d’outils… Les singes ont aussi un sens social développé, comme s’ils avaient conscience de l’existence de l’autre : respect naturel de la hiérarchie ; tendresse vis- à- vis des congénères et même compassion vis- à- vis des plus faibles ; alliance, sous forme de patrouilles guerrières, afin d’étendre le territoire. Les grands singes paraissent même deviner ce qui se passe dans la tête d’un congénère, à la différence des autres singes qui semblent tout rapporter à eux- mêmes, comme s’ils ne pouvaient se mettre à la place de l’autre. (Waal, 2006 ; Byrne et Bates, 2010.)

Les éléphants ont- ils une conscience ?

Les éléphants ont un gros cerveau, de l’ordre de quatre kilos, avec un cortex cérébral qui est le plus volumineux connu. Les neurones y sont plus gros que chez les primates mais répartis de façon moins dense. On en compte environ dix milliards dans le cortex cérébral au lieu de vingt milliards chez l’homme et six milliards et demi chez le chimpanzé. S’ils sont moins intelligents que l’homme – ce qui reste à prouver – c’est peut- être qu’il y a moins d’interactions locales au sein des circuits de neurones de sorte que le traitement des informations y est moindre que chez les primates.

Les éléphants ont pourtant des points communs avec l’homme : ils ont une longue espérance de vie, de l’ordre de soixante à soixante- dix ans ; leur descendance réclame une longue période de dépendance auprès de la mère éléphant ; ils utilisent des branches comme outils (par exemple, pour éloigner les mouches) ; ils jettent des pierres pour éloigner les importuns, etc. Ils ont aussi des comportements plus élaborés : ils manifestent des réactions de compassion devant des congénères blessés ; ils couvrent de feuilles les cadavres ; ils aident un animal à sortir d’un trou ; ils font éventuellement plusieurs tentatives pour mettre sur pied un éléphant mort. Leur mémoire est réputée : ils reconnaissent le cri particulier de plusieurs dizaines de leurs congénères, même à une très grande distance, et, dans la savane, ils sont capables de retrouver des points d’eau distants de plusieurs dizaines de kilomètres (Plotnik et al., 2006).

• Ces capacités mentales, qui rapprochent d’une certaine manière les éléphants des hommes, entrent bien dans le cadre de ce que nous sommes convenus d’appeler la préconscience. Mais y a- t-il une conscience chez l’éléphant ? Certains considérent que c’est le cas puisqu’ils peuvent se reconnaître dans une glace, en passant avec succès le « test du miroir » (table 9)…

L’astuce des corbeaux : préconscience plus que conscience

Le corbeau a un cerveau relativement grand au regard de sa taille. Comme chez le chimpanzé, le cortex cérébral y est très développé, plus gros que chez la plupart des oiseaux (sauf les perroquets). Est- ce cela qui explique leurs remarquables facultés intellectuelles (Emery et Clayton, 2004) ? Les corbeaux confectionnent des outils, par exemple pour déloger des insectes à l’aide de brindilles, qu’ils savent tordre pour s’en servir comme hameçon. Ils peuvent sculpter un objet pour attraper de la nourriture au fond d’un tube. Le corbeau sait cacher pendant plusieurs mois sur de grandes surfaces des milliers de graines qu’il peut retrouver facilement. Il y a même des oiseaux qui pillent les caches d’autres corbeaux en se rappelant ce qu’ils ont observé. Il semble aussi que le corbeau puisse mentir. Il peut, par exemple, faire semblant de cacher de la nourriture qu’il cache en la recouvrant d’herbe, de sorte qu’un autre corbeau qui observe la scène soit trompé. N’est- ce pas une véritable tromperie ?• Les corbeaux sont perspicaces, capables de raisonnement, d’anticipation, voire d’imagination (du type préconscience). Y a- t-il pour autant une conscience au sens de « je pense que je fais, j’ai conscience que je fais » ?

• Les corbeaux sont perspicaces, capables de raisonnement, d’anticipation, voire d’imagination (du type préconscience). Y a- t-il pour autant une conscience au sens de « je pense que je fais, j’ai conscience que je fais » ?

Extrait de "L’homme subconscient", de  publié aux éditions Robert Laffont, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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