Le Mont Fuji fragilisé par le grand séisme de 2011 : son éruption pourrait-elle détruire Tokyo ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Mont Fuji pourrait entrer en éruption.
Le Mont Fuji pourrait entrer en éruption.
©Reuters

Onde de choc

Le séisme de 2011 au Japon a provoqué des fissures importantes dans le sous-sol. Certaines ont touché les pieds du Mont Fuji, ce qui augmente la pression du magma et laisse craindre une éruption.

Florent Brenguier

Florent Brenguier

Florent Brenguier est sismologue à l'institut des sciences de la terre de Grenoble, il a étudié la région du volcan fiji au Japon après le séisme de 2011. 

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Atlantico: S'il venait à entrer en éruption, le Mont Fuji pourrait-il détruire Tokyo ? 

Florent Brenguier: Le principal problème que pourrait poser une éruption volcanique du mont Fuji est lié aux cendres. Selon le sens du vent, elles pourraient attendre Tokyo et recouvrir la ville de 10 à 15 cm. Des perturbations sur les éléments électroniques arriveraient et l'eau potable serait menacée, comme la santé des habitants. 

Il est pratiquement improbable que le magma arrive jusqu'à Tokyo, qui se trouve à 100 km de là. Quant aux fissures souterraines que pourrait provoquer l'éruption volcanique, elles n'atteindraient pas Tokyo. Le système volcanique s'arrête à 50 km de la mégalopole, il est donc improbables que les fissures volcaniques dépassent cette distance. 

Vous avez publié une étude expliquant que les risques d’éruption de Fuji-san ont augmenté suite au séisme de 2011. Quelle a été l'influence de ce séisme sur le volcan ? 

Nous avons commencé à étudier cette zone suite au séisme de 2011, qui a détruit une partie de Fukushima. Après le séisme, nous avons utilisé les nouveaux outils permettant de faire une échographie de la terre. Grâce aux outils présents sur le territoire, nous avons pu remonter les données jusqu'à 6 mois avant le séisme. Il n'y avait alors que très peu de variations, elles étaient pratiquement indétectables. Puis le séisme a eu lieu. D'un coup, les capteurs ont montré de très fortes variations et perturbations. On s'attendait à ce que ces perturbations seraient les plus fortes à proximité du lieu où s'est produit le séisme. Or, elles l'ont été à des endroits particuliers, que nous avons identifié ensuite comme étant les zones volcaniques du Japon. En particulier dans la zone du mont Fuji, pourtant à 500 km du lieu du séisme. 

Ces variations consistent en une chute de la vitesse de propagation des ondes. Cette chute montre un endommagement à l'intérieur de la terre due à cette onde de choc qu'a provoqué le séisme. Les vibrations ont fissuré l'intérieur de la terre, en particulier dans les profondeurs de cette zone. Cela a réchauffé les liquides souterrains qui étaient déjà sous pression. Cela augmente les risques d'éruption.  

Quels sont les nouveaux outils qui ont permis de mesurer les conséquences du séisme ? 

On a développé pour la première fois une méthode permettant d'aller sonder l'intérieur de la terre et de suivre les processus dynamiques à l'intérieur. Etudier le bruit de fonds sismique, c'est une première. On utilise ce bruit de fond - qui se propage en permanence, de manière continue à travers la terre - pour suivre l'évolution des propriétés mécaniques de la terre. On mesure le temps de parcours entre deux capteurs, et on note les évolutions dans le temps. Pour la première fois, nous avons pu obtenir une sorte d’échographie de la terre, ce qui a permis de voir de nouvelles  choses. Avant cela, nous avions juste un cliché. Les variations sont petites mais on a été capable de les capter grâce a l'écoute de ce brouhaha sismique. Cette méthode est aujourd'hui utilisé partout à travers le monde. Nous l'avons lancée en 2008 et appliquée pour la première fois au Japon en 2011, là où il y a d'importants risques sismiques et volcaniques et aussi de nombreux capteurs sismiques. 

Le risque d'éruption augmente t-il suivant l'intensité du séisme ? 

Il est possible qu'à terme, la fissuration soit tellement forte qu'elle permette de créer un chemin pour le magma de la profondeur jusqu’à la surface. Mais nous ne sommes pas capables de prédire la date d'une éruption car il est impossible de dire quel serait le point de non retour.

Plus les séismes sont forts et proches dans le temps, plus il y a de fissures et plus les liquides sont réchauffés et donc plus le risque d'éruption est important. C'est un fait que l'on constate également dans les statistiques qui nous montrent que les éruptions volcaniques suivent bien souvent les séismes. Cependant, ce n'est pas une règle infaillible. Il n'y a pas eu d'éruption après le séisme de Sumatra en 2004 en Indonésie, ni après celui de 2011 au Japon. 

Les fissures produites par les séismes peuvent-elles se refermer ? 

Oui, on remarque que les fissures se sont lentement réduites après le séisme de 2011. Six mois après, le sous-sol était toujours endommagé mais moins que lors du séisme. Nous allons analyser les données pour savoir si l'impact du séisme est aujourd'hui nul ou non. 

Y a-t-il d'autres facteurs qui agissent sur la pression du magma, responsable des éruptions ? 

Il y a trois facteurs qui sont liés. Le premier est le magma qui s'écoule en profondeur. Très lentement et très progressivement, le magma remplit des réservoirs, qui augmentent en pression. Ce qui nous amène à notre deuxième facteur : le magma qui se refroidit. Cette poche est alimentée en magma mais elle se refroidit en même temps. Le magma se transforme alors en roche ce qui nous amène au dernier facteur: la libération de gaz du magma. Le magma libère son gaz quand il se transforme en roche. Il contient entre autre de la vapeur d'eau, du CO2, du dioxyde de soude, du dioxyde de carbone... Ce gaz veut occuper beaucoup d'espace et génère une pression important localement qui peut amener à la rupture de la roche. 

Peut-on prédire une éruption volcanique ? 

C'est un but dont nous nous rapprochons mais il n'est pas encore atteint. Cette étude nous a permis d'identifier des régions  anormales où le risque d'éruption est fort. Ce que l'on remarque, c'est que les régions volcaniques sont probablement dans un état de pression important à cause de ces anomalies. Si on parvient à évaluer l'état de pression, on peut parvenir à prédire précisément le risque d'éruption dans le temps. 

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