Bombardement de Gaza : quelques réflexions sur l’usage du mot "génocide"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Tribunes
Israël multiplie les frappes à Gaza
Israël multiplie les frappes à Gaza
©Reuters

Silence, on crie !

Il s’utilise beaucoup. Mais avec une sélection très précise : il ne concerne qu’un seul pays.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

Voir la bio »

Des manifestants le crient. Des pétitions l’affirment. Un génocide est en cours à Gaza. Ce mot fut naguère chargé de sens. Les Arméniens, les Juifs, les Cambodgiens et les Tutsis savent dans leur chair et leur mémoire ce qu’il a voulu, et veut, dire. Mais il a fini par tomber dans le domaine public, c’est-à-dire très bas. Qui n’a pas eu son génocide se sent dépouillé...

Pour autant le génocide, à l’instar de la météo "corrigée des variations saisonnières", est corrigé des variations géographiques. 160 000 morts en Syrie. Pas de génocide. Des dizaines de milliers de morts en Irak. Pas de génocide. Des milliers et des milliers de morts et un million de viols en République démocratique du Congo. Pas de génocide. Le génocide banalisé mais estampillé A.O.C. (Appellation d’Origine Contrôlée) n’a cours qu’en Palestine et plus précisément à Gaza. 170 morts… Peut-être plus. C’est la guerre et la guerre tue. Pendant le génocide, l’électricité continue à éclairer Gaza : ce sont les Israéliens qui la fournissent. Pendant le génocide, les portables de Gaza continuent à sonner : les Israéliens n’ont pas brouillé ou interrompu leur accès (ils s’en servent d’ailleurs pour prévenir un à un les habitants des frappes qu’ils vont effectuer).

Mais le mot "génocide" n’a que faire de ces finasseries. Car il a son utilité. Il sert bien sûr à faire éclore la haine la plus mortifère. Mais surtout il vise à déposséder les Juifs de l’insoutenable privilège qu’ils ont eu avec les chambres à gaz d’Auschwitz. Et ainsi chemine ce "mettez-vous bien ça dans la tête !" Ainsi vous voyez – n’est-ce pas – que les victimes sont devenues des bourreaux… Vous mesurez aussi ce que les SS israéliens font aux habitants de Gaza revêtus pour l’occasion de la tenue rayée des déportés…

Contre toute vérité, contre toute vraisemblance, le mot s’impose dans toute sa puissance assassine. Petit à petit – sa répétition faisant loi – il détruit tout édifice bâti par une pensée rationnelle. Comme la calomnie, il se glisse, serpente, laissant partout ses salissures. A Paris, à la Bastille et à Belleville, des manifestants se sont shootés avec ce mot comme d’autres se bourrent la gueule au vin rouge. Ils ont crié "Mort aux Juifs" en français. Avant ils ne le criaient qu’en arabe… Et dans le Soir de Bruxelles, qu’on n’hésitera pas, après lecture, à mettre dans ce voisinage, un journaliste a écrit après l’attentat de Mehdi Nemmouche qu’était visée "une implantation juive" de la capitale bruxelloise ! "Une implantation" ? Mais il paraît que c’était un lapsus. Tout comme le mot "génocide" sans doute. Camus disait : "Mal nommer les choses s’est ajouté aux malheurs du monde".

PS : A la Bastille, des manifestants anti-israéliens (on peut dire anti-juifs ?) ont tenté d’attaquer une synagogue. Ils étaient, paraît-il, en colère. C’est sans doute parmi eux que se recrutent les centaines de djihadistes français partis combattre les ennemis du Prophète. Ils sont en Syrie. Pourquoi pas Gaza ? Comme celle du Seigneur, les voix d’Allah sont impénétrables…

A lire du même auteur : Le gauchisme, maladie sénile du communisme, Benoît Rayski, (Atlantico éditions), 2013. Vous pouvez acheter ce livre sur Atlantico Editions.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !