Ce qui se passera si l’économie française devient encore plus faible <!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg et le gouvernement français peuvent-ils redresser l'économie
Arnaud Montebourg et le gouvernement français peuvent-ils redresser l'économie
©Reuters

Comme peau de chagrin

La plongée de la plupart des indicateurs économiques de l'Hexagone laisse perplexe pour un pays qui représente près de 20% du PIB de la zone euro. Loin de concerner les seuls Français, la conjoncture actuelle peut avoir des conséquences politiques, budgétaires et monétaires déterminantes pour l'ensemble de l'Europe.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

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Les derniers indicateurs disponibles semblent montrer que l’économie française va être très faible, dans l’absolu et par rapport aux autres pays de la zone euro.

Quelles seraient les conséquences d’un grand affaiblissement de l’économie française ?

  • Il contribuerait à conduire la BCE à assouplir encore plus la politique monétaire d’où une nouvelle baisse des taux d’intérêt à long terme 
  • Il pousserait probablement les autorités européennes (Commission, Conseil Européen) à relâcher encore plus les règles budgétaires (il est difficile d’imaginer une condamnation de la France pour déficit excessif si sa croissance est très faible) 
  • Il ferait disparaître le poids politique de la France en Europe 
  • Il accentuerait le conflit en France entre les tenants des politiques de la demande et les tenants des politiques de l’offre, il ferait monter le poids des anti-européens 

Mais il pousserait aussi la BCE, l’Allemagne, la Commission Européenne à réclamer à la France des réformes structurelles plus fortes.

Les indicateurs économiques sont inquiétants en ce qui concerne l’économie française  quand on regarde :

  • la confiance des consommateurs (ménages, graphique 1) ;
  • les PMI (graphiques 2 a et b) ;
  • les permis de construire (graphique 3) ;
  • les commandes de biens durables (graphiques 4 a et b) ;
  • l’évolution du chômage (graphique 5) ;
  • l’évolution récente de l’investissement productif (graphique 6) 
  • le sentiment économique global (graphique 7). 

On voit que probablement l’économie française va être très faible, plus faible que celle des autres pays de la zone euro. Quand on regarde les prévisions disponibles (tableau 1), ceci n’est pas encore le cas (sauf pour nous). 

Nous pensons qu’il est important de s’interroger sur les conséquences d’une grande faiblesse de l’économie française. 

Rappelons le poids de la France dans la zone euro (graphique 8) : 19.5 % du PIB en volume. Une grande faiblesse de l’économie française aurait donc des effets importants sur l’ensemble de la zone euro.

#1 - Les effets d'un affaiblissement français sur la politique monétaire de l'euro

La situation est ici assez simple : si la France a une croissance très faible et en conséquence une inflation très faible (graphique 9), l’effet de cette situation sur l’ensemble de la zone euro poussera la BCE à passer à une politique monétaire encore plus expansionniste, d’où une nouvelle baisse des taux d’intérêt à long terme (graphique 10). 
(CPI : "Consumer Price Index", traduit en français par indice des prix à la consommation)
Ceci est d’autant plus vrai que le gouvernement français sait faire porter la responsabilité des difficultés de la France à la BCE : euro trop fort, refus du Quantitative Easing.

#2 - Les effets sur les règles budgétaires européennes

Une croissance très faible rendrait très difficile la réduction du déficit public en France (graphiques 11 a/b), d’autant plus :

  • que le gouvernement français vient de décider de réduire à terme de 40 Mds € les impôts des entreprises 
  • qu’il mise sur une croissance de 1,7% en 2015 et 2,25 % en 2016. 

Le maintien d’un déficit public supérieur à 4% du PIB entraînerait-il la condamnation de la France pour déficit excessif par la Commission et le Conseil Européen ? C’est peu probable pour un grand pays comme la France.

Nous pensons plutôt qu’il y aurait un relâchement général des règles budgétaires en Europe.

#3 - Les effets sur le poids politique de la France

Il est très probable que, si la croissance de la France devient très faible par rapport à celle des autres pays de la zone euro, en particulier de l’Allemagne (graphique 12), le poids politique de la France en Europe deviendra très faible. 

#4 Débat de politique économique en France 

A partir de 2014, le gouvernement français a mis en place des politiques de l’offre en réaction à l’écrasement des marges bénéficiaires de l’industrie 
manufacturière (graphique 13). 

Ces politiques consistent essentiellement en une baisse de 40 Mds € des impôts des entreprises (25 Mds € pour l’impôt sur les sociétés, 10 Mds € pour les cotisations sociales, 5 Mds € pour les impôts sur la production). Puisque le déficit public était initialement élevé, ces politiques ont dû être financées par une baisse des dépenses publiques, cette dernière ayant un effet négatif sur l’activité beaucoup plus rapide que l’effet positif dû à la baisse des impôts des entreprises.

Si la croissance de la France devient très faible, il faut craindre que les tenants des politiques de la demande (qui n’auraient pas de sens : la production industrielle a baissé en France alors que la demande intérieure pour les produits industriels progressait, graphique 14) ne l’attribuent à la mise en place, nécessaire, des politiques de l’offre. D’autres l’attribueront à l’Europe : euro trop fort, règles budgétaires, libre échange, etc… 

#5 Pression sur la France pour mettre en place des réformes structurelles

A l’inverse de l’opinion intérieure, qui critiquera très probablement les politiques de l’offre mises en place en France, la Commission Européenne, la BCE, l’Allemagne… au vu de la faiblesse de la croissance de la France, réclameront davantage de réformes structurelles :

  • Réforme fiscale pour continuer à réduire le poids des cotisations sociales des entreprises (graphique 15) 
  • Réforme du fonctionnement du marché du travail, pour éviter que les salaires réels augmentent plus vite que la productivité (graphique 16) 
  • Réformes du système éducatif, du système de formation, ce qui est nécessaire au vu des faibles compétences de la population active (tableau 2). 

Le PIAAC est un classement de l'OCDE recensant l'évaluation des adultes dans le monde professionnel (NDLR)

Synthèse : chute de la croissance de la France, un choc important

Les indicateurs disponibles laissent pressentir un recul net de la croissance de la France, dans l’absolu et par rapport au reste de l’Europe.Les conséquences de ce recul, s’il se confirme, peuvent être importantes :

  • Assouplissement de la politique monétaire et des règles budgétaires dans la zone euro 
  • Perte de poids politique de la France et exigence de réformes structurelles importantes de la part des autres pays européens 
  • Forte tension en France entre les partisans des politiques de l’offre et ceux des politiques de la demande ; en parallèle, montée du poids des anti-européens. 

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