10 mythes sur l’économie de marché (zut, Arnaud Montebourg avait déjà écrit son discours de politique économique générale...)<!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg prononce ce jeudi son premier grand discours en tant que ministre de l'Economie
Arnaud Montebourg prononce ce jeudi son premier grand discours en tant que ministre de l'Economie
©REUTERS/Benoit Tessier

Que d'imagination !

Beaucoup d'idées déconnectées de la réalité ont la vie dure dans certains esprits, dont celui d'Arnaud Montebourg, qui prononce ce jeudi 10 juillet son premier grand discours depuis qu'il est ministre de l'Economie. Par anticipation, voici un "best of" des erreurs qui pourraient être commises au cours de ce périlleux exercice de communication.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico vous propose un florilège de ces idées préconçues sur l'économie de marché qui en France bénéficient encore d'une large audience. Arnaud Montebourg serait bien inspiré de lire ce "top 10" avant de dévoiler sa feuille de route pour faire repartir l'économie française cet après-midi à Bercy...

Lire également : Mais où pourra donc aller le pédalo de l’économie française maintenant qu’Arnaud Montebourg s’en est bombardé co-pilote ?

1/ Les Etats-Unis sont surendettés et vont faire faillite

Avec une dette supérieure à 100% de son PIB et un déficit public de 4.1% pour l’année 2013, les Etats Unis sont dans une voie sans issue, la faillite est inévitable à terme !

Pourquoi c’est faux :

Un Etat n’est pas un ménage. Les Etats-Unis ont à la fois la possibilité de relever les niveaux d’imposition, de baisser les dépenses d’Etat ou de stimuler l’activité économique via la politique monétaire de sa banque centrale. Si relever les impôts et baisser les dépenses sont des opérations qui ont toutes deux leurs limites, la capacité d’action de la Banque centrale est quant à elle illimitée. La Fed dispose en effet du pouvoir de créer autant de dollars qu’elle le souhaite. Il est donc techniquement impossible que les Etats-Unis puissent faire faillite à moins que cela soit ne un choix délibéré de la part des autorités.

2/ Les déficits et la dette empêchent le retour de la croissance

Le surendettement des Etats à travers des déficits toujours plus larges est la cause du manque de croissance dans les pays développés !

Pourquoi c’est faux :

Bien que cette théorie fût un temps soutenue par des économistes qui prétendaient que la croissance d’un Etat ralentissait au-delà d’un certain seuil d’endettement, plus rien ne permet de démontrer un tel phénomène. Les économistes en question, Rogoff et Reinhart ont été accusés d’avoir commis de grossières erreurs dans leurs calculs, venant ainsi  invalider leur travail. Car la réalité est inverse. Plus un Etat est soumis à une situation de faible croissance, plus il va être incité à avoir recours à l’endettement pour soutenir son économie. C’est ainsi que faible croissance et endettement sont en effet des phénomènes souvent liés, mais c’est bien la faible croissance qui est la cause de l’endettement et non l’inverse. Une idée reçue qui a du mal à s’effacer dans le débat européen. Le Japon a connu une croissance supérieure à 6% au premier trimestre 2014, tout en ayant une dette de 240% par rapport à son PIB.

3/ Les Etats-Unis manipulent leur monnaie

Les Etats-Unis se croient tout-puissants avec leur dollar et manipulent leur devise au détriment des autres pays !

Pourquoi c’est faux :

La réalité est que les Etats-Unis ne regardent pas ce qui se passe ailleurs pour déterminer leur politique monétaire. La priorité de la FED est de stabiliser la demande intérieure américaine. La sévère chute de la demande intérieure en 2008 et en 2009 a ainsi provoqué la mise en place de gigantesques plans de relance depuis lors, afin de revenir sur la voie de la stabilisation de l’économie. Ce type de politique est également mené au Japon et au Royaume-Uni, et ont eu pu avoir pour effet de voir les devises de ces trois pays baisser par rapport à l’euro. De son côté, la zone euro se préoccupe bien plus de sa capacité à exporter que de sa demande intérieure, ce qui a notamment pour effet de voir le chômage de masse s’installer de façon durable. Si la BCE se concentrait sur la demande intérieure de la zone, comme le suggèrent le FMI, l’OCDE ou d’autres encore, ce qui revient à dire que chacun ferait bien de balayer devant sa porte, l’économie mondiale se porterait bien mieux. Car le plus grand marché du monde reste l’Union Européenne.

4/ La BCE se prépare à monétiser de la dette et risque de créer de l'hyperinflation

La BCE se prépare à imiter la Fed et va mettre en place des plans d’assouplissement quantitatifs, ce qui nous conduira à terme à l’hyperinflation !

Pourquoi c’est faux :

Il est déjà fort peu probable que la BCE se décide enfin à mettre en place une telle solution, alors même qu’il s’agit de la seule chose à faire. De plus, de tels plans d’assouplissement quantitatifs n’ont pas provoqué de tels effets hyperinflationnistes, ni même inflationnistes. Malgré la mise en place de très grands plans de relance, de l’ordre de 20% du PIB aussi bien au Japon, aux Etats-Unis, qu’au Royaume-Uni, l’inflation est restée totalement sous contrôle dans ces pays. La création de monnaie ne peut conduire à un surplus d’inflation qu’à partir du moment où l’économie est déjà dans une situation de surchauffe. Si dans un tel cas, la Banque centrale continuait "d’imprimer" de la monnaie, le risque inflationniste se matérialiserait. Mais la situation de surchauffe n’est une réalité nulle part aujourd’hui, les plans de relance n’ont ainsi pour vocation que de combler le trou dans lequel les différentes économies sont plongées.

5/ LA BCE est très souple parce que les taux sont proches de 0

La BCE intervient d’ores et déjà au maximum de ses possibilités puisque les taux d’intérêt sont proches de 0 !

Pourquoi c’est faux :

Les taux d’intérêt ne sont pas un indicateur de la conduite d’une politique monétaire. Ils ne sont qu’un outil. Des taux bas sont d’ailleurs bien plus le signe d’une politique stricte que d‘une politique accommodante, tout comme des taux très élevés sont bien plus le signe d’une politique souple que stricte. En effet, et par exemple, la Banque centrale du Brésil a fixé ses taux à 11% alors que le taux d’inflation est de 6.5%. A l’inverse, en Europe les taux sont proches de 0 et le taux d’inflation est à 0.5%. Le lien est ainsi inversé. Le meilleur moyen de connaître l’état d’une politique monétaire est de suivre l’évolution du PIB dans sa forme nominale, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation. Si cette évolution est stable, c’est le signe que la Banque centrale fait son travail correctement. Et en Europe, l’évolution du PIB nominal a décroché de près de 20% par rapport à sa tendance pré-crise, ce qui est le signe d’une politique trop stricte depuis 6 ans.

6/ la croissance monétaire est égale à l'inflation

Lorsqu’une banque centrale crée de la monnaie, cette monnaie va se matérialiser directement en inflation !

Pourquoi c’est faux :

Lorsqu’une banque centrale "crée de la monnaie", elle ne crée pas de l’inflation, elle suscite un surplus de "demande agrégée". Et la demande agrégée est la somme de la croissance et de l’inflation, qui forment ici un ensemble. De plus, la création monétaire opérée par une banque centrale n’intervient que sur ce qui est appelé la "base monétaire", qui n’est qu’une partie résiduelle de la masse monétaire globale. Entre 2008 et 2014, la base monétaire des Etats Unis a gonflé de plus de 450% et l’inflation est aujourd’hui à un niveau de 2.1% pour le mois de juin 2014. Au Japon l’objectif est de doubler la base monétaire en deux ans, et le pays ne fait que s’extirper doucement d’une situation de déflation. Si une création monétaire totalement hors de contrôle provoquera bien de l’inflation, il est par contre totalement faux de soutenir que la création monétaire provoquera automatiquement de l’inflation. Si tel était le cas, les Etats-Unis auraient enregistré 450% d’inflation au cours des 6 dernières années. Et non, les chiffres ne sont pas "manipulés".

7/ L'inflation rogne le pouvoir d'achat des plus pauvres

L’inflation est un moyen utilisé pour spolier les plus pauvres, les privant d’une partie de leur pouvoir d’achat !

Pourquoi c’est faux :

L’inflation est principalement une hausse des prix provoquée par un niveau d’activité élevé. Lorsque l’économie est en croissance, les acteurs consomment de plus en plus, ce qui a pour effet de mettre certains prix sous tension selon le jeu de l’offre et de la demande. Ainsi, lorsque les prix sont à la hausse, cela traduit une demande forte pour les biens et les services, ce qui est le signe que l’économie est en croissance. Cette croissance permet aux entreprises d’embaucher plus, de soutenir les salaires, etc. ce qui vient encore alimenter la hausse des prix. Ainsi, un peu d’inflation n’est rien d’autre que le signe que l’économie va de l’avant, ce qui est une bonne nouvelle pour tous.

A l’inverse, un cycle de baisse des prix est le signe que l’économie tourne au ralenti. Bien évidemment, lorsque l’économie est en surchauffe et que l’activité est soutenue de façon excessive, le cycle de hausse des prix s’emballe et dérégule l’économie. L’inflation n’est pas un ennemi aussi longtemps que l’activité n’atteint pas son plein potentiel, elle ne le devient que lorsque le plein potentiel est atteint et qu’elle continue d’accélérer. Car à partir de cet instant tout surplus d’activité ne générera plus de croissance, mais uniquement de l’inflation.

8/ Une balance commerciale positive est le signe d'une économie performante

Pour savoir si une économie se porte bien, il suffit de regarder l’état de sa balance commerciale. Si le pays exporte plus qu’il n’importe, c’est forcément bon signe !

Pourquoi c’est faux :

Une balance commerciale est une double entrée : importations et exportations. Une balance commerciale positive peut ainsi avoir deux causes : soit les exportations sont à la hausse soit les importations sont à la baisse. Et si une balance commerciale positive est la conséquence d’importations à la baisse, le seul constat à opérer est que la demande intérieure du pays est en train de s’effondrer, ce qui est bien évidemment un mauvais signe.

Plus largement, une balance commerciale n’est pas un indicateur valable de bonne santé d’une économie. Les Etats-Unis n’ont jamais eu de surplus depuis près de 40 ans alors même qu’ils ont fourni l’économie la plus performante durant cette période. De la même façon, au cours de ses 15 ans de crise, le Japon a longtemps affiché une balance positive, mais celle-ci n’était que le fruit de sa faible demande intérieure.

9/ La politique monétaire crée des bulles

Les banques centrales sont irresponsables et ont été à l’origine de toutes les bulles que nous avons connues lors des 15 dernières années !

Pourquoi c’est faux :

Une banque centrale peut être tenue responsable de l’ensemble de l’économie et non d’un secteur particulier. Si les taux d’inflation des Etats-Unis, ou de l’Europe avaient été dangereusement élevés au cours des 15 dernières années, il serait alors possible d’accuser les banques centrales d’avoir soutenu l’économie de façon trop massive. Mais cela n’a simplement pas été le cas. Alan Greenspan est régulièrement accusé d’avoir provoqué de nombreuses bulles alors même que sous son mandat, l’inflation a été historiquement basse. De son côté, Ben Bernanke détient même le record du mandat le moins inflationniste de l’histoire.

Lorsqu’un secteur est en "bulle", cela signifie simplement que ce secteur performe mieux relativement aux autres. Malheureusement, une banque centrale n’a pas le pouvoir de cibler son action sur un secteur particulier. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, elle n’en a simplement pas la capacité via son rôle de politique monétaire. Elle ne peut qu’agir sur l’ensemble. Ainsi, si un secteur devient trop "gourmand", c’est au régulateur, au législateur d’intervenir afin de le contenir. Car si la banque centrale intervient, elle frappe l’ensemble de l’économie sans aucun discernement, c’est-à-dire aussi les secteurs les plus fragiles de l’économie. Et ce qui est nécessaire pour l’un n’est pas forcement bon pour les autres.

10/ La croissance ne revient pas parce que le coût du travail est trop élevé en France

La France souffre d’un problème d’offre ! C’est l’offre qui crée la demande !

Pourquoi c’est faux :

Si l’offre crée la demande, il faut vite aller expliquer aux chômeurs qu’ils sont en train de créer de la demande, car le chômage représente une offre de travail. Et cela n’a pas l’air de créer beaucoup de demande. Les problèmes d’offre de l’économie française sont réels et devront être traités. Mais depuis 2008 la situation actuelle de la France est la conséquence d’un problème de demande. La stagnation du PIB en atteste. Si le PIB dans sa forme nominale, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, progressait à un rythme soutenu de 4%, et que sa décomposition se traduisait en 0% de croissance et 4% d’inflation, le problème viendrait effectivement de l’offre. Mais dans le contexte actuel ou l’inflation est proche de 0 et la croissance est également proche de 0, c’est la demande dont il s’agit. Car aussi simple que cela puisse paraître, le PIB dans sa forme nominale n’est rien d’autre que la demande agrégée…..Et le PIB nominal stagne depuis 6 ans. Les sondages réalisés par l’INSEE auprès des entreprises aussi parviennent au même résultat, la majorité des répondants font part d’un problème de demande, et non d’offre.

L’offre ne crée pas la demande, l’offre ne fait que déterminer le niveau de demande adéquat à une économie. Ainsi, plus une économie est soumise à des réformes de l’offre plus son potentiel de croissance augmente. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui, ce sera le sujet lorsque la demande aura atteint son plein potentiel. Et avec près de 10% de chômeurs en France, il reste un important potentiel inexploité.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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