Crise financière : le bal des hypocrites va prendre fin...<!-- --> | Atlantico.fr
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Des militants d'Oxfam portent des masques représentant des dirigeants de l'UE lors d'une manifestation appelée "Un déjeuner de travail pour neuf milliards".
Des militants d'Oxfam portent des masques représentant des dirigeants de l'UE lors d'une manifestation appelée "Un déjeuner de travail pour neuf milliards".
©Reuters

Bas les masques

L'Europe a beau tenter de sortir de la crise, l'heure est peut-être venue de payer le prix réel de la mondialisation, camouflé depuis des années derrière d'importantes dépenses publiques.

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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La cause principale des troubles économiques et financiers actuels tient au fait que les finances publiques ont, depuis le début des années 1970, été utilisées pour atténuer les aspects négatifs de la mondialisation dans les pays industrialisés. Les progrès de productivité, les innovations et la baisse des prix obtenus grâce au libre-échange planétaire, ces quarante dernières années, ont en effet entraîné une hausse continue du pouvoir d’achat moyen en Occident. Il y avait donc un acquiescement politique majoritaire à la poursuite de cette ouverture. Quant à ceux - minoritaires même s’ils étaient nombreux - qui en étaient les victimes, notamment les employés des industries concurrencées, ils ont vu leur sort adouci par une kyrielle de mesures structurelles ou conjoncturelles qui ont fini par creuser les déficits publics, lesquels se rappellent aujourd’hui à notre mauvais souvenir.

Bien sûr, on observe des variantes nationales. Dans certains pays (la Grèce en est une caricature), une gestion publique particulièrement déficiente a accentué le mouvement d’endettement public. En Europe, en général, la surévaluation de l’Euro a exacerbé les difficultés du tissu industriel et contraint les gouvernements à un interventionnisme s’imposant à tous les partis politiques. Mais, grosso modo, l’explication essentielle est là : la dette publique est la facture que les ex-pays industrialisés remisaient sous leur caisse pour avoir le beurre et l’argent du beurre de la mondialisation.

Un système économique en sursis

L’Histoire n’étant pas morale, il est évident que les purges prescrites par les Diafoirus qui nous gouvernent ne serviront à rien. Toujours plus de rigueur budgétaire conduira à toujours plus de stagnation et toujours plus de dette car les recettes fiscales fondront : sur ce point l’inspecteur royal du Trésor Keynes avait raison. C’est bien pour cela que la plupart des engagements de retour à l’équilibre des finances ne sont pas pris au sérieux par les marchés.

Les invectives stériles à l’adresse desdits marchés ne seront pas davantage efficaces. Les prêteurs peuvent refuser de continuer à payer les violons du bal des hypocrites et les agences de notation ne font que tenter d’informer les bailleurs de fonds du risque de dévalorisation de leurs actifs.

Pour l’instant, le « système » tient car les alternatives sont peu crédibles. La répudiation unilatérale des dettes conduirait à des mesures de rétorsion et, rapidement, à la nécessité de rétablir des barrières protectionnistes sans avenir durable. La « réindustrialisation » incantatoire de nos économies, psalmodiée par d’autres Diafoirus, dans un monde où les circuits de fabrication sont interpénétrés, planétaires et hautement complexes, est une fiction qui tiendrait le temps que les premières copies d’I-Phone produites pour satisfaire aux nouveaux Gosplan parviennent entre les mains de leurs utilisateurs : émeutes garanties (notamment dans les banlieues) !

En Europe, la paralysie est aggravée par l’absence de consensus au sein des institutions communautaires sur la stratégie à adopter. Les Allemands s’en sortent – pour l’instant – un peu mieux que les autres mais leur meilleure santé économique tient pour beaucoup à des délocalisations massives tout près de leurs frontières, en Europe de l’est, à l’abri des effets néfastes de la surévaluation de l’Euro. Ils sont donc réticents à une vraie réponse commune et se bornent aux annoncettes et mesurettes auxquelles nous avons eu droit lors du dernier « sommet » Merkel-Sarkozy. Il est vrai que payer la facture de la bulle immobilière des pays méditerranéens n’est pas non plus une perspective engageante pour les contribuables germaniques.

Bref, nous nous trouvons face à un risque majeur de blocage progressif de nos économies et de nos sociétés. L’absence de solution réfléchie ne peut conduire qu’à des explosions irréfléchies et un saut dans l’inconnu.

J'ai fait un rêve...

Alors ? On peut toujours commencer par rêver ! Rêver que les pays du G12, appuyés sur le FMI, conviennent d’une sortie par le haut du problème de la dette. Pour les calmer, il faut parler aux marchés le langage qu’ils comprennent et garantir aux prêteurs que leurs créances seront recouvrées. Des bons internationaux du Trésor pourraient être émis, à raison d’une quote-part par Etat, en fonction des PIB respectifs, dans la limite de 20 % du PIB, à un taux d’intérêt soutenable et uniforme quel que soit l’émetteur. La FED, la BCE, la BOC et les autres banques centrales devront les refinancer en tant que de besoin, en s’engageant sur un minimum de souscription mais avec naturellement la possibilité d’en acheter davantage. Le FMI refinancerait une partie des bons émis par les Etats dont la dette dépasse les 100 % du PIB, en fonction de l’importance de ce dépassement. Ces bons pourraient être indexés sur le cours d’actifs « tangibles » des différents Etats participants : métaux précieux, stocks de matières premières. Le public pourrait se voir offrir la possibilité d’y souscrire et leur cessions devraient se faire en franchise de tout impôt, pour les rendre attrayants.

La mise en gage de certaines propriétés immobilières, comme contreparties, ne serait pas non plus inenvisageable. Pour prendre le seul exemple de l’Espagne, pays dont la situation est l’une des plus difficiles, les innombrables résidences vacantes détenues par des banques au bord de la faillite en Andalousie représentent un patrimoine considérable et de quoi faciliter à beaucoup de retraités allemands un troisième âge tranquille au soleil.

Après que ce signe d’engagement solide auprès des créanciers a été envoyé et que ce ballon d’oxygène a été donné aux pays menacés d’asphyxie, resteront à corriger les deux déséquilibres structurels qui sont la cause de toutes ces difficultés et s’auto-entretiennent. D’une part, la sous-évaluation de certaines monnaies, en particulier le Yuan, qui lamine les économies concurrentes. D’autre part, la boursouflure étatique : les réformes d’inspiration libérales restent nécessaires dans de nombreux pays, y compris en France, pour réduire le poids des dépenses sous-productives et des rentes.

... mais c'est la réalité qu'il convient surtout de changer

Bon … maintenant, cessons de rêver. Les difficultés techniques et politiques de cet échafaudage rendent sa réalisation hautement improbable. En particulier, un accord sur la répartition des contributions respectives et des aides que les Etats pourraient recevoir serait très difficile à obtenir, de même que l’acceptation par les Chinois d’une revalorisation substantielle du Yuan. L’alternative sera donc chaotique et probablement conflictuelle et, dans ces conditions, il faut avant tout défendre nos intérêts nationaux tout en s’efforçant de limiter les dérapages.

Pour cela, il faudra proposer le jour venu aux autres pays européens de reconstruire une union monétaire restreinte, après une dévaluation substantielle du cours de la nouvelle devise par rapport à l’ancien euro, accompagnée par une forte baisse des taux d’intérêt pratiquée par la nouvelle banque centrale, laquelle recevra pour mission de promouvoir la croissance et non seulement de lutter contre l’inflation.

On ne pourra éviter de rééchelonner unilatéralement les dettes publiques, mais dans une mesure raisonnable et en garantissant aux créanciers leur remboursement par des gages sur les stocks de métaux précieux, de matières premières et des propriétés immobilières des pays membres de la nouvelle union.  

Peut-être évitera-t-on ainsi la défiance immédiate et durable des prêteurs. Il faudra aussi entreprendre au même moment les réformes structurelles indispensables : suppression des dépenses publiques inutiles, hausse de la TVA et fin de certains privilèges fiscaux. On verra bien si les Allemands prennent le risque de refuser cette solution et de voir leurs exportations massivement surenchéries en France, en Italie et en Espagne …

Se souvenir des exemples historiques passés

Dévaluation, emprunt indexé, réformes structurelles impitoyables : ce fut le cocktail qui permit à la France de relancer son économie et de rembourser rapidement ses dettes en 1958, grâce au plan Rueff-Pinay qui réussissait le tour de force de rassurer les investisseurs en relançant l'économie, via une dévaluation du franc et des réformes structurelles d'inspiration libérale.

Aujourd’hui, la situation est certes plus difficile car les dettes publiques sont plus importantes et l’environnement international moins porteur. Mais, quand le système actuel explosera, il n’y a pas d’autre choix.

On peut encore tenter de gagner du temps par des proclamations et de piéger une opposition mal dégourdie en appelant à voter une « règle d’or » illusoire pour lui gâcher ses primaires. Mais ces calculs se heurteront à des adversaires bien plus coriaces que ces médiocres politiciens et opposants d’opérette : les réalités.

La fin du bal des hypocrites est pour bientôt.

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