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François Hollande a avalé le dialogue en deux coups de cuillère à pot.
François Hollande a avalé le dialogue en deux coups de cuillère à pot.
©Reuters

Au suivant !

La troisième édition de la conférence sociale, événement annuel introduit par François Hollande en 2012, démontre encore une fois l'absence de dialogue social en France, et la propension du président de la République à faire empirer les choses en voulant contenter tout le monde.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon est économiste et entrepreneur. Chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication de Scor de 2010 à 2013, il a auparavent été successivement trader de produits dérivés, directeur des études du RPR, directeur de l'Afep et directeur général délégué du Medef. Actuellement, il est candidat à la présidence du Medef. 

Il a fondé et dirige depuis 2013 la société de statistiques et d'études économiques Stacian, dont le site de données en ligne stacian.com.

Il tient un blog : simonjeancharles.com et est présent sur Twitter : @smnjc

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Atlantico : "Nous devons tous être rassemblés pour agir. J'ai choisi le dialogue social pour réformer notre pays", a déclaré ce lundi 7 juillet François Hollande pour introduire son discours d’ouverture de la troisième conférence sociale. Problème : le président semble ignorer que la CGT et FO ont décidé de ne pas revenir en seconde journée. François Hollande a-t-il été rattrapé par ses vieux démons du déni ? Quelles sont les conséquences de cette stratégie de l’autruche ?

Jean-Charles Simon : La "grande conférence sociale", c’est d’abord du théâtre. Chacun fait son spectacle. L’exécutif essaie de sacraliser l’événement, de faire comme s’il était porteur d’enjeux, tout en espérant garder tout le monde autour de la table. Pour vanter les mérites de sa méthode, du dialogue et de la concertation… Alors qu’il a tout écrit à l’avance ! Et parfois, les partenaires sociaux font aussi leur numéro, lorsqu’ils ont intérêt à mettre en scène leur mécontentement. D’une certaine manière, le boycott de la CGT et de FO est bien la preuve de l’absence d’importance de cette grand-messe : sinon, les deux syndicats ne l’auraient jamais quittée ! Pour le Président et le gouvernement, il faut bien sûr minimiser ce départ, par exemple en rappelant que les syndicats qui restent sont majoritaires, pour sauver les apparences de l’importance de la conférence.

Lire également : Schizophrénie sur la conférence sociale : quand le gouvernement joue au dialogue social pour la galerie et recentralise à marche forcée dans la réalité

Benoît de Valicourt : Le président de la République vit sur un nuage plus préoccupé par son nouveau look que par le dialogue social. C’est triste à dire mais c’est une réalité, nous avons à la tête de l’Etat un homme qui n’a pas été préparé aux fonctions qu’il occupe et qui continue à travailler comme quand il dirigeait le PS ou le Conseil Général de Corrèze, en ménageant soit les courants, soit les rivaux mais finalement sans grands enjeux car le premier secrétaire du PS ou le Président de la Corrèze sont de petits gestionnaires chargés de flatter le cul des éléphants ou celui des vaches ! Bien sûr, François Hollande aurait pu se révéler car la fonction peut faire l’homme mais malheureusement cela n’a pas été le cas, l’homme est affable, sans envergure plus enclin à la blagounette qu’à la prise de décision. Cette politique de l’autruche est semble-t-il la traduction d’un manque de courage et d’audace qui conduira inévitablement à une plus grande crispation de la société française avec comme conséquence la possibilité d’un second tour en 2017 entre le PS et le FN. D’ailleurs, c’est ce que souhaite François Hollande, estimant que cela lui permettrait d’être réélu, mais la victoire du leader socialiste serait sans le score à la Houphouët-Boigny de Jacques Chirac en 2002. L’autre conséquence de la politique de l’autruche est l’impuissance des Français face à la gestion politique du pays, en ce sens qu’ils ne sont pas entendus et  peuvent donc être de plus en plus défaitistes et fatalistes, conduisant à renforcer le système oligarchique qui tend à remplacer notre démocratie usée.

Comme un démenti immédiat au discours du président de la République, Jean-Claude Mailly a dénoncé "un bug dans le dialogue social" à l’issue d’une réunion à huis clos au cours de laquelle des désaccords sur le Pacte de responsabilité seraient apparus, et où le Premier ministre aurait fait des "déclarations intempestives". Quelle est la part de responsabilité et du mode de gouvernance de François Hollande dans l’échec de la bonne tenue de ce "dialogue social" ?

Jean-Charles Simon : Le Président a d’abord surestimé l’importance de cette conférence. Or, les syndicats savent bien qu’il n’y a aucun enjeu réel dans la conférence en elle-même, pas plus que dans les précédentes. Ils peuvent donc à peu de frais démontrer leur mauvaise humeur en pratiquant la politique de la chaise vide. L’exécutif est également pris à défaut à cause de sa navigation à vue : à ne pas vouloir trancher, il mécontente un peu tout le monde en essayant de ménager à tour de rôle ceux qui expriment leurs désaccords. En l’occurrence, en essayant de calmer le patronat sur le compte pénibilité, il a donné le prétexte de leur boycott à CGT et FO. Mais plus fondamentalement, il est temps de réaliser que le "dialogue social" au niveau national est, aujourd’hui comme hier, une vaste illusion. Quand l’exécutif veut décider, il le fait, et les partenaires sociaux sont mis devant le fait accompli. Et quand il ne sait pas ou ne veut pas décider, le pouvoir renvoie aux partenaires sociaux qui, par construction, n’aboutissent à rien ou presque.

Benoît de Valicourt : Sans aucun doute le report du compte pénibilité et le peu de pragmatisme qui reste chez les membres du gouvernement en matière de capitalisme sont de la responsabilité de François Hollande et du Premier ministre, mais nous ne pouvons pas ignorer l’irresponsabilité de Jean-Claude Mailly qui en dénonçant "un bug dans le dialogue social" n’a ni plus ni moins avoué qu’il est le virus destructeur du dialogue social français. Comment un homme qui a connu dans sa vie professionnelle 3 pauvres petites années comme salarié à la CNAM  peut-il vouloir défendre les travailleurs de France qui fournissent un boulot ingrat et fatiguant alors qu’il use le cuir de son fauteuil de bureau ou celui du siège arrière de sa berline avec chauffeur ? Soyons sérieux 2 minutes, des hommes comme Jean-Claude Mailly sont les fossoyeurs du dialogue social, ils sont les responsables des mouvements contestataires, ils sont les sans-culottes de la Terreur.

A propos du Pacte de responsabilité, François Hollande a annoncé que les "assises de l’investissement" se tiendraient en septembre, "dans le but d'adapter nos dispositifs de financement pour que l'économie en soit la seule bénéficiaire". Hollande semble renouer avec sa tendance à faire jouer la montre. Le pacte verra-t-il jamais le jour ? Quelles conséquences cette indécision pathologique a-t-elle ?

Jean-Charles Simon : Il serait malheureux que les mesures d’allégement des prélèvements obligatoires prévues par le pacte de responsabilité n’entrent pas en vigueur au plus vite. Ou qu’elles soient amoindries par je ne sais quelles contreparties. Or c’est bien ce qui pourrait advenir si on s’en tient aux propos de ce lundi, où il a semblé s’agir de rassurer les syndicats de salariés en multipliant les comités de suivi et les demandes de négociation dans les branches. Comme s’il fallait contrebalancer les annonces plutôt en faveur du patronat de la semaine précédente… Le risque est donc que la méthode des petits pas, des délais et de l’hésitation permanente entre des choix tranchés donne un résultat peu lisible. C’était déjà un peu le cas avec le CICE : une baisse sensible des prélèvements mais un étalement trop important dans le temps, un crédit d’impôt moins lisible qu’une simple baisse des charges et un laïus inquiétant pour les entreprises sur ce qu’elles ont le droit ou pas d’en faire… Espérons que les nouvelles mesures du Pacte de responsabilité seront plus simples et claires, car c’est le gage de leur efficacité.

Benoît de Valicourt : Le président de la République reste en campagne, il continue à promettre monts et merveilles expliquant qu’il faut tendre vers un idéal d’économie juste et équitable. Pour cela, il est nécessaire de réfléchir et d’apporter des réponses aux problèmes posés. Cela me fait penser aux religions et plus particulièrement au monde chrétien dans lequel le chef de l’Eglise explique ce vers quoi il faut aller, convoque un synode pour réfléchir et lance une bulle apostolique pour donner l’orientation sans avoir le pouvoir de contraindre qui que ce soit de l’appliquer, la Foi relevant du plus grand mystère de l’homme. Toutes les bonnes intentions sont de nature à rassurer et s’agissant des objectifs à atteindre, ils sont le sens de l’action aussi lente soit elle ! François Hollande le sait, il n’y a aucune raison objective d’aller vite, 2017 est encore loin et la mémoire politique des Français est de 6 mois… "Gouverner, c’est prévoir", c’est donc prendre toutes les décisions qui permettront la réélection de celui qui gouverne et si le Pacte de responsabilité est un frein, il sera sacrifié sur l’autel du pouvoir. La notion de justice sociale appartient bien aux socialistes, il n’y a pas de doute mais c’est comme en religion, il y a beaucoup plus de non pratiquants !

Propos recueillis par Gilles Boutin

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