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Vous ne vivrez pas forcément plus vieux en ayant des amis au travail...
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Ecueil scientifique

D’après une récente étude, avoir de bonnes relations au travail augmente l’espérance de vie. Mais comme souvent avec les études scientifiques, attention aux conclusions trop hâtives et aux erreurs d'analyse...

Michel Claessens

Michel Claessens

Michel Claessens est directeur de la communication du projet ITER à Cadarache.

Docteur en sciences, il a été journaliste scientifique. Son dernier ouvrage s'intitule Allo la science ? (Editions Hermann, 2011).

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D’après une récente étude publiée par des chercheurs israéliens, avoir de bonnes relations au travail augmente l’espérance de vie. Quelques notions élémentaires doivent cependant nous inciter à ne pas tirer des conclusions hâtives de ce genre d’observations.

Il est question ici de ce qu’on appelle la corrélation. Dire, en probabilités et en statistique, que deux ou plusieurs variables aléatoires ou numériques sont corrélées revient à affirmer l’existence d’une liaison plus ou moins intense entre ces variables. C’est-à-dire que l’augmentation de l’une entraîne celle de l’autre, et inversement. On sait par exemple qu’il existe une corrélation entre la nébulosité et le risque de pluie. Mais cette relation n’est pas stricte non plus : l’apparition de nuages n’annonce pas toujours une averse. Il existe des corrélations élevées (comme celle entre l’ensoleillement et la température moyenne), nulles (dans le cas de deux variables indépendantes comme, par exemple, la pluviosité et le cours de la bourse) voire négatives (comme chez les jeunes filles, où les plus grandes sont souvent les plus minces, ce qui explique la corrélation négative observée entre taille et poids).

Une erreur courante est de croire qu'une corrélation élevée signifie une relation de cause à effet entre les deux phénomènes mesurés. En réalité, deux phénomènes peuvent être corrélés via une troisième variable non mesurée voire inconnue, et dont dépendent les deux autres. Par exemple, le nombre de coups de soleil observés dans une station balnéaire, par exemple, peut être fortement corrélé au nombre de lunettes de soleil vendues ; mais aucun des deux phénomènes n'est probablement la cause de l'autre.

Dans le cas de l’étude israélienne, la corrélation observée peut être interprétée de différentes façons. Sur la base des informations récoltées pour 820 personnes issues de différents milieux professionnels, les chercheurs ont constaté que celles qui avouent avoir peu de rapports avec leurs collègues - ou des relations plutôt froides - ont 2,4 fois plus de chance de mourir dans les 20 prochaines années. Mais plusieurs interprétations peuvent être avancées. La relation observée peut par exemple être liée à la fonction de ces personnes dans l’organisation : un poste de management entraîne plus de relations professionnelles mais aussi un stress qui peut avoir un impact positif sur la santé.

L'abus des corrélations dans la vie de tous les jours

En réalité, nous usons et abusons des corrélations dans la vie de tous les jours, et pas toujours de façon très rationnelle. En décidant d’augmenter le nombre de radars sur nos routes, nos dirigeants postulent que ceci entraînera automatiquement une baisse du nombre d’accidents, donc de victimes. Mais entre les deux phénomènes, bien d’autres variables compliquent la relation. L’effet des radars sur le comportement des conducteurs pourrait même être quasi nul en l’absence de toute pénalité.

De même, lorsque le gouvernement annonce en fanfare une hausse de la croissance économique, c’est parce qu’il suppose un impact positif sur notre bien-être. Pourtant, il est bien connu que « booster » la croissance peut également susciter des déséquilibres écologiques, sociologiques et politiques, qui n’améliorent donc pas la qualité de vie. Lorsque nous donnons des noms d’oiseau au chauffard qui a franchi la ligne blanche, c’est parce que nous sommes intimement convaincus qu’il  répétera ce comportement incivique à d’autres occasions, dans sa vie privée comme professionnelle. Et nous n’avons peut-être pas tort.

L’actualité semble même nous donner raison, vu les nombreuses affaires récentes où se mêlent vertu privée et vie professionnelle. Si les affaires DSK, Tron et Ferry ont eu un tel impact, c’est parce que nous postulons - ou espérons - implicitement une relation entre la position sociale d’un individu et ses valeurs morales. Et peut-être qu’une étude scientifique démontrera un jour l’existence, dans la classe politique, d’une forte corrélation positive entre valeurs personnelles et comportements publics, ou plus exactement entre morale et éthique. Ce qui retentirait, pour certains élus, comme un arrêt de mort, dans la mesure où des travers avérés dans la vie privée pourraient entraîner illico la fin de leur carrière politique. Dans le domaine du business, certains chercheurs ont cru établir une relation entre l’éthique d’une entreprise, bref ses valeurs, et sa valeur tout court (boursière). En est-il de même pour nous ? QI, croissance, résultats scolaires, etc. : l’humanité a toujours cherché à classer les comportements humains. Donnez-moi vos mesures et je vous dirai qui vous êtes !

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