Et le secret insoupçonné du succès de l'école finlandaise est...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
Et le secret insoupçonné du succès de l'école finlandaise est...
©Reuters

Devinette

Indice : il ne se trouve ni dans les livres de classe, ni dans les cours de sensibilisation à l'égalité homme-femme.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

Voir la bio »

Atlantico : Depuis les années 1960, les écoliers finlandais ont droit à 15 minutes de récréation toutes les 45 minutes de classe. Cela permettrait aux enfants d'assimiler plus facilement les leçons et d'accroître leur concentration lors des heures de classe. Ce système est-il à l'origine du succès scolaire des petits Finlandais ?

Pierre Duriot : Ce paramètre est l'un des ingrédients du système finlandais, ce n'est sans doute pas le plus prépondérant, mais il tient compte en effet du temps d'attention que peut fournir un élève de l'école primaire et respecte les processus de l'apprentissage chez l'enfant. Il n'y a en fait pas de panacée en matière éducative sur le long terme. L'observation le montre, les temps changent et les élèves aussi, ainsi que les contextes culturels, les environnements et les modalités éducatives... tout cela conduit à envisager un système éducatif susceptible soit de contrer des dérives, soit de s'y adapter et de les accompagner pour pouvoir les infléchir. Le système finlandais est celui d'un petit pays riche et dispose d'un fort taux d'encadrement. Il est très difficilement comparable à celui de la France.

Qu'entend-on par récréation ? Quelle forme devrait-elle prendre ?

La récréation a plusieurs fonctions, permettre à l'enfant de s'aérer, de digérer les apprentissages, mais également, expérimenter les modalités du « vivre ensemble », soit de manière libre, sous surveillance, avec des enfants qui s'organisent spontanément dans des jeux, soit qui justement ne s'organisent pas et en restent à la confrontation, à l'intimidation, avec les dérives que l'on a pu constater comme le harcèlement d'un élève par un groupe, le jeu du foulard, de la cannette et autres joyeusetés qui se soldent parfois par des tabassages ou des acharnements.

On peut transformer la récréation en espace de jeux à règles, sportifs normés (foot, basket) ou ludiques (billes, balle aux prisonniers), mais il faut aussi laisser les enfants « frotter » leurs personnalités les uns aux autres sans autre intervention de l'adulte que la surveillance rapprochée afin d'expérimenter et d'apprendre à gérer ces confrontations autrement que par la violence.

Combien de minutes d'attention un élève de primaire peut-il accorder à une matière ? De quoi dépend cette attention et comment l'accroître ? Quel est le processus d'apprentissage d'un écolier ?

C'est très variable, généralement 15 à 20 minutes, mais comme pour tous les autres paramètres sociétaux et économiques, les écarts se sont creusés. Certains enfants marqués par la vie, très préoccupés par des considérations personnelles, ont des temps d'attention très réduits, voire n'apprennent pas du tout. Des enfants sans cadres, avec peu d'éducation, sachant peu gérer les frustrations, l'attente, la séparation d'avec les adultes de leur famille, sont également peu disponibles pour les apprentissages.

Nous assistons, depuis les dernières décennies à une multiplication de profils d'enfants devenus difficiles à enseigner dans les cadres classiques de l'école. Un écolier n'apprend pas au sens strict du terme au moment où le professeur dispense. Il doit ensuite assimiler, mettre en sens le savoir ou le savoir-faire, le relier aux autres apprentissages déjà présents dans son cerveau. On sait maintenant qu'une partie de ce travail se fait pendant le temps de sommeil, lequel a diminué sensiblement au cours des deux dernières décennies.

Peut-on parler d'une obsession française à penser que l'on apprend mieux dès lors que l'on est assis en classe ?

Non, d'ailleurs, les élèves d'aujourd'hui ne sont pas si assis que cela, se regroupent, disposent de coins lecture, de fiches personnelles... ceci dit, pour que le message passe, à un moment, il faut une attention, une relation particulière entre l'enfant et l'adulte et ce sont ces instants qui sont les plus difficiles à obtenir avec une classe d'enfants d'aujourd'hui. L'attention est fugace, la légitimité de l'adulte à enseigner pas toujours très claire pour eux, la motivation pas évidente... ces problèmes de posture face aux apprentissages sont devenus le premier souci de l'école. On pourra toujours arguer d'une mauvaise qualité pédagogique de tel ou tel professeur, il n'empêche, l'élève d'aujourd'hui ne se présente pas devant les apprentissages dans les mêmes dispositions que ses parents ou ses grands parents.

Ce système pourrait-il être applicable en France ? Quelles conséquences le programme actuel français d'1h30 de cours pour 20 minutes de récréation engendre-t-il ? Devrions-nous le remettre en question ?

Oui, ce système pourrait être applicable en France dans l'absolu, mais en France aussi on tient compte du temps d'attention des enfants tel qu'il a été observé et mesuré. Aucun enseignant de CP ou de CE1 ne programme des « leçons » demandant un temps d'attention supérieur à vingt minutes. Les phases de travail, même si elles durent une heure trente, sont entrecoupées d'activités nécessitant moins d'attention de la part de l'élève. Après, la récréation dépend de nombreux autres facteurs : les enfants peuvent avoir un ou deux étages à descendre pour se rendre en récréation. Il peut ne pas y avoir de préau pour les jours de pluie, faire très froid et des parents qui viennent rouspéter si l'enfant est mouillé à son retour à la maison.

En décembre 2013, le système éducatif finlandais a été remis en question par l'étude PISA, étant donné que leur note est passée de la 3ème à la 12ème place. Où en est le système éducatif en Finlande aujourd'hui ? Qu'est-ce qui a été remis en question ? Qu'est-ce qui a été conservé ?

On touche là à des items multiples dont certains concernent directement le statut de l'enfant, sacralisé dans non sociétés occidentales modernes. L'enfant au centre de l'apprentissage, en fait au centre de tout, l'adulte à l'écoute de l'enfant, une tolérance sans bornes à l'égard des enfants, le manque de cadres clairs, ont amené un peu partout les mêmes profils générationnels appelés Y et maintenant Z, pour désigner de nouvelles personnalités plus ou moins en but avec les règles et les adultes sensés les enseigner.

D'un point de vue d'enfant, quel intérêt aurait-il à grandir pour n'être plus le centre de rien et devenir un adulte à l'écoute d'un enfant ? Dans les têtes blondes, grandir, donc apprendre, n'est pas toujours synonyme de quelque gain que ce soit. Certains enfants vous disent en mots très clairs qu'ils n'ont pas envie de grandir, bien conscients à la fois qu'ils ont souvent une place plus enviable que celle de leurs parents confrontés aux sociétés plutôt anxiogènes que l'on connaît, tout en étant conscient en même temps qu'il n'y a pas d'alternative à grandir.

Les finlandais aussi connaissent et se heurtent à ces nouveaux profils d'enfants issus de sociétés d'abondance inégalitaires, d'états providences et de tissus électroniques informationnels devenus prépondérants. Les petits finlandais ont changé comme les autres sous l'influence d'un contexte très permissif à leur égard et dont on connaît parfaitement les effets. La Finlande a aussi fait face à un afflux important de populations immigrées tenants d'autres cultures, est confrontée à une tâche d'assimilation et d'instruction d'une population non autochtone, avec donc l'obligation d'évoluer, de revoir ses schémas habituels et en la matière le temps de latence est important. Ces évolutions expliquent en partie le décrochage constaté.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !