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Le procès Moubarak n'est pas celui du régime
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Pots cassés

Les forces armées ont toujours la mainmise sur l'Egypte.Pour leurs dirigeants, il est hors de question que le procès de Moubarak remette en cause le régime dans son ensemble.

Michel  Bounajem

Michel Bounajem

Michel Bounajem est journaliste à Asharq Al-Awsat et ancien président du Club de la Presse Arabe à Paris.

 

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ATLANTICO : Après avoir vu leur ancien président sur une civière pour le premier jour de son procès, dans quel état d’esprit sont les Egyptiens à la veille de la reprise des audiences ?

Michel Bounajem : Il y a trois catégories d'Egyptiens. Il y a ceux, et ils sont majoritaires, qui pensent que ce n'est que justice, et qu'il n'a qu'à répondre des actes qu'il a commis pendant trente ans. Ils se réjouissent que ce procès ait lieu, ils demandent qu'il continue et qu'un jugement soit prononcé à la fin. A l'opposé, il y a ceux qui compatissent. Ce sont d'anciens partisans du président Moubarak qui considèrent qu'infliger une telle humiliation, qu'il soit amené sur une civière, traité de cette façon, est inacceptable. Entre les deux, beaucoup considèrent que Moubarak a commis des erreurs mais qu'il faut tourner la page, oubliant tout ce qui s'est passé et essayant de construire la nouvelle Egypte.

Peut-on s’attendre à ce que Moubarak fasse l’effort d’être présent chaque jour ?

Ca dépend de l'état de santé de l'ancien président. Ce n'est pas du cinéma. Il est vraiment malade, et d'ailleurs on a vu dans quel état il était. Etant donné la réponse qu'il a faite au président du tribunal quand il a nié les accusations portées contre lui, et en écoutant les quelques indiscrétions venant de son entourage, on peut comprendre qu'il tient à être présent.

On ne sait toujours pas si le procès sera juste et conforme. J'ai suivi la première séance à la télévision, et j'ai vu dans quel état de chaos elle se tenait, avec le nombre impressionnant d'avocats présentés par la partie civile, ainsi que les interventions lapidaires et dictatoriales du président. La procédure me laisse un peu sceptique. Ce qui est sûr est qu'il y a une volonté politique, celle du conseil supérieur des forces armées, sans laquelle le procès n'aurait pas eu lieu. Il faut rappeler que plusieurs vendredis sur la place Tahrir ont été nécessaires pour que le conseil fasse en sorte que le procès ait lieu.

Par ailleurs, le conseil supérieur des forces armées a intérêt à ce que les débats soient circonscrits au cas Moubarak. On ne veut pas que ce procès vire à celui du régime. On veut que ce soit seulement le procès de quelques personnes. Si ce débat est lancé, il faut savoir que les forces armées sont l'acteur principal en Egypte, qui est l'origine du pouvoir et assure la stabilité du régime et du pays. Même d'un point de vue économique, jusqu'à 30 % de l'économie égyptienne est soumise à l'autorité des forces armées. Il ne faut pas que ce procès vire au déballage sur les trente ans de pouvoir de ce régime.

En effet, le personnel politique est resté le même après le départ de Moubarak…

Les ministres, les directeurs généraux, les responsables des médias... tous étaient déjà là du temps de Moubarak. C'est assez normal, car servir le régime était le mot magique pour obtenir quelque chose. Comme dans les régimes totalitaires, il fallait être dans le parti unique pour accéder aux postes, obtenir une bourse pour ses enfants, un travail, un logement, etc. Depuis le moins de février, ceux qui ont été poursuivis l'ont été individuellement. On ne veut pas faire le procès du régime.

Il faut trouver un équilibre pour empêcher la frustration de la population, et empêcher qu'elle descende dans la rue, et éviter un déballage total. C'est un point difficile à trouver, et il y aura des dérapages chemin faisant.

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