Les batailles politiques qui attendent François Hollande cette semaine<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande entame ce lundi une semaine sensible.
François Hollande entame ce lundi une semaine sensible.
©Reuters

Gladiator (ou pas)

François Hollande entame ce lundi une semaine sensible avec l'ouverture du débat sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale aujourd'hui, le vote sur les recettes le lendemain et l'examen mercredi 2 juillet par le Conseil Constitutionnel de la réforme territoriale.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Alors qu'une partie de la majorité manifeste toujours plus son mécontentement, que peut-on attendre de cette succession d'événement politiques à haut-risques pour le gouvernement alors que Manuel Valls s'est récemment inquiété d'une "mort" de la gauche ?

Jean Petaux : Je persiste à penser que les députés "frondeurs" sont dans de pures postures. Ils ne prendront pas le risque d’une censure du gouvernement (si jamais l’article 49-3 devait être engagé). Donc très simplement : si le gouvernement se "couche",  c’est qu’il manque de courage et qu’il aura accepté de rendre les armes devant ces députés hostiles à la politique conduite dans le cadre du pacte de responsabilité. A cette réserve près (la lâcheté politique), je ne crois pas du tout à une crise politique aiguë pour la première semaine de juillet. Manuel Valls doit être en mesure faire passer les mesures budgétaires que le président de la République a prévues dès le 14 janvier 2014. Je considère donc qu’il n’y a pas de "haut-risques"  encourus pour le gouvernement cette semaine. Et, de toute manière, si le gouvernement est désavoué par l’Assemblée d’ici le 10 juillet, cela provoquera une réaction politique et institutionnelle en chaine. Autrement dit l’Assemblée sera directement impactée par cela. Pour paraphraser le fabuliste :"Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient atteints", à propos des "Animaux malades de la peste", on peut dire ici : "Ils n’en mourront peut-être pas tous, mais tous seront gravement touchés"…

L'ouverture du débat sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale ce lundi 30 juin s'avère délicate pour un gouvernement qui semble avoir épuisé ses marges de manœuvres financières comme politique. Qu'attendre de cet événement alors que 60 "frondeurs" du PS ont déposé une vingtaine d'amendements rectificatifs ?

Rien… Le gouvernement va faire en sorte de faire rejeter les amendements des "60 boudeurs" qui n’ont absolument rien à proposer comme alternative. S’il n’y parvient pas c’est qu’il s’y sera pris comme un manche et que le président du groupe parlementaire socialiste (Bruno Leroux) qui doit voir son mandat renouvelé mardi est autant un président de groupe parlementaire qu’un professeur de claquettes.

La stratégie des "Soixante" est, à bien y regarder, totalement vaine. Que cherchent-ils ? A se dédouaner auprès de l’électorat de gauche ? La dernière séquence électorale a montré que la gauche de la gauche ne récupère absolument pas le mécontentement très majoritaire dans ce qui fut l’électorat Hollande… A apparaître comme un "plan B" pour la gauche socialiste ? Sur quelle base politique ? Elle est illisible… Une alliance avec le Front de Gauche ?... C’est Mélenchon qui va apprécier… Avec les Verts ? Lesquels ? … L’extraordinaire ambiguïté de cette "aile gauche" du PS contient en elle-même son manque absolu de crédibilité.

Cet événement sera suivi le lendemain du vote de Projet de loi de finances rectificatives, un autre sujet qui génère la colère de l'aile gauche. Le gouvernement a-t-il une chance d'imposer ses vues en la matière malgré une majorité toujours plus fragile ?

J’ai déjà répondu à cette question. La réponse est "oui bien entendu s’il souhaite imposer ses vues". Encore une fois, la lettre des institutions est claire. C’est le président de la République en France qui dispose de l’arme absolue et nucléaire : celle de la dissolution. Si François Hollande considère demain qu’il ne doit pas dissoudre l’Assemblée nationale dans l’hypothèse où celle-ci rejette majoritairement le projet de loi de finances tel qu’il va être présenté aux députés, alors qu’il en a fait l’axe majeur de sa politique, au moins depuis la conférence de presse du 14 janvier 2014, on sera en droit de se demander à quelle occasion il exercera son droit de dissolution ? Sauf à imaginer l’ouverture d’une nouvelle jurisprudence dans la pratique des institutions qui se résumerait ainsi : "censure = non-dissolution" (qui serait extrêmement grave car, pour le coup, le pouvoir présidentiel serait terriblement affaibli) on voit mal ce qui permettrait à l’Assemblée actuelle, en cas de rejet de la loi de finances rectificatives, de "sauver sa tête"… Je réponds donc précisément à votre question : "le gouvernement a toutes les chances d’imposer ses vues parce que c’est lui qui tient le revolver".

Dans un contexte déjà agité, le Conseil Constitutionnel se prononcera ce mercredi 2 juillet sur la validité de la réforme territoriale, un éventuel refus revenant à retarder un projet déjà épineux et rejeté par le Sénat. Cette réforme-phare du gouvernement Valls est-elle en train de prendre lentement mais sûrement une voie de garage ?

Je ne le pense pas. Il ne faut pas confondre les manœuvres de retardement et l’adoption finale d’un texte. Ce qui est certain, encore une fois, c’est que ce pays comme le dit Jacques Attali est perpétuellement prisonnier des "corporatismes" et des "rentiers". Ce qui est encore plus important à mes yeux (bien plus que l’alliance de la carpe et du lapin entre l’UMP, les Radicaux-Socialistes et les Communistes au Sénat pour porter le texte au Conseil constitutionnel) c’est le fait que le gouvernement ne trouve pas de majorité alternative pour soutenir cette réforme. En privé nombre de personnalités importantes de l’UMP ou de l’UDI reconnaissent le bien-fondé de la réforme territoriale, mais aucun n’ose franchir le "Rubicon" du clivage droite-gauche et appuyer publiquement le projet gouvernemental… C’est en quelque sorte la réponse du berger à la bergère par rapport à la réforme antérieurement engagée par Sarkozy qui a abouti à la loi du 16 décembre 2010. Mais, en même temps, c’est à désespérer de la capacité des politiques, en France, à se dépasser eux-mêmes pour des enjeux qui les transcenderaient.

Peut-on s'inquiéter plus largement d'une lente dissolution d'une majorité socialiste toujours plus faible alors que les fameux "frondeurs" du PS emmenés par Martine Aubry semblent préparer une contre offensive pour l'été ?

Martine Aubry ne représente absolument pas une alternative politique crédible. Pour paraphraser François Mitterrand au sujet de son père Jacques Delors : "Il aimerait certainement être président de la République, mais il ne veut pas être candidat", je dirais : "Elle veut peut-être gouverner le pays mais elle voudrait le faire en n’ayant pas de président de la République au-dessus d’elle"… Si Martine Aubry "emmène les frondeurs" comme vous dites, l’aile gauche du PS autrement dit, comment se fait-il qu’elle a passé, en son temps, une alliance avec le MODEM dans sa mairie de Lille et pourquoi a-t-elle fait en sorte de soutenir un candidat de centre-droit à la président de Lille-Métropole en avril 2014 après les Municipales ??? Si l’aile gauche du PS trouve en Martine Aubry son chef de file officiel (maintenant qu’elle est "libérée" de l’hypothèque de sa mise en examen dans le dossier de l’amiante) alors il y a réellement de quoi s’interroger sur ce que veut dire "la gauche du Parti Socialiste" en termes de projet politique ou d’idéologie. Martine Aubry est tout autant social-démocrate que François Hollande, et n’était l’hostilité profonde qui préside à leur relation, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette de différence entre leurs "lignes politiques"… Je pense qu’il y a plus de chance que la contre-offensive de "Martine et les frondeurs" se résume en un nouvel album de "Martine à la plage" qu’à une vraie révolte politique d’envergure cet été.

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