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Le porte-avions chinois 
est-il à craindre ?
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A l'eau !

La Chine vient de mettre à l'eau son premier porte-avions, le Shi Lang. Acheté à bon prix aux Ukrainiens, il semble être loin du niveau technologique atteint dans ce domaine par les Américains ou les Français. Cependant, l'empire du Milieu avance à grand pas. Est-il en passe de devenir la première puissance maritime mondiale ? Éléments de réponse avec Bernard Prézelin, auteur du célèbre almanach spécialisé "Flottes de combat".

Bernard Prézelin

Bernard Prézelin

Bernard Prézelin est un spécialiste des navires de guerre.

Il est l'auteur de "Flottes de combat", almanach français recensant l’ensemble des bâtiments des marines du monde.

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Atlantico : Comment expliquer qu’un bâtiment construit en Ukraine dans les années 80 soit devenu le premier porte-avions chinois ?

Bernard Prézelin : L’historique de ce bâtiment est plutôt original. Il a effectivement été construit en Ukraine. Il avait été commandé par la marine soviétique de l’époque. C’était le "sistership" du porte-avions russe Amiral Kouznetsov. Il a été mis sur cale à Nikolaïev, en Ukraine. Lors de l’effondrement de l’empire soviétique, l’Ukraine a acquis son indépendance et avec cela des notions capitalistiques. Ils ont annoncé à la marine russe qu’ils ne livreraient ce bâtiment, initialement appelé Riga mais rebaptisé Varyag, que si les Russes assuraient de payer la facture du chantier. La marine russe étant incapable de financer ce bâtiment, Il a été mis en vente sur le marché international. Moscou s’y est formellement opposé et a tenté de conclure un accord selon lequel la marine ukrainienne pouvait conserver gratuitement un croiseur lance-missile qui était en achèvement dans ses chantiers à condition qu’elle ne cède pas le fameux Varyag. Les Russes auraient acheté le bâtiment, une fois les caisses renflouées. Voyant qu’ils ne pourraient jamais payer, les chantiers ukrainiens ont décliné l’offre et mis en vente le bâtiment.

Il a été acheté en juin 2000 par un sombre homme d’affaire chinois, de Hongkong,  qui prévoyait de le transformer en casino flottant à destination de Macao. Après moult péripéties, notamment au passage du détroit turc et au Canal de Suez, le bateau arrive enfin en Chine en mars 2002. Il n’est pas allé à Hongkong comme initialement prévu, mais à Dalian, au nord de la Chine, où se trouve un important chantier naval civil et militaire. Après de nombreuses études règlementaires, les travaux commencent dans le plus grand secret en 2005. 6 ans après, il est mis à l’eau.

Pourquoi les Chinois ont-ils dû acheter leur porte-avions en Ukraine ? Ne sont-ils pas capables d’en construire un ?

C’est une question de technologie. Dans le domaine commercial, les Chinois savent construire des minéraliers, des porte-conteneurs, des pétroliers, que des bâtiments sans grande valeur ajoutée. Ils commencent à maîtriser les méthaniers mais ne savent toujours pas faire de paquebot. En ce qui concerne les bâtiments de guerre, ils ne peuvent construire que des navires de taille réduite : destroyers, frégates et bâtiments auxiliaires. Ils n’ont jamais su faire de porte-avions.

Il y a plus de trente ans, ils avaient racheté le porte-avions australien Melbourne pour le démanteler et tenter d’en récupérer des informations utiles. Ils ont également acheté trois ex porte-aéronefs soviétiques, le Kiev, le Minsk et le Novorossiysk, dans le même but. Ils servent maintenant de parcs d’attraction… Ils étaient aussi très intéressés pour acheter notre vieux porte-avions Clémenceau quand il a été démantelé.

Il est très probable, quasi certain, que les Chinois aient commencé cette année la construction d’un porte-avions purement chinois, dérivé du Shi Lang.

Les Chinois ont-ils vraiment besoin d’un porte-avions ? Ne serait-ce pas qu’une démonstration de force à destination des autres pays ?

Il est vrai que cela apparait comme une démonstration de force vis-à-vis de leurs voisins japonais, coréens et même indiens. Le fait de l’avoir nommé Shi Lang, du nom de l’Amiral Shi Lang, conquérant de Taiwan en 1681, est un clin d’œil certain au « vieil ami » taiwanais. C’est aussi une question de prestige. Les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU disposent tous de porte-avions. C’est un outil diplomatique très fort qui permet de s’attribuer le qualificatif de « grand puissance ». Ils souffraient clairement de ne pas en avoir.

Quand le porte-avions sera-t-il opérationnel ?

Il va d’abord falloir faire des essais à la mer pour pouvoir valider la mise en service du « flotteur ». Ensuite, ils vont devoir essayer en conditions tous les systèmes électroniques. Les radars, l’armement d’autodéfense (artillerie multitubes et missiles courte-portée) doivent également être testés. Le plus compliqué pour eux sera l’acquisition de cette culture aéronautique qui leur fait défaut. Cela ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Il leur faudra une période de temps de 5 à 10 ans pour maitriser pleinement l’outil fort complexe qu’est un porte-avions.

Que manque-t-il aux Chinois pour devenir la première puissance maritime mondiale ?

La Chine est la troisième puissance mondiale par le tonnage. Ils ont atteint ce rang, en l’espace de 10 ans, ce qui est tout à fait impressionnant. Ils sont passés d’une marine à vocation côtière (Brown Water Navy) à une marine océanique qui va au large (Blue Water Navy), en un temps record. Ils ont un nombre de bâtiments très important mais il leur manque, mis à part un porte-avions complètement opérationnel, des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et d’attaque. A ce niveau-là, le retard est énorme. Ils en sont encore à des modèles équivalents au premier SNLE français élaborés dans les années 60 et 70.

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