L'étrange faillite de la France : vers un 1940 économique <!-- --> | Atlantico.fr
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La France est au bord de la faillite
La France est au bord de la faillite
©Flickr/danielmoyle

Bonnes feuilles

La France est devant la crise mais le diagnostic officiel semble nettement minimiser le mal et peine par conséquent à y apporter un remède adéquat. Extrait de "La France, une étrange faillite", de Morad El Hattab, Philippe Jumel et Pierre-Philippe Baudel, publié aux éditions Alpharès (2/2).

Philippe  Jumel

Philippe Jumel

Philippe Jumel est professeur agrégé d'histoire. Il est notamment co-auteur de La Génération 68 au service de la mondialisation (Editions David Reinharc, 2008).

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Morad  El Hattab

Morad El Hattab

Morad El Hattab est conseiller-expert en ingéniérie financière et en intelligence économique. Egalement écrivain et philosophe, il a publié Chroniques d'un buveur de lune (Albin Michel, 2006). Il est le lauréat du Prix littéraire pour la Paix et la Tolérance.

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Pierre-Philippe Baudel

Pierre-Philippe Baudel

Pierre-Philippe Baudel est conseiller en relations internationales.

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Le retour à la crise économique française des années 1930

« Nous sommes prêts et archiprêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats. » Maréchal Le Boeuf, ministre de la Guerre, juillet 1870.

En Italie, depuis 2007, la production industrielle s’est réduite de -25 %, en Grande‑Bretagne, depuis juin 2000, elle s’est réduite de -16,6 %, en France (Source : INSEE), par rapport à la moyenne de l’année 2005, la production industrielle atteint les indices suivants :

Depuis la moyenne de l’année 2005, la production industrielle française s’est réduite de -15,6 % en octobre 2012, -15,2 % en novembre 2012, -16,5 % en septembre 2013, et -17 % en décembre 2013.

Ces chiffres peuvent se comparer aux statistiques correspondantes de la production industrielle dans les années 1930.

L’indice général de la production industrielle française à partir d’une base 100 en 1928 s’établit au plus bas à 76 en avril et mai 1932, puis de nouveau à 76 en avril 1935, soit -24 %, mais en moyenne annuelle, il atteint tout de même 78 en 1932 et 79 en 1935.

Avec -25 %, la production industrielle italienne s’établit au niveau de la crise industrielle française des années 1930.

Avec -16,6 %, la production industrielle britannique s’établit à 80 % du niveau de la crise industrielle britannique des années 1930 (-19 %).

Et avec -15,2 % en novembre 2012, puis -16,5 % en septembre 2013, et -17 % en décembre 2013, l’indice français atteint les deux tiers des minima correspondants dans les années 1930. L’ennui, c’est qu’en France, ce n’est que le début, et le choix de la déflation pour réussir la dévaluation interne n’est pas encore fait.

Le désert des idées

Des gouvernements sans idées, affolés par la simple perspective d’une analyse économique différente du dogmatisme libéral de l’École de Vienne, ont, sous la présidence de Nicolas Sarkozy d’abord, de François Hollande ensuite, décidé de guérir la France de sa maladie des finances publiques alors qu’il ne s’agit que du reflet d’une désindustrialisation massive provoquée par le manque de compétitivité issu d’une surévaluation monétaire.

Le prix de la guérison, de 100 à 130 milliards d’euros par an d’un ensemble d’économies budgétaires et d’impôts nouveaux à partir d’un budget de 284,8 milliards d’euros de recettes et de 375 milliards d’euros de dépenses, va se payer par une déflation massive.

La réduction du PIB va exiger plus d’économies budgétaires et d’impôts nouveaux que l’actuel déficit (90 milliards d’euros). En effet, les réévaluations par le FMI des conséquences de l’effort de déflation vont d’un multiplicateur de 0,5 (une réduction du déficit budgétaire de 1 % du PIB entraîne une réduction du PIB de 0,5 %) à un multiplicateur réévalué de 1 à 1,7 % (une réduction du déficit budgétaire de 1 % du PIB entraîne une réduction du PIB de 1 à 1,7 %).

Donc, pour éliminer un déficit budgétaire de 4,8 % du PIB et le ramener à zéro, il faut donc consentir à une réduction semblable du PIB de 4,8 % à 8,1 % du PIB.

Or, il n’y a plus de croissance (+ 0,2 % du PIB sur toute l’année 2012 et déjà 0,0 % du PIB au quatrième trimestre 2012, et, même après l’exceptionnelle croissance de +0,5 % pour le deuxième trimestre 2013, elle sera au mieux de -0,1 % à +0,1 % pour l’année 2013), donc il faut anticiper une réduction future du PIB de 4 à 5 %.

Il semble bien qu’une réduction du PIB de 1 % entraîne un accroissement du chômage d’au moins 1 % de la population active. Bienvenue aux 70 000 faillites d’entreprises, aux 1 000 plans sociaux par an, aux 15 à 17 % de chômeurs en 2017 qui seront, il est vrai, masqués par des centaines de milliers d’emplois aidés, mêmes baptisés « d’avenir »… Bienvenue au Portugal, à l’Irlande, et à l’Espagne… Bienvenue à l’Italie et ses 10 000 faillites d’entreprises par mois. Comme le disait Winston Churchill : « Après la guerre, il n’y aura pas besoin d’aller à Pompéi pour visiter des ruines. »

Pendant ce temps la désindustrialisation va continuer et très vraisemblablement s’accélérer, et alors on ne voit pas très bien comment les investisseurs sur les marchés pourront accorder leur confiance à un pays sans industrie.

Pour rétablir la compétitivité de nos entreprises, le vrai choix s’établit entre la dévaluation interne et la dévaluation externe.

La dévaluation interne, c’est l’exemple des politiques européennes menées par le Portugal, avec 17 % de chômeurs et 120 000 départs annuels vers l’étranger ; par l’Irlande, avec 12 % de chômeurs, et 442 000 départs vers l’étranger, pour une population de 4 570 000 habitants ; par l’Espagne, avec 26 % de chômeurs, et 400 000 diplômés partis vers les cieux plus cléments de l’étranger, et avec une baisse moyenne de -15 % des salaires, or le commissaire européen, M. Olli Rehn, a déclaré nécessaire une baisse supplémentaire des salaires moyens de -10 %.

La dévaluation externe, c’est l’exemple, dans les années 1990, de l’expérience canadienne, avec une dévaluation de 20 % du dollar canadien ; de l’expérience suédoise, avec une dévaluation de 27 % de la couronne ; et de l’expérience finlandaise, avec une dévaluation de 33 % du mark finlandais.

Le choix, d’ailleurs implicite, est fait, et ce qui doit arriver arrivera car les décisions sont prises et rien ne peut les remettre en cause.

La crise en Europe, un nouveau 1940

« Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts. » Paul Raynaud, président du Conseil, avril 1940.

Commencée au printemps 2010, lorsque la vérité sur les finances sorcières de la Grèce est sortie du puits, la crise en Europe, seconde phase de la grande crise financière du début du xxie siècle est devenue une véritable fièvre aiguë devant la suffisance insuffisante des décideurs européens.

Chacun sait que si les jours se suivent et ne se ressemblent pas, les sommets européens se suivent et, eux, se ressemblent.

Avant, les décisions sont attendues, après, l’on apprend que les augustes participants ont très bien parlé de la question, et qu’une fois de plus l’Europe est sauvée. Affamés par la BCE, les États voient la monnaie commune devenir une monnaie étrangère de fait, puis lorsque le système bancaire menace de faire faillite, ils sont réduits à mendier le sauvetage européen à des conditions semblables à celle que le FMI imposa en 1997-1998 à l’Asie, d’où une crise restée célèbre en Asie sous le nom de « crise du FMI ».

Extrait de "La France, une étrange faillite", de Morad El Hattab, Philippe Jumel et Pierre-Philippe Baudel, publié aux éditions Alpharès, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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