Ce que le classement des 100 Français les plus riches révèle sur la façon de le devenir (et de le rester) aujourd’hui

Atlantico : Malgré la crise économique, le patrimoine des 100 plus grosses fortunes de France a augmenté de 10% en un an selon le magazine Capital (voir ici). Comment expliquer qu'en situation de croissance morose, et de perspectives peu réjouissantes, certaines personnes arrivent à augmenter leur patrimoine ? Quel est le secret de ceux qui progressent le plus en période de crise et pourquoi ?

Jean-Philippe Delsol : Avant de parler de ceux qui s'enrichissent, n'oublions pas que beaucoup perdent malgré tout en période de crise ! Ce qui est vrai cependant, c'est que quand on a déjà un peu d'argent et que l'on est habile à le gérer, il est plus facile de gagner de l'argent de nouveau. Ce sont les premières centaines de millier d'euros qui sont les plus difficiles à gagner. Pourquoi ? Car on n'a pas encore la confiance des banques, plus aisée à acquérir avec déjà un certain niveau de patrimoine. Or quand on a acquis cette confiance, on peut plus facilement faire des emprunts (et pour moins cher), et générer ce que l'on appelle "un effet levier". A savoir que l'on investit en empruntant une partie importante et si on réussit, son propre argent va avoir un taux de rendement plus élevé. Il est donc plus facile de s'enrichir quand on a déjà de l'argent. Mais il est aussi plus facile d'en perdre en comparaison avec quelqu'un qui n'en a pas !

Une personne déjà riche va aussi pouvoir diversifier ses risques. Cela permet de vous retrouver dans une situation où vous pouvez perdre sur neuf participations que vous pouvez prendre, et gagner beaucoup sur la dixième pour effacer les pertes et faire un bon profit.

Qu'est-ce que l'activité de ceux qui arrivent réellement à faire partie des plus gros patrimoines nous apprend de la manière de devenir riche en France et de l'économie française ?

La richesse est d'abord le fruit de l'habileté de l'entrepreneur. Cela réside dans cette capacité à bien connaître son métier d'entrepreneur, à être plus rigoureux, plus visionnaire sur les marchés. Ce n'est pas forcément une question de domaine. Je connais des promoteurs qui gagnent beaucoup d'argent alors que le secteur de l'immobilier traverse une période très difficile ; de même je connais des fabricants de ressort qui ont fait de gros profit alors que c'est un métier qui partout dans le monde est en déclin car les besoins sont en baisse. La capacité de l'entrepreneur à mettre en place une organisation efficace, c'est le plus important. Bien sûr, il y a des métiers dans lesquels vous pouvez gagner plus d'argent que d'autres. Mais regardez Xavier Niel, il y a vingt ans il n'était rien. Comment est-il devenu milliardaire ? En entrant dans un métier déjà pratiqué par d'autre, et qui n'a rien de nouveau. Il y a seulement apporté de l'innovation, pas seulement technique, mais organisationnelle.   

Avec un pouvoir d'achat qui plafonne et un chômage élevé qui pèse sur la hausse des salaires, est-il encore possible de franchement s'enrichir en étant seulement un salarié ? Le seul moyen de devenir riche passe-t-il par les revenus du capital ?

Tout dépend ce que l'on appelle riche évidemment… En France, les patrons sont plutôt moins bien payés qu'ailleurs puisque le rapport entre le décile le plus pauvre et le décile le plus riche (après impôt et redistribution sociale) est autour de 3,5 ou 4. Il y a donc beaucoup de salariés  qui se retrouvent ainsi dans le premier décile des revenus en France. Ils y représentent même la majorité. Mais pour être dans le premier décile, il suffit de gagner environ 4000 euros par mois. Par contre si vous me parlez du premier centile, il y a sans aucun doute une large majorité d'entrepreneurs et de professions indépendantes et très peu de salariés. Certes, le salarié, en contrepartie, ne prend pas le risque de perdre ses nuits et son argent dans un projet qui ne fonctionne pas. Globalement, il y a peu de salariés en France qui gagnent plus d'un million d'euros par an, ce qui est le niveau fixé pour la taxe à 75% qui ne concerne que quelques milliers de contribuables.  

La pression fiscale est très importante en France à mesure que le patrimoine s'accroît. Est-il possible d'être riche en France – et d'accroître réellement sa richesse – en étant un contribuable entièrement domicilié dans l'Hexagone ?

C'est possible évidemment, et c'est le cas de beaucoup de Français. Mais c'est incontestablement plus difficile qu'ailleurs. Au-delà d'un certain niveau, l'ISF représente 1,5% par an du capital. Cela veut dire qu'il faut gagner "net" plus de 1,5% de son capital pour que celui-ci ne baisse pas. En comptant l'inflation, cela veut donc dire environ 3% par an. Ce n'est pas un montant considérable, mais ce n'est pas négligeable non plus. 

Dans les librairies fleurissent les ouvrages nous conseillant "comment devenir riche" de préférence "en moins de dix ans". L'acquisition d'une fortune conséquente en un laps de temps court à l'échelle d'une vie humaine est-elle encore possible dans la France de 2014 ?

C'ets parfaitement possible de s'enrichir en France… mais sûrement pas en lisant ce type d'ouvrages. On s'enrichit si l'on rend service aux autres en trouvant des produits ou des services utiles que les autres entreprises n'offraient pas, ou pas aux mêmes conditions. Le client va choisir ce bien ou ce service nouveau et enrichir celui qui le propose.

Incontestablement depuis 25 ans, les technologies de l'informatique ont proposé un monde nouveau en seulement une génération. Ceux qui ont été au cœur de ce mouvement ont pu s'enrichir dans des conditions uniques. C'est l'exemple bien sûr de Bill Gates. Mais on peut devenir riche à une échelle déjà très acceptable en offrant des services plus modestes. Dans le domaine des loisirs et des voyages, surfant sur Internet, a permis à des sociétés de réussir de manière spectaculaire. On pourrait multiplier ainsi les exemples de ce type dans de nombreux secteurs d'activités.