Avec Alstom et Vivendi, l’État montre son incapacité à conduire une politique industrielle cohérente <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Francois Dubos.
Jean-Francois Dubos.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

La journée d’hier a été le théâtre d’une grande partie de Monopoly. Côté public, l’État a mis un point final à l’affaire Alstom. Côté privé, Vivendi s’est doté d’une nouvelle stratégie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ce qui s’est passé hier restera un cas d’école. Deux grandes parties de Monopoly ont trouvé leur épilogue.

La première partie jouait l’avenir d’Alstom. Le chef d’orchestre auto-proclamé de cette partition qui se joue depuis trois mois,  Arnaud Montebourg a fait vendre en fin d’après-midi 3,6% du capital de GDF-Suez pour récupérer 1,7 milliards d’euros. Cet argent devrait servir à payer les 20% que Bouygues détenait dans Alstom et permettre ainsi à l’État de rentrer dans cette nouvelle entreprise qui sera formée par l’union entre Alstom et General Electric.

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Cette opération dont on ne connait pas le détail était absolument indispensable.  Le gouvernement qui a finalement choisi la solution américaine, alors qu’il n’y en avait pas d’autres de sérieuses (sinon on l’aurait su) depuis longtemps, a posé des conditions draconiennes pour accepter le deal : le maintien de l’emploi et le contrôle de l’État dans la politique énergétique développée par le nouveau groupe. Il fallait surtout permettre à Arnaud Montebourg de sortir du piège dans lequel il s’était enfermé en défendant une solution indéfendable conduite par Siemens mais à laquelle même les gens de Siemens ne croyaient pas.

Alors, pour protéger Arnaud Montebourg on lui a offert le soin d’annoncer le deal, ce qu’il a fait dans tous les médias. Alors que l’Elysée y avait quand même beaucoup travaillé, mais peu importe.

Cette affaire montre à quel point un deal d’entreprise peut partir dans tous les sens quand le gouvernement s’en mêle et en profite pour faire de la politique.

D’abord, on a perdu beaucoup de temps, ce qui abime l’image de la France auprès des investisseurs étrangers qui voudraient venir travailler chez nous.

Ensuite, on introduit l’État dans une affaire privée sous le prétexte que l’activité est stratégique, donc on nationalise partiellement (20%) mais pour payer le ticket on dénationalise partiellement GDF-Suez. Il faudrait nous expliquer en quoi la fabrication des turbines d’Alstom serait plus stratégique que l’activité gazière et nucléaire de GDF-Suez.

Mais l’essentiel n’est pas là ; l’essentiel est qu’on a beaucoup parlé du rôle de l’État, de son influence, de son pouvoir de contrôle mais qu’on ne nous a pas expliqué à quoi ça pouvait éventuellement servir. Quelles va être la stratégie économique du nouveau groupe, quels en seront les dirigeants etc. etc... Quel rôle pour Patrick Kron qui est le responsable du redressement d’Alstom? Tout se passe comme si cette affaire avait servi d’outil au seul service d’un intérêt politique. Et c’est bien le cas. 

La deuxième partie de Monopoly s’est déroulée dans un cercle privé de façon diamétralement différente. Vivendi hier a organisé devant les actionnaires le changement de pouvoir à la tête du groupe Vivendi. Jean-René Fourtou a passé le flambeau à Vincent Bolloré  qui est devenu le premier actionnaire du groupe de médias avec 5%. Et avec ces 5% il a proposé une stratégie de recentrage sur le pôle média et les contenus qui ont été approuvé par les actionnaires.

Alors les choses ne se sont pas passées facilement. Vincent Bolloré et Jean-René Fourtou ne sont pas des Bisounours. Les discussions ont été compliquées. Il a d’abord fallu assainir le groupe, le nettoyer de certaines filiales non stratégiques, l’État s’en est d’ailleurs mêlé, Arnaud Montebourg déjà voulait vendre SFR, l’opérateur de téléphone, à Bouygues mais les actionnaires et les dirigeants de Vivendi ont refusé parce qu’il n’y avait de logique industrielle évidente. Au final, Vivendi a réussi a retomber sur un périmètre que Vincent Bolloré estime optimum pour gagner en profitabilité, c’est-à-dire en capacité de développement mondial.

On sait précisément le prix auquel toutes les transactions ont été faites, on connait très précisément la stratégie qui sera conduite par Bolloré et avec quel manager et selon quel calendrier. Vincent Bolloré n’aura de compte à rendre qu'aux actionnaires de Vivendi et à eux seuls. S’il ne délivre pas les résultats promis, il en paiera le prix.

Si Alstom ne délivre pas les résultats promis, il est probable qu’à ce moment-là, Arnaud Montebourg ne sera plus dans les parages pour  prendre ses responsabilités.

Hier il y avait deux logiques économiques qui s’opposaient. Une logique publique et une logique privée. L’affaire vivendi ne porte aucun risque de pénaliser le contribuable. Quoiqu’il arrive, ce sera l’actionnaire qui sera en première ligne.

L’affaire Alstom reporte une partie du risque de son activité sur l’actionnaire, mais l’actionnaire c’est désormais le contribuable. 

Où est la cohérence entre les deux formes de politique industrielle ? Pourquoi faudrait-il faire confiance à l’État d’un coté et à l’actionnaire privé de l’autre ? Tant que le gouvernement n’aura pas clarifié son rôle et son influence, il aura du mal à restaurer son crédit. 

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