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Envie de partir au combat ? Pas de problème, le petit djihadiste en ligne vous informe
©Reuters

Djihad Advisor

Le point commun entre un community manager et l'EIIL ? Ils maîtrisent tous les deux les médias sociaux et les utilisent pour engager leurs communautés.

David Thomson

David Thomson

David Thompson est reporter au service Afrique de RFI, et a notamment couvert la guerre en Lybie et les révolutions arabes en tant que correspondant. Il est également l'auteur du livre Les Français jihadistes.

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Atlantico : L'EIIL ne brille pas seulement par sa rapidité, mais aussi par sa communication sur les réseaux sociaux. Les jeunes français partis se battre en Syrie pour faire le djihad sont-ils nombreux à raconter ainsi leur expérience du terrain ?

David Thomson : Une bonne moitié des jeunes Français présents dans les rangs de l'Etat islamique en Irak et au Levant sont des ambassadeurs du jihad en Syrie. Cela passe par la diffusion de photos de leur quotidien, des vidéos mettant en scène leur vie et leurs actions. Le but est de donner l'image du bonheur absolu dans le quotidien du jihad. Un jeune a par exemple récemment publié une photo de son groupe de frères de religion et de combat allant se baigner à la plage, ou en train de festoyer à table, pour montrer l’opulence sur le sentier d’Allah. Mais le message passe également par des scènes de bataille ou d’exécution.

Le but est évidemment de montrer la puissance de l’EIIL, de mettre en avant le fait qu’il est sur la juste voie islamique, et in fine d’inciter d’autres Français à les rejoindre

Ce type de propagande est-il efficace auprès des jeunes occidentaux ?

Il est très efficace, et ils le savent d’autant mieux que la plupart d’entre eux se sont rendus en Syrie guidés par ce même type d’image. Le fait de voir des connaissances plus ou  moins directes en situation exerce un pouvoir de fascination considérable. Un débat existe sur la légitimité ou non de ce mode opératoire, puisque la représentation du vivant est en théorie interdite par l’islam, mais sachant que c’est à des fins de prédication, et au vu de l’efficacité du procédé, cela est majoritairement accepté.

Via des plateformes de questions-réponses anonymes comme Ask.fm,  certains jeunes djihadistes britanniques donnent de véritables notices du départ vers le jihad à leurs "frères" restés au pays. En est-il de même chez les Français ?

Sur les réseaux sociaux, les pratiques ne sont pas les mêmes selon les nationalités. Les Britanniques sont effectivement beaucoup plus présents sur Ask.fm, où ils expliquent leurs difficultés, leurs joies et leurs doutes. Ils sont aussi plus présents sur Instagram, Twitter, là où les Français commencent tout juste à arriver sur ces supports. Leur approche de la prédication est plus « artisanale », se cantonnant à Facebook. Ils prodiguent beaucoup de conseils via les messageries privées ou les statuts Facebook.

En quoi ces conseils consistent-ils exactement ?

Premièrement, ils expliquent comment se rendre en Syrie : dans quel aéroport atterrir, par quels pays passer pour éviter de se faire repérer par la police. Beaucoup transitent par l’Allemagne, prennent l’avion vers Istanbul, puis vers un aéroport du sud de la Turquie. On leur indique ensuite un poste de frontière, un passeur qui les attendra puis facilitera leur intégration dans le groupe, et enfin on les oriente vers un camp d’entraînement pour une durée d’environ un mois. Des conseils pour la vie quotidienne sont également prodigués : un peu d’argent liquide, un sac de couchage, pas de textes sacrés avec soi…

L’utilité principale des réseaux sociaux est de développer l’idéologie djihadiste grâce à des textes qui ne sont pas forcément disponibles dans les mosquées ou les librairies islamiques, et de nouer des contacts avec des gens qui sont déjà sur le terrain et facilitent l’entrée dans le groupe.

Notons que jusqu’à la fin du mois d’avril ils ne cherchaient pas tous à se dissimuler. Des Français ont par exemple « live twitté » leur passage en Syrie, jour après jour ! Et si le mouvement a aujourd’hui une telle ampleur, c’est parce que les autorités ont laissé les gens partir. Maintenant les contrôles sont accrus, ce qui pousse les apprentis djihadistes à un peu plus de discrétion.

Comment expliquez-vous le peu de discrétion qui a prévalu dans un premier temps ?

Comme ils savaient que les autorités n’avaient pas les moyens juridiques de les empêcher de partir et fermaient donc les yeux, ils en ont profité. Au moment du départ, tous ont la conviction qu’ils ne reviendront jamais, c’est pourquoi ils ne craignent pas de laisser des traces derrière eux. Or on sait aujourd’hui qu’au bout d’un an certains reviennent, avec des preuves flagrantes retenues contre eux.

Ces jeunes français partis en Syrie sont-ils vraiment des combattants, ou servent-ils de vitrine ?

Au bout de quelques semaines après son arrivée en Syrie, le jeune part pour un mois en camp d’entraînement, période nécessaire pour apprendre à manier la kalachnikov. Certains se spécialisent ensuite dans les assassinats, les kidnappings, les opérations ciblées, le commando, la pratique du sniper, l’utilisation des explosifs, ce qui peut rallonger de six mois la formation.

Une fois sortis du camp, on leur confie la surveillance des checkpoints, puis ils gravissent progressivement les étapes, et c’est seulement au bout de plusieurs mois, et parce qu’ils sont volontaires, qu’ils sont envoyé sur un front plus actif. Actuellement les combats les plus violents ont lieu entre djihadistes de l’EIIL et du Front Al-Nosra. Beaucoup de Français y ont trouvé la mort. De plus, deux Français se sont récemment portés volontaires dans des attentats suicide en Irak.

Comme l’EIIL se considère comme un Etat, il y en a aussi qui évoluent dans la police islamique, qui s’occupent de l’administration, mais tous sont à un moment donné confrontés à une véritable situation de guerre. Leur quotidien n’est pas fait que de batailles au sens propre, les images qu’ils diffusent renvoient aussi à une vie confortable. Ils y trouvent des deux.

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