Jean-Luc Bennahmias : "Je voudrais que se crée un véritable Parti démocrate comme aux États-Unis" <!-- --> | Atlantico.fr
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Barack Obama lors d'un congrès du Parti démocrate.
Barack Obama lors d'un congrès du Parti démocrate.
©Reuters

Petit nouveau

L'ancien député européen, passé par les Verts et le Modem, lancera à la rentrée une nouvelle formation politique, le "Front démocrate".

Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias

Jean-Luc Bennahmias a été député européen (2004-2014). il fut le secrétaire national des Verts de 1997 à 2001. Il a appelé sans succès à une candidature de Nicolas Hulot à la présidentielle de 2007. Actuel coprésident de l’Union des démocrates et des écologistes, il a été candidat à la primaire de la gauche de janvier 2017. Après les Verts et le Modem qu'il a quitté à l'occasion des municipales de 2014, il cultive l'aletrnative d'une "démocratie social-libertaire".

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Atlantico : Vous avez annoncé la création pour le 27 septembre du Front démocrate, écologiste et social, dans lequel des volontés d'horizons différents devraient pouvoir se retrouver, comme l’aile gauche du Modem, des radicaux, des proches de Corinne Lepage mais aussi des personnes venues des Verts. Mais la volonté de rassembler est-elle suffisante pour apporter une réponse cohérente à la crise ? Comment faire la synthèse de ces différents courants ?

Jean-Luc Bennahmias : Non, ce n’est pas suffisant pour répondre à la crise. L'idée centrale est la nécessité d'un véritable Front républicain. Ce que j’appelle un Front républicain offensif qui ne soit pas uniquement, sur un contour d’élections, obligé de répondre à la montée de la droite extrême ou de l'extrême droite. Je fais le parallèle, même s’il peut paraître relativement lointain, avec la façon dont nos anciens ont créé le Conseil national de la Résistance alors que différents mouvements politiques et culturels n’étaient pas forcément d'accord entre eux sur l’ensemble. Mais leur responsabilité a été de voir quels étaient les compromis qu’il était possible de faire. Dans la situation de crises au pluriel que nous vivons, que ce soit en France ou en Europe, c'est une nécessité totale d’aboutir à la création de ce front républicain offensif.

C’est dans ce cadre que j’appelle à la création du Front démocrate, nous sommes pour le moment dans une phase de test, nous nous laissons trois mois pour voir s'il y a du répondant. Le Front démocrate  est une structure politique basée sur la volonté de consensus national.

Concrètement quel serait le programme de ce Front républicain ?

Le programme est clair mais il est compliqué à mettre en place. Quelles sont les réformes structurelles indispensables à mettre en place pour que la France sorte des crises dans lesquelles elle se trouve ? C’est ce que j’exprime dans mon livre, Le Nouvel optimisme de volonté qui est une partie de programme. Aujourd’hui, lorsqu’un gouvernement quel qu’il soit souhaite faire des propositions de réformes, l’ensemble des fronts des refus, qui n’ont pas toujours tout à fait tort, se met en place et on ne peut plus rien toucher. Ce fut le cas dans le cadre des réformes sociétales comme celle du Mariage pour tous mais aussi pour l'écotaxe, et nous pourrions en citer bien d’autres. Ces fronts des refus ne sont pas unifiés mais lorsqu’ils se mettent en place, ils empêchent que les choses bougent. Dans cette situation, j'appelle à ce front démocrate qui devrait permettre à des organisations républicaines venues d’horizons totalement différents de travailler à une convergence globale. La question qui se pose est la suivante : "Que fait-on ensemble pour redonner de l’espérance à nos concitoyens qui en ont bien besoin ?"

Les gens n'y croient plus, quelle que soit la formation politique à laquelle on peut appartenir. Les organisations sont discréditées. 

Au vu de la crise de confiance traversée par l'ensemble des organisations politiques, la création d'un nouveau parti peut apparaître comme pure cosmétique dans la mesure où il ne traduit pas un renouvellement de la classe politique. Au delà des structures, les hommes politiques ne sont-ils pas aussi discrédités ?

Quand on fait de la politique, il faut une maison. Les structures seront des plus souples possibles pour laisser s’exprimer tous les courants. 

Et je pense que nous créons une structure avec des hommes qui sont issus de différents partis et de différentes strates associatives. Au delà du Front républicain, je voudrais que se crée un véritable parti démocrate comme aux Etats-Unis ou en Italie.

Tout cela est évidemment d’une grande complexité et ce n’est pas le Front démocrate sous la gouvernance notamment de Jean-Luc Bennahmias qui va résoudre tout cela avec sa baguette magique. J'en appelle à de la responsabilité. J’aimerais que l’on passe d’une société d’interdiction à une société de responsabilité.

Quand j'entends qu'il serait question d'interdire les cigarettes électroniques dans les lieux publics, sous prétexte qu’un jeune, que l’on prend pour un con, pourrait trouver cela bien, je dis stop ! C’est pour cela que le lancement par le gouvernement du pacte de responsabilité me paraît intéressant à mettre en place.

Le titre de votre dernier livre, "Le Nouvel optimise de la volonté" est inspiré d'une expression d'Antonio Gramsci qui estimait qu'il fallait allier "le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté". En quoi le concept de Gramsci vous parait-il pertinent pour analyser la situation actuelle ? Et en quoi permettrait-il aujourd'hui d'apporter une réponse aux problèmes concrets que connaissent les Français mais aussi l'ensemble des citoyens européens ?

Regardez l'état du monde aujourd'hui, l'état de la finance mondiale qui n'a strictement rien changé à son processus, l'état de la géopolitique, aux frontières de l'Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, vous voyez bien qu’il y a de quoi être pessimiste.

Mais si on fait de la politique, on s’attaque à ces phénomènes pour faire avancer la société. C’est pour cela que j'appelle à des résolutions fortes. Mais il faudra expliquer à nos populations les contraintes dans lesquelles nous sommes.

Comment traduire ce concept dans les faits ?

Il y a un jeu politicien habituel qui fait que l'immédiat prend le pas sur des politiques durables. Une bonne partie de nos concitoyens en sont d’ailleurs tout à fait conscients. Je trouve cela bien d’avoir des utopies en termes de projections futures mais il est bien aussi d’être dans des structures de réalité par rapport aux contraintes. J’affirme qu’il est possible, en France et en Europe, de remettre en place des politiques structurelles d’emploi si une majorité l’appuie. Et nous avons déjà commencé à appliquer ce concept lorsque les dirigeants européens se mettent autour de la table pour savoir ce qu’il s’agit de faire pour s’en sortir. Quelle politique industrielle commune mettons-nous en place ? Quelle politique énergétique ? Quelle politique de recherche commune ?

Cette idée "d'optimisme de la volonté" ne peut-elle pas paraître légère au regard de la gravité de la crise que nous traversons ? L'optimisme peut-il vraiment parler aux Français ?

Je sais bien que de parler de Gramsci, notamment, relève de l’analyse de la structure. Mais de manière plus pragmatique, j’appelle les forces démocratiques de ce pays à un peu de conscience générale dans la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Quelle forme pourrait prendre un nouveau pacte social que vous appelez de vos vœux "sur le modèle de ce qui avait été fait en France par le Conseil national de la Résistance" ? Avec qui ? Et selon quelle vision ?

Ce pacte social doit se faire sur une vision républicaine. Il faut parvenir à un compromis national. Mais cela demande que les formations syndicales qui sont aussi mal en point que les formations politiques, appellent aussi à un compromis. Dans le cadre dans lequel nous vivons, les questions de sécurité sociale par exemple sont d’une complexité absolue. Tout le monde n’a pas le même système en Europe. Alors comment peut-on faire avancer les politiques communes qui permettent de défendre le caractère relativement exemplaire du social dans un pays comme la France ?  Pour mettre à plat la question des retraites, de la sécurité nationale, il faut un compromis national.

Vous estimez dans votre livre que la France est confrontée à une multi-crise qui serait liée au système plutôt qu'à la conjoncture. Qu'est ce qui caractérise aujourd'hui cette multi-crise et en quoi est-elle sans précédent ? Ce diagnostic n'a-t-il pas déjà été établi par beaucoup avant vous sans pour autant que la situation n'évolue ?

Je ne suis pas sûr que ce diagnostic ait été établi par beaucoup mais par d’autres que moi, évidemment : Pierre Rosenvallon, Emmanuel Todd, Marcel Gauchet. Pour autant est-ce que les hommes politiques et les femmes politiques ont pris à bras le corps le phénomène ? Pas vraiment. Par exemple, les Bonnets rouges, sont l’expression d’un phénomène de remise en cause profonde de l'attitude de l'Etat nation par rapport aux populations. Je ne dis pas qu’ils ont forcément raison, mais on ne peut pas en faire abstraction.

Lorsque vous évoquez des mouvements sociaux comme les "Bonnets rouges" par exemple, vous parlez de "fronts du refus". Faut-il en conclure que ces mouvements se construisent uniquement dans l'opposition sans être porteurs d'alternatives constructives ?

Ici ou là des comités de citoyens peuvent avoir relativement raison par rapport à nos administrations. Les expertises peuvent être faites par d’autres que par nos grands énarques. Pour les entendre, les réseaux sociaux sont assez performants. Mais je pense que ces fronts des refus révèlent le besoin de redonner de la place aux autorités. Pour le libertaire que je suis cela peut paraître étonnant mais la remise en cause totale de toute autorité quelle qu'elle soit me semble être extrêmement dangereuse.

La montée au créneau sur les rythmes scolaires, plus qu’une opposition à la réforme en tant que telle, traduit la décrédibilisation généralisée de toute autorité.

Vous estimez également dans votre ouvrage qu'il est nécessaire de "jouer le pari de la confiance pour rester ancré dans l’humanité et œuvrer (même si toutes sortes de raisons portent au découragement) à l’amélioration de son sort." Comment redonner aujourd'hui confiance aux Français ? N'a-t-on pas atteint un point de non-retour ?

On part de loin, je suis d'accord. Que nos grands hommes politiques arrêtent de se renvoyer la responsabilité de la situation. Moi même, je n'en peux plus, alors que cela fait 40 ans que je fais de la politique. La question est de savoir si la République a les moyens de se sortir de la crise. Est-on capable de structurer des propositions communes ?  Je pense que oui. Je pense que nous allons être obligé de le faire. L'état des lieux des formations est catastrophique. Et un certain nombre de nos anciens devraient devenir des grands sages plutôt que de rester des acteurs politiques directs. On ne sait pas s'arrêter dans ce pays. J'espère que si je vous reparle dans 10 ans je ne serai pas en train d'animer un processus de changement mais que je participerait à la vie politique en tant que conseiller.

Pour vous la solution ne peut en revanche être nationale et doit se penser à l'échelle européenne. Etant donné le désaveu exprimé par les citoyens à l'encontre des institutions européennes lors des dernières élections, cela vous parait-il toujours possible ?

Possible, je ne sais pas. Indispensable, j'en suis sûr.

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