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Un Dalaï-Lama Père Fouettard
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L'habit ne fait pas le moine

Les bouddhistes de France se préparent pour la venue du Dalaï-Lama à Toulouse du 13 au 15 août. L'occasion de se rendre compte que le Prix Nobel de la Paix n'est pas uniquement l'océan de sagesse qu'il montre à l'Occident. Bonnes feuilles de "Dalaï Lama, pas si zen", de Maxime Vivas (éditions Max Milo)

Maxime Vivas

Maxime Vivas

Maxime Vivas est journaliste, coadministrateur du site d'information alternative legrandsoir.info.

Il anime également une émission culturelle sur Radio Mon Païs et fut référent littéraire pour ATTAC-France.

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 « Respecté dans le monde entier, reçu par les chefs d’État, l’homme à la tunique safran et au rire communicatif continue d’incarner les espoirs de six millions de Tibétains vivant au Tibet ou en exil », affirmait une dépêche de l’AFP en date du 22 novembre 2008.

Une tolérance relative

La chaîne de télévision France 24, qui diffuse des informations internationales et qui se veut une « CNN à la française » se montre plus dubitative quant à l’autorité débonnaire du dalaï-lama sur l’ensemble du bouddhisme chinois. Le 9 août 2009, l’émission Reporters, son magazine de l’information, a diffusé un reportage de Capucine Henry et Nicolas Haque. Et ce que nous y avons vu avec effarement, c’est un dalaï-lama prononçant le 7 janvier 2008 « un discours d’une rare violence dans une université du sud de l’Inde » (dixit France 24), un dalaï-lama Père Fouettard enjoignant à ses fidèles en exil avec lui de ne pas parler avec leurs frères et soeurs, adeptes de Shougdèn.

Shougdèn est une déité de la tradition bouddhiste, vénérée un peu partout dans le monde, en Chine, en Inde, au Népal, en Mongolie, au Bhoutan, au Bengale et qui compte même des fidèles en Russie, en Europe et aux États-Unis. Déjà, le 12 août 2005, dans un discours public à Zurich, le dalaï-lama avait déclaré son hostilité à une croyance qui ne lui agréait plus : « Certains d’entre vous savent sans doute, mais d’autres ne le savent peut-être pas, que dans la tradition tibétaine existe la pratique d’une déité appelée Dordjé Shougdèn, que certaines personnes suivent cette pratique et sont des adeptes de la vénération de cette déité et que je me suis déclaré contre cette pratique parce qu’elle va à l’encontre de mes principes et ceux des dalaï-lamas. »

France 24 nous renseigne sur la procédure de prise d’une décision par laquelle le sage exilé « a fermement condamné le mouvement Shougdèn et ses adeptes ». Les admirateurs de l’autoproclamé porte-parole mondial d’une démocratie douce et zen, opposée au système politique chinois, écouteront avec consternation Sa Sainteté autocrate : « Je n’ai pas interdit les Shougdèn pour mon propre intérêt, j’y ai mûrement médité et réfléchi en mon âme et conscience. »

Une méthode qui a fait ses preuves...

La mise à l’index est suivie d’effets concrets : les affidés de Sa Sainteté condamnant à la rue leurs frères et soeurs, dès lors victimes de discriminations graves dans leur vie quotidienne. Des affichettes les préviennent des lieux où ils ne peuvent plus entrer. Un Tibétain témoigne que, dans son village du sud de l’Inde, toutes les portes lui sont fermées, à lui et aux membres de sa communauté. En quelques mois, ces déviants ont été mis au ban d’une communauté réputée forcément fraternelle, puisqu’elle est bouddhiste. Et France 24 d’asséner : « Les moines Shougdèn ne peuvent en effet plus entrer dans les commerces, les lieux publics et même dans les hôpitaux. Dans les rues, on peut voir les portraits de leurs leaders placardés sur les murs, comme des hors-la-loi. »

Ah ! gardons-nous de ces comparaisons faciles qui fournissent prétexte à décrier toute une argumentation. Pourtant, l’interdiction pour une minorité désignée d’entrer dans des magasins, les affiches avec photos des ennemis « et nos frères pourtant »…

Le comble est que le dalaï-lama pratiqua ce culte avant de le déconseiller, de l’interdire, puis de clouer au pilori ceux qui y restent fidèles et qui, pour cela, sont par lui désignés comme agents de Pékin, accusation qui les fait tomber au rang de parias dans un pays, l’Inde, où le dalaï-lama n’écrit pourtant pas officiellement la loi. Doit-on, par anticipation, imaginer le sort qui serait réservé aux Shougdèn dans un Tibet dont lui et les siens seraient les maîtres ? Peut-on anticiper sur le tollé mondial que provoqueraient de telles mesures prises au Tibet par le gouvernement de Pékin contre la branche du bouddhisme dont le dalaï-lama est le chef ?

L’excommunication étant prononcée, la propagande n’a plus qu’à la justifier. Et si le dalaï-lama a décidé seul, ses fidèles doivent entrer dans la danse de la diabolisation. À Dharamsala, village des contreforts de l’Himalaya en Inde où siège le « gouvernement tibétain en exil », le Premier ministre explique que « les Shougdèn sont avant tout des ennemis politiques, des ennemis de l’intérieur ». L’un d’eux, très influent, est coupable d’un acte grave : il « a visité la Chine au moins deux ou trois fois ». Le ton est donné : « Ils sont prêts à tuer n’importe qui, à frapper n’importe qui » affirme-t-il. Les Shougdèn sont donc des assassins, mais surtout des traîtres à la solde des Chinois, selon les proches du dalaï-lama. « Les Shougdèn et les Chinois sont liés, c’est évident, poursuit [le Premier ministre]. Les pratiquants Shougdèn sont tous financés par les Chinois. »

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Extraits de "Dalaï Lama, pas si zen", de Maxime Vivas, Max Milo (Juillet 2011)

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