Nicolas Sarkozy est-il touché par le syndrome Giscard années 80 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy.
©Reuters

Président un jour, président toujours

Si on ne sait pas encore à quel moment il interviendra, le retour de Nicolas Sarkozy ne fait pas de doute. Selon un article du Figaro Magazine paru ce vendredi 20 juin, l'ancien chef de l’État dresse d'ailleurs un constat sans appel de la crise économique, morale, sociale et politique : "Il faut tout changer !". Une envie de revenir sur la scène politique qui rappelle fortement celle d'un certain Valéry Giscard d'Estaing trente ans plus tôt.

Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Atlantico : Le soir du second tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy estimait qu’un retour politique n’avait pas de sens. L’ex-chef d’Etat a pourtant très rapidement laissé penser qu'il voulait revenir d'ici 2017 et pourrait finalement le faire à l’occasion du Congrès de l’UMP. Est-il touché par le "syndrome Giscard" ? En même temps, n'hésite-il pas à revenir en politique alors qu'il est bien dans sa nouvelle vie ?

Xavier Chinaud : En 1981, malgré la recommandation de plusieurs de ses proches, VGE n’a pas su prendre une ou deux années "sabbatiques", c’est-à-dire un temps de réparation, de voyages, de réflexion et d’interrogation. Redevenu élu local rapidement il a jusqu’en 1995, soit 14 ans après son échec, envisagé une nouvelle candidature à la présidentielle et a repris entre temps la présidence de son parti, l’UDF. Il y a là une similitude. VGE aurait pu rendre crédible une prise de distance car sa dimension et sa personnalité le lui auraient permis. Le tempérament et la perception qu’ont les gens de Nicolas Sarkozy rendent peut-être en revanche la chose plus difficile.

Autre similitude : après la défaite de VGE, des lieutenants se sont assez rapidement autonomisés puis opposés à son retour. C’était à l’époque une nouvelle génération politique, bien qu’ayant souvent démarré leurs parcours sous sa présidence. Quant à l’hésitation à revenir en politique, je n’en crois rien. 

Pourquoi Nicolas Sarkozy et VGE, à deux époques différentes, n'ont-ils pas réussi à faire le deuil du pouvoir et espèrent revenir aux affaires ? L'Elysée rend-il dépendant ?

Le pouvoir présidentiel a peut-être un côté "démoniaque" tant sont étendus les pouvoirs du monarque républicain. Plus sérieusement, la réponse qu’ils ont retenue me semble être triple : pourquoi faire le deuil de son ambition et renoncer, quand on est encore jeune, (VGE avait 55 ans à sa sortie de l’Elysée, et Nicolas Sarkozy, 57 ans) ? Pourquoi renoncer quand l’un a vu François Mitterrand ne jamais abandonner et l’autre a vu Jacques Chirac s’y reprendre à trois reprises ? Et enfin pourquoi renoncer quand on a la conviction de sa propre valeur ?

Dix mois après sa défaite à la présidentielle de 1981, Valéry Giscard d’Estaing était reparti à la base en se faisant élire conseiller général du Puy de Dôme puis député, parlementaire européen et président de la région Auvergne. En quoi un parcours similaire est impossible pour Nicolas Sarkozy ? Quelles sont pour ce dernier les erreurs commises par VGE à éviter ?

Les situations ne furent pas les mêmes. VGE considérait  qu’il avait été battu par la trahison de Jacques Chirac et du RPR en 1981 (à juste titre sur ce point) mais qu’il n’avait pas été battu par le rejet des Français à son endroit. Il en a tiré une conclusion qui s’est révélée une erreur, repartir à la base et reconquérir les Français.

Nicolas Sarkozy a longuement et peut-être comme personne analysé les présidences qui ont précédé la sienne, leur "avant", leur "pendant" et leur "après". Il a compris l’erreur sur ce plan. Il avait aussi compris que VGE n’avait pas fait campagne en 1981, mais il avait été constant dans sa pensée sans fracturer les siens.

Valéry Giscard d’Estaing avait pris la présidence de l’UDF en 1988, qu’il a conservée jusqu’en 1996. La présidence d’un parti ne lui a pourtant pas permis de se présenter à la présidentielle. S’il devenait président de l’UMP, Nicolas Sarkozy peut-il réussir ce que VGE n’a pas pu faire ?

VGE était le président naturel de l’UDF, mais le mouvement a été créé lorsqu’il était déjà Président de la République. Pour accéder à la présidence, il s’était appuyé sur une petite équipe et n’a jamais souhaité un parti de masse. Après 1988, quand il est devenu président de sa famille politique il ne l’a pas exercée comme Nicolas Sarkozy l’a fait à la tête de l’UMP. Il avait une équipe légère avec de vrais professionnels et ne s’occupait pas de tout.

Par contre VGE a repris à Jean Lecanuet la présidence de l’UDF pour tenter de reprendre en main la nouvelle génération. S’il les avait "faits" pour beaucoup d’entre eux, il ne savait pas qui ils étaient vraiment... Cela a été une erreur de croire qu’ils viendraient spontanément constituer sa nouvelle base pour une nouvelle candidature présidentielle. La différence sur le plan partisan est aussi le fait que Nicolas Sarkozy  n’a jamais cessé d’être le patron de l’UMP depuis 2004. La vie de l’UDF comme l’après 1981 s’est toutefois déroulée dans une période de moindre rejet du politique et n’a pas été marquée par les "affaires".

La question à laquelle VGE n’a pas trouvé réponse en reprenant sa famille politique était peut-être : quelles actions novatrices peut-il avoir à sa tête pour justifier une nouvelle candidature présidentielle ? Nicolas Sarkozy travaille surement à y répondre,  l’avenir dira s’il réussira vraiment  là où VGE a échoué…

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