Pourquoi la loi de santé publique est un nouvel écran de fumée<!-- --> | Atlantico.fr
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Marisol Touraine.
Marisol Touraine.
©Reuters

Rien de nouveau sous le soleil

La ministre de la Santé Marisol Touraine a dévoilé ce jeudi matin aux professionnels les grandes lignes de sa loi de santé publique qui ne propose pas grand-chose de nouveau.

Nicole  Delépine

Nicole Delépine

Nicole Delépine ancienne responsable de l'unité de cancérologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches( APHP ). Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité Sociale, elle a récemment publié La face cachée des médicaments, Le cancer, un fléau qui rapporte et Neuf petits lits sur le trottoir, qui relate la fermeture musclée du dernier service indépendant de cancérologie pédiatrique. Retraitée, elle poursuit son combat pour la liberté de soigner et d’être soigné, le respect du serment d’Hippocrate et du code de Nuremberg en défendant le caractère absolu du consentement éclairé du patient.

Elle publiera le 4 mai 2016  un ouvrage coécrit avec le DR Gérard Delépine chirurgien oncologue et statisticien « Cancer, les bonnes questions à poser à mon médecin » chez Michalon Ed. Egalement publié en 2016, "Soigner ou guérir" paru chez Fauves Editions.

 

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Atlantico : La loi de santé publique présentée aujourd'hui regroupe des mesures très diversifiées. D'après ces dernières, que peut-on dire des priorités de Marisol Touraine  ?

Nicole Delépine : Si on en croit ces annonces qui seront détaillées plus tard et leurs modalités de mise en application et leur financement, Marisol Touraine retombe dans les vieux démons de la bureaucratie qui n’a pas de contact avec la vraie vie ou veut l’ignorer. On recommence avec le dossier médical personnalisé qui a déjà coûté des millions d’euros et est un échec répété. Elle demande une lettre de sortie de l’hôpital, ce qui est tout de même une pratique entrée dans les mœurs avant qu’on ne supprime personnel hospitalier et secretariat.

La vraie solution n’est pas d’inventer une "lettre de liaison" qui a toujours existé mais bien de remettre les personnels dans les services de soins au lieux de les investir dans les tâches transversales qui consistent essentiellement à inventer des questionnaires supplémentaires à remplir pour les soignants et à accroître leur charge non soignante !

Mais les médecins usent volontiers des mails et du téléphone et le problème n’est pas à la transmission des informations mais bien à la dégradation terrible du système de santé dévoré par une bureaucratie monstrueuse qui utilise les forces humaines à détruire plutôt qu’à construire.

Les vraies solutions sont les économies en regroupant les agences ne remboursant plus des dépistages démontrés inutiles voire nocifs, des vaccinations dangereuses (gardasil) et en ne faisant pas payer à la sécurité sociale les essais précoces (2 milliards d’euros/an) etc. Malheureusement, toutes les mesures vont dans l’autre sens.

Quelles sont, à l'inverse, les problèmes qu'elle n'a pas pris en compte ?

La réalité du terrain hospitalier et privé qui n’en peut plus d’être stigmatisé, harcelé, démotivé, surchargé. Comment voulez-vous admettre qu’un patient tétraplégique attende plusieurs semaines de bénéficier d’une douche pendant qu’un nombre d’administratifs élevé bloque en réunion des cadres soignants qui feraient mieux d’être au lit du patient que de faire les projets pour l’avenir ? C’est maintenant qu’il faut soigner les malades avec les moyens existants et les traitements efficaces, c’est au lit du patient qu’il faut faire de l’éthique et pas seulement dans les colloques organisés à tour de bras. Ce jour il y a une réunion sur les droits du patient à l’APHP, mais les associations de malades qui réclament depuis un an d’être reçues par la direction générale pour éviter la fermeture de leur service de soins pédiatriques individualisés en cancérologie ne le sont pas. Les patients, les citoyens, les médecins en ont assez de cet autisme du gouvernement qui s’étonne d’avoir perdu la confiance. Le silence devant les vrais problèmes, l’augmentation du pouvoir des agences non représentatives prévues par le ministère présage d’un gap encore plus profond entre la profession et le ministère.

L'une des mesures phare de la loi est notamment l'accès généralisé au Tiers-payant. Depuis quelques années, les consultations pour les problèmes de santé mineurs suivent une tendance baissière. Peut-on envisager une reprise de la consultation sans motif réel ?

L’exemple parfait du divorce entre la ministre et les médecins est cette volonté à tout prix de mettre en place le T¨PG contre la volonté de la très grande majorité des confrères. L’expérience du TPG pour un grand nombre de catégories de patients a bien montré que le patient qui ne paie plus considère trop souvent le soin de façon consumériste ce qui n’est d’ailleurs pas bon même pour lui-même. Le TPG est en place pour les personnes qui en ont besoin et il ne saurait être acceptable de le généraliser par un ukase de plus sans être à l’écoute de la large majorité des médecins qui ont étudié sérieusement ses effets délétères prévisibles et le refusent. Mais là encore, on a l’impression qu’il y a deux mondes une bulle de décideurs autistes et un autre monde le réel qui n’est pas entendu ni écouté. Savent-ils seulement qu’il existe ? Le nombre de suicides qui augmente chez les médecins déjà supérieur à plus de 2 et demi la moyenne nationale ne leur sert pas de thermomètre…

Si l'accès aux soins se trouve facilité, notamment grâce à la mise en place d'un numéro d'urgence, qu'en est-il de l'amélioration de la prise en charge des patients ?

La prise en charge par téléphone n’est pas une relation médicale et l’appel actuel au samu en est un exemple malgré la bonne volonté de la plupart des personnels qui font un métier extrêmement difficile et stressant. La médecine est un colloque singulier médecin malade de visu et rien d’autre la télémédecine la médecine par téléphone ne sont que des pis aller quand on est au fond d’un sous-marin... Mais tant qu’on voudra organiser le système de santé selon le management d’orange ou de la sncf ou des grandes entreprises on aggravera la situation.

La loi prévoit également de faire de la prévention en amont, chez les enfants. Quels sujets devront d'après vous être abordés ?

La prévention chez les enfants ressemble à un nouveau nuage de fumée. La prévention devrait être globale par la diminution des autorisations des pesticides, de la pollution, les ondes de l’alimentation etc...

Le fait que les véritables études épidémiologiques ont été refusées à l’association Eva pour la Vie dans un entretien récent avec la ministre ou plutôt remises aux calanques grecques et le mépris dont fait preuve le ministère avec les associations de patients qui réclament seulement le respect du libre choix thérapeutique pour les enfants atteints de cancer et qui malgré une mobilisation nationale des élus des familles des associations Ametist et autres et des médecins continue à tenter d’imposer de mettre en place le monopole du traitement des cancers et multiplier les essais thérapeutiques chez les enfants (en moyenne 1,25 essai par an en France par enfant cancereux ) montre bien que l’intérêt du ministère de la santé pour les enfants malades n’est que très relatif.

En quoi l'attribution d'un médecin traitant aux adolescents de 16 ans améliorera-t-il leur prise en charge ?

Il n’y a aucune raison que cela change quoique ce soit, il s’agit probablement d’une mesure étudiée en vue de "diviser pour régner" ce qui est une bien vieille méthode de gouvernement. Désolant !

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