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La nouvelle "crise finale" du capitalisme
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A vos prévisions !

La fin du capitalisme est annoncée tous les trente ans. Fabio Rafael Fiallo, économiste et écrivain, revient pour Atlantico sur les prédictions erronées de beaucoup d'économistes qui promettent une "crise finale" du capitalisme depuis plus d'un siècle.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Au début des années 50, une secte qui croyait en l'existence d'ovnis annonça que le monde toucherait à sa fin le 21 décembre 1954, ajoutant aussitôt que des ovnis viendraient chercher ses membres pour les sauver du cataclysme. Finalement, les soucoupes volantes n'arrivèrent pas avant la date fatidique, pas plus, d'ailleurs, que le monde ne disparut. Au lieu d'admettre l'échec de leur prophétie, les membres de la secte prétendirent que, certes, ils s'étaient trompés de date, mais que l'événement annoncé aurait tout de même lieu ultérieurement.

Cette histoire inspira le psychologue américain Leon Festinger pour énoncer sa théorie de la « dissonance cognitive », laquelle traite de la difficulté qu'éprouve un groupe d'individus quand ils doivent reconnaître que leurs convictions les plus profondes ne correspondent pas à la réalité. [1]

La gauche, en particulier l'aile radicale de celle-ci, a elle aussi un problème de dissonance cognitive. Il concerne sa critique du capitalisme et remonte à la prophétie de Marx selon laquelle le capitalisme conduirait à la paupérisation de la classe ouvrière. Cela pousserait le prolétariat, ajoutait Marx, à se rebeller jusqu'à provoquer une crise finale du système.

Les faits ont cependant porté un démenti à la prophétie. Tout au long du XXe siècle, le niveau de vie de la classe ouvrière dans les pays industrialisés eut tendance à s'élever. Si bien que, au lieu de vouloir détruire le capitalisme, les ouvriers cherchèrent à accroître leur pouvoir d'achat et à améliorer leurs conditions de vie au sein de la société de consommation que le capitalisme avait créée.

Les adeptes de la crise finale ne désarmèrent pas pour autant et revinrent à la charge dans les années 70, quand la stagflation (hausse du chômage et inflation à la fois) sévissait sur l'économie mondiale. En ce temps-là, on trouvait partout des articles de journaux expliquant pourquoi et comment le capitalisme venait d'entrer dans sa « crise finale ».

Seulement voilà, leur rêve partit à nouveau en fumée. D'abord, la stagflation parvint à être jugulée par le biais de taux d'intérêt élevés, décidés par le président de la Réserve fédérale Paul Volcker, et de politiques dites de l'offre (« supply-side ») de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Ces dernières encourageaient les investissements et les embauches au moyen de baisses d'impôts et se trouvaient aux antipodes des politiques keynésiennes de relance, lesquelles n'arrivaient pas à sortir l'économie mondiale de la stagflation.

Le spectre de la mondialisation

Plus important encore, arriva à la même époque un phénomène majeur qui consolida le capitalisme aux quatre coins du globe : la mondialisation de l'économie. En fin de compte, au lieu du capitalisme, ce fut le socialisme qui s'effondra comme un château de cartes à la fin des années 80. La nouvelle donne parvint-elle à persuader les adeptes de la « crise finale » de surmonter leur dissonance cognitive en abandonnant leur vaticination ? Eh bien, non. Pour preuve : Leonardo Boff, figure emblématique du marxisme latino-américain des années 60 et 70, vient de proclamer que le capitalisme est entré dans une « crise terminale » - se gardant tout de même de préciser ce par quoi il serait remplacé. [2] Et l'assertion de Leonardo Boff n'est qu'un échantillon du rêve, bien répandu au sein d'une certaine gauche, d'en découdre avec le capitalisme.

Or, en réalité, si la crise actuelle marque la fin de quelque chose, ce n'est pas celle du capitalisme, mais des derniers bastions de l'interventionnisme d'Etat inspiré de la vision économique de la gauche, à savoir :

a)      La politique de crédits faciles et de taux d'intérêt bas promue, d'abord par la loi Community Reinvestment Act de Jimmy Carter (1977), puis par Bill Clinton et par le président de la Réserve Fédérale nommé par ce dernier, c'est-à-dire Alan Greenspan. C'est cette politique-là qui a abouti à la crise des subprimes.

b)      Les plans de relance keynésiens menés à leur paroxysme par l'administration Obama, qui a dépensé des centaines de milliards de dollars dans un plan étatique de stimulation de la croissance (« stimulus package »), lequel n'a eu l'impact escompté ni sur la croissance économique ni sur le taux de
chômage.

c)      L'Etat providence bâti côté européen, lequel, par les ressources qu'il draine et les rigidités du
marché du travail qu'il entretient, n'est pas étranger, tant s'en faut, aux délocalisations industrielles, à la fuite des capitaux et aux niveaux insoutenables de dette souveraine qui plombent l'Europe d'aujourd'hui.

Aussi la solution du problème ne saurait venir de la disparition du capitalisme, mais de la mise en place de politiques économiques réactives aux signaux du marché (« market-friendly ») – comme celles qui firent leurs preuves dans la lutte contre la stagflation des années 80.

Rien dans ce monde n'a vocation à durer éternellement, et le capitalisme ne saurait être une exception. Il n'empêche, ce qui de toute vraisemblance devra quitter bien avant lui la face de la terre - par épuisement et discrédit - c'est la manie de pronostiquer des « crises finales » qui ne s'accomplissent jamais.

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[1] Festinger L. (1957), A theory of cognitive dissonance.

[2] "Is the crisis of
capitalism terminal?" - leonardoBOFF.com, 26 juin 2011.

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